Abul-'Abbâs al-Mûrsi

Shihab ad-Din Ahmad ibn 'Omar ibn 'Ali al-Khazraji al-Balansi, dont la noble lignée remonte au grand Compagnon Sa'ad ibn 'Ubada al-'Ansari. Il était connu sous l'épithète « Abul-'Abbas » et par le surnom « al-Mûrsi » d'après le lieu de sa naissance, Murcie. Son grand-père était Qays ibn Sa'ad, le chef de l'Égypte avant notre maître l'iman 'Ali ibn Abi Talib en l'an 36 de l'Hégire.

Notre maître Abul-'Abbas al-Mûrsi naquit dans la ville de Murcie, en Andalousie, en 616 de l'ère islamique (1219). Son père, qui y travaillait, le plaça auprès d'un professeur afin d'étudier le Glorieux Coran et d'apprendre les commandements de la religion. Abul-'Abbas al-Mûrsi mémorisa le Coran dans son intégralité en une année, et continua à étudier les principes de la jurisprudence, de la lecture et de l'écriture.
 
Son père était un commerçant de Murcie, et Abul-'Abbas al-Mûrsi avait l'habitude de participer, à ses cotés, à ses affaires. L'argent qu'Abul-'Abbas al-Mûrsi y gagnait était destiné aux pauvres, aux indigents et aux voyageurs. Les bénéfices de son commerce lui suffisait pour vivre comme il l'entendait.

Il employait son cœur au souvenir d'Allah et procédait ainsi jour après jour, étape après étape, sur le chemin de la vérité et de la réalisation.
 
Abul-'Abbas al-Mûrsi était connu comme quelqu'un de véridique et de digne de confiance, quelqu'un de décent et d'une totale intégrité dans son commerce. Si les bénéfices de ses affaires étaient de cent mille, il donnait cent mille par charité. Il était un exemple pour les autres commerçants de son temps en termes d'éthique, ainsi que pour les belles manières requises par la religion. Il était également un exemple pour la jeunesse en respectant scrupuleusement les piliers et les droits d'Allah . Il jeûnait plusieurs jours par mois, observait des veillées de prières pendant une partie de la nuit et tenait sa langue loin de la vacuité et des ragots.

En l'an 640 de l'ère islamique (1242) son père se résolu d'entreprendre le pèlerinage à la Maison d'Allah. Aussi l'accompagna-t-il avec son frère, 'Abullah Jalal ad-Din ainsi que leur mère, Sayyida Fatima, fille du Cheikh 'Abd ar-Rahman al-Maliki. Il voyagèrent par mer depuis l'Algérie, jusqu'à atteindre les rivages de la Tunisie lorsqu'une violente tempête s'abattit sur eux. Tous les passagers périrent noyés à l'exception de quelques uns d'entre eux, par la grâce d'Allah . Abul-'Abbas al-Mûrsi et son frère, qui furent sauvés par Allah, le Très-Haut, poursuivirent alors leur route vers la Tunisie où ils décidèrent de prendre résidence.

Abul-'Abbas al-Mûrsi reçu l'initiation des mains de son professeur, le célèbre guide spirituel Abul-Hassan Shâdhili (raa). Abul-'Abbas al-Mûrsi le rencontra en Tunisie en l'an 640 de l'Hégire et auprès de lui, il fut nourri par tout le savoir de son temps portant sur la jurisprudence, l'exégèse coranique, la science du hadith, la logique et la philosophie. Pour lui, les saisons passèrent sur son cheminement spirituel, jusqu'à ce qu'il eut atteint la maîtrise de ces sciences.

L'imam Abul-'Abbas al-Mûrsi a dit : « Quand je suis arrivé en Tunisie, je venais de Murcie, en Andalousie. J'étais alors un jeune homme à cette époque. J'entendis parler du Cheikh Abul-Hassan Shâdhili lorsqu'un homme m'invita à le visiter. Je lui répondit vouloir, au préalable, demander guidance auprès d'Allah [à ce sujet]. Cette nuit-là, je m'endormis et me vis en rêve gravissant une montagne. Lorsque j'en eus atteint le sommet, je vis un homme dans un manteau vert ; il était assis, un homme se tenant à sa droite, un autre à sa gauche. Il me regarda et dit : « Tu as trouvé le pôle du temps ». Quand je me réveillais, à l'heure de la prière de l'aube, le même homme qui m'invitât à visiter le Cheikh vint à moi une fois encore. Aussi, je partis avec lui et entrais en présence du Cheikh, en remarquant la même assemblée que j'avais vu au sommet de la montagne. J'en fus très étonné. Le Cheikh Abul-Hassan Shâdhili dit: « Tu as trouvé le pôle de ton temps. Quel est ton nom ? ». Je l'informais alors de mon nom ainsi que de ma lignée. Il dit alors : « Il y a dix ans déjà que je t'ai élevé jusqu'à moi ». À compter de ce jour, il ne cessa pas d'accompagner le Cheikh Abul-Hassan Shâdhili et voyagea avec lui jusqu'en Égypte.

Abul-Hassan Shâdhili remarqua qu'Abul-'Abbas al-Mûrsi avait un esprit pur ainsi qu'une belle âme avide de se rapprocher de son Seigneur. Il lui fit de nombreux dons et prit soin personnellement de consolider sa spiritualité, car il allait devenir Pôle après lui. Il dit : « Ô Abul-'Abbas, je jure par Allah que tu ne m'as pas accompagné jusqu'à ce que je sois devenu toi et toi devenu moi. Ô Abul-'Abbas, tu as ce que les hommes d'Allah ont, mais les hommes d'Allah ne possèdent pas ce que tu as ».

Parmi les récits qui nous sont parvenus sur les propos du Cheikh Abul-Hassan Shâdhili, de ceux qui se transmettent dans les cercles spirituels, il en est un qui rapporte que « Depuis qu'Abul-'Abbas al-Mûrsi a atteint Allah, il n'a jamais plus été voilé, quand bien même chercherait-il un voile qu'il ne pourrait le trouver. Abul-'Abbas connaît mieux les sentiers des cieux que ceux de la Terre.

Il est attesté qu'Abul-'Abbas al-Mûrsi accompagna le Cheikh Abul-Hassan Shâdhili et devint le guide de la Tariqa après lui. Avant cela, Abul-'Abbas se maria avec l'une des filles du Cheikh Shâdhili, qui donna naissance à ses enfants, au nombre desquels Muhammad et Ahmad. Une de ses filles épousa le Cheikh Yaqut al-Arashi qui était un des élèves de son père dans la connaissance et la spiritualité.

En l'an 624 de l'Hégire (1244), le Cheikh Shâdhili (raa) vit le Prophète Muhammad (
§) dans son sommeil, qui lui ordonnait de se rendre en Égypte. Aussitôt, il quitta la Tunisie accompagné d'Abul-'Abbas al-Mûrsi, de son frère et de son serviteur Abu al-'Azayim. Ils prirent la route pour Alexandrie sous la protection du roi al-Salih Najmuddin Ayyub.

Abul-'Abbas al-Mûrsi (raa) raconte : « J'étais avec le Cheikh Abul-Hassan Shâdhili en route pour Alexandrie, depuis la Tunisie, lorsqu'une terrible contrition me saisit. J'en fus affaibli au point de ne plus pouvoir en supporter le fardeau et d'en informer le Cheikh Abul-Hassan. Quand il sentit ma présence, il dit : « Ô Ahmad ? ». Je répondis « Oui, mon maître ». Il me dit : « Allah créa Adam de Ses propres mains, fit se prosterner les anges devant lui, fit du Paradis sa demeure puis l'envoya sur la Terre. Avant même qu'il ne soit créé, Allah dit « Je placerai un Khalife sur la Terre », Il n'a pas dit « dans le Ciel » non plus que « dans le Paradis ». La descente d'Adam (sur lui la Paix) sur Terre était une descente honorifique, non pas déshonorante. Il avait l'habitude d'adorer Allah en vertu d'une connaissance empirique. Quand il fut envoyé sur Terre, il se mit à adorer Allah par responsabilité. C'est seulement après être passé par ces deux formes successives d'adoration qu'un être peut devenir Khalife. En toi réside une part d'Adam. Tes débuts se sont accomplis dans le royaume des âmes, au Paradis, par empirisme. Alors, tu es descendu dans le monde de l'âme et de l'adoration par la responsabilité. C'est seulement ainsi, après être passé par ces étapes qu'il t'est possible de devenir un Khalife ».

Abul-'Abbas al-Mûrsi (raa) dit : « Dès que le Cheikh eut fini cette explication, Allah dilatât ma poitrine et aussitôt, ce sentiment de contrition et de mal-être intérieurs disparurent ».

Abul-'Abbas al-Mûrsi raconte : « Quand nous arrivâmes à Alexandrie, nous nous rendîmes à 'Amud al-Sawari. Nous étions dans le besoin et avions extrêmement faim. Un homme de foi d'Alexandrie vint à nous avec de la nourriture. Lorsque le Cheikh en fût informé, il nous dit : « Que personne ne mange de cette nourriture ! ». Nous avons alors passé la nuit comme nous étions arrivés, affamés. Le matin arriva et le Cheikh nous dirigea lors de la prière de l'aube. Puis, il nous ordonna d'apporter la nourriture. Nous la lui avons présenté et en avons mangé. Le Cheikh dit alors : « J'ai entendu une voix, dans mon rêve, qui disait que l'objet le plus recevable est celui auquel vous ne vous attendez pas, et que vous n'aviez jamais demandé ni à un homme, ni à une femme ».

« Nous nous sommes établis dans la province de Kowm al-Dakat. Pour les enseignements de la connaissance et les assemblées spirituelles, Abul-Hassan Shâdhili choisit la célèbre mosquée nommée Masjid al-A'tarin, également connue comme la Mosquée de l'Ouest. Ces enseignements et assemblées étaient attendues aussi bien par un grand nombre des gens de l'élite d'Alexandrie, que par les gens ordinaires ».

Ce n'était pas un hasard si Alexandrie était, à cette époque, une ville renommée et un grand lieu d'apprentissage pour de nombreuses et importantes sciences. Ceci était notable de par le fait que d'illustres personnages y étaient bien avant qu'Abul-Hassan Shâdhili et Abul-'Abbas al-Mûrsi y aient pris résidence. Parmi les personnes présentes aux leçons du Cheikh Shâdhili, on trouvait al-Tartawshi, Ibn al-Khattab al-Razi et Hafiz Abu Tahir al-Salafi. Salah al-Din al-Ayubi était toujours désireux de passer le mois de Ramadan à Alexandrie afin de pouvoir écouter les Traditions prophétiques par al-Hafiz Abu Tahir al-Salafi.

Abul-'Abbas al-Mûrsi poursuivit ses efforts auprès du Cheikh Abul-Hassan Shâdhili, dans la consolidation de son savoir spirituel, et continua sur la Voie. Il ne le quitta pas un seul instant, jusqu'à ce que le Cheikh Shâdhili mourût. Abul-'Abbas al-Mûrsi passa 43 années de sa vie à Alexandrie, à y répandre la connaissance, à y purifier les âmes, à y renforcer ses élèves et à en faire des exemples en matière de piété et de dévotion. Beaucoup reçurent la Connaissance des mains d'Abul-'Abbas al-Mûrsi, des disciples comme des compagnons, tels que l'imam al-Busiri, Ibn 'Ata 'Illah Al-sakandari, Yaqut al-Arshi, Ibn al-Laban, 'Izz al-Din ibn 'Abd al-Am, Ibn Abu Shama et tant d'autres.

Il mourût (raa) le 23 du mois de Dhul Qa'ida en l'an 686 de l'ère islamique (1287) et fut enterré avec ses fils Muhammad et Ahmad, dans la province de « Ras al-Tin ».

Abul-'Abbas al-Mûrsi devint le guide de la Tariqa Shadhiliya après le décès d'Abul-Hassan Shâdhili en l'an 656 de l'Hégire (1258). À cette époque, il était âgé de 40 ans et s'est efforcé à tenir haut la bannière du savoir et de la spiritualité jusqu'à sa mort. Après avoir passé 40 années à Alexandrie, l'éclat de la Voie Shadhilite s'étendit au-delà de l'horizon.

Les états de l'homme selon Abul-'Abbas al-Mûrsi

L'imam Abul-'Abbas al-Mûrsi (raa) divise les états de l'homme selon quatre catégories qui sont : l'Obéissance, la Désobéissance, la Louange et l'Acceptation.

En état d'Obéissance, l'on doit être reconnaissant envers Allah
Pour les Bénédictions dont Il nous fait la grâce.
C'est Allah Lui-même
Qui nous y conduit et Qui nous y installe.
En état de Désobéissance, il nous faut rechercher Son Pardon.
En état de Louange, il nous faut montrer notre gratitude en rejoignant Allah avec le cœur.
En état d'Acceptation, nous devons être satisfait du décret d'Allah et nous montrer patient.

La plus grande invocation

L'imam Abul-'Abbas al-Mûrsi (raa) avait coutume de recommander à autrui d'invoquer Allah. Il conseillait à ses compagnons de faire du Nom « Allah » leur invocation car c'est le Nom du Maître des Univers. Par Lui procèdent l'élévation et le profit. L'élévation est Connaissance et le profit est Lumière. La lumière n'est pas un but en elle-même, ce n'est qu'une aide et un dévoilement. Tous les Noms d'Allah peuvent être attribués à la création à l'exception du Nom « Allah » Lui-même. Par exemple, quand on L'appelle au travers de l'expression « Ô Patient » (Halim), on s'adresse à Lui au travers du Nom « Le Patient ». Il est Lui « Le Patient », Son serviteur étant alors « patient ». Si on l'appelle « Ô Noble », on s'adresse à Lui par le Nom « Le Noble ». Il est Lui « Le Noble », son serviteur étant, quant à lui, « noble ». Il en va de même pour tous les autres Noms d'Allah, à l'exception du Nom « Allah » Lui-même, qui ne peut être attribué qu'à Lui Seul. Car, tel quel, il qualifie le divin et ne peut donc pas être attribué à la création.

Extraits du discours de notre noble maître Abul-'Abbas al-Mûrsi.

Les Prophètes (sur eux la Paix) sont des présents pour leur nation ; notre Prophète (§) est un don. La différence entre un présent et un don réside dans le fait qu'un présent est destiné au nécessiteux alors qu'un don est destiné à des amoureux. Le Messager d'Allah (§) a dit : « Je suis un don de miséricorde ».

Il (raa) commenta la parole prophétique de notre maître le Messager d'Allah (§), « Sans aucune forfanterie, je suis le maître des enfants d'Adam », en ces termes : Il ne se vantait pas de sa seigneurie vis-à-vis des humains, mais il se vantait de son état de servitude à Allah, sobhanahu wa tâala.

L'existence toute entière est servitude et nous sommes tous serviteurs en Sa présence.

Je jure par Allah que je ne m'asseyais pas avec les gens car ils pillaient ce que j'avais. Quelqu'un me dit un jour, « si tu ne t'assieds pas avec eux, afin qu'ils puissent prendre de toi, alors nous ne nous accorderons pas à ton sujet ».

Durant 40 ans, le Messager d'Allah (§) n'a jamais été voilé à moi ne serait-ce que le temps d'un clignement d'œil. Si le messager de Dieu (
§) m'avait été voilé, je ne me considérerai plus comme faisant partie de la Nation musulmane.

Le Discernement est de deux types : mineur et majeur. Le Discernement mineur concerne la banalisation pour ce groupe, du fait qu'une simple âme saisisse que la Terre puisse être pliée pour eux depuis l'Est jusqu'à l'Ouest. Le Discernement majeur concerne celui des particularités de l'âme.


Traduit de l'Arabe par l'excellente équipe du site Soufisme-fr.com

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