Cheikh Alawi - Aux Maitres de Soufisme et Cheikhs de zaouïas 07/06/1929

Messieurs, il ne me convient pas de me dresser devant vous pour vous rappeler vos devoirs, ni de vous faire des avertissements, cependant que votre rôle consiste à exhorter le monde et à le diriger dans la voie droite, si je n'avais constaté de la défaillance dans l'exercice de votre autorité et des symptômes de désagrègement dans votre communauté. Certains parmi vous se livrent à une besogne qui n'est compatible ni avec votre rôle de prédicants, ni avec votre mission de semer la bonne parole.
 
Votre position aux yeux de tout le monde est très élevée et votre dignité la plus haute. Dieu vous a donné un aspect qui inspire au public une vénération mêlée de crainte ; il vous a coiffés de l'auréole de la puissance et de l'honneur et vous a mis à même d'exercer un prestige très étendu ; vos signes sont des ordres ; vos avis sont des sentences ; votre parole est écoutée, votre volonté exécutée. Quelle en est la raison ? Est-ce une force en soi qui s'exercerait sur le public et l'attirerait naturellement ? Ou bien réside-t-elle dans une vertu d'ensemble qui ferait que votre communauté lui doit d'être vénérée. Non certes. La seule raison réside dans vos rapports avec Dieu et dans le fait que vous appartenez à son entourage ; seule cette attitude, vous procurera une gloire et une autorité que ne purent atteindre les plus grands conquérants.
 
Comment pouvez-vous donc, Messieurs, renoncer délibérément à ce prestige venu de Dieu ?
 
Ce que nous espérons de vous, c'est de réunir vos efforts pour renforcer la croyance chez les musulmans, et surtout là où s'exerce votre ascendant ; vous fortifierez leur âme et ils vous donneront la foi de répondre à toutes les exigences de leur religion : ils pratiqueront ce qu'elle juge licite et s'écarteront de ce qu'elle interdit.
 
Vous agirez ainsi dans le but de faire recouvrer au peuple sa gloire, et celle-ci réside dans la religion, de sorte qu'en insufflant une vie nouvelle aux personnes et aux collectivités et si, grands et petits s'imprègnent des préceptes de l'Islam, nous aurons tout obtenu. C'est le moindre que nous puissions attendre de vous Messieurs, et je ne crois pas que vous soyez incapables de l'accomplir. Quant à celui qui refusera d'exercer son prestige pour l'accomplissement de cette mission, Dieu le lui retirera.
 
Il serait indigne de vous voir agir contrairement aux exigences de votre condition qui vous a valu cette autorité connue de vous-mêmes et du public. Je ne puis excuser votre communauté ni l'accuser en cas de défaillance. Je dis seulement que parmi vous il y a des despotes et d'autres qui le sont moins ; en général, vous êtes faibles par rapport à la puissance de vos ancêtres qui dormaient très peu la nuit, comme le dit le Coran.
 
Je vous rappelle ce hadith : Cette religion est née dans l'indifférence et elle y retournera. Actuellement, le monde semble retourner aux périodes de la préhistoire ; vous n'ignorez rien des événements qui se sont déroulés au cours des siècles qui ont suivi l'hégire. Quelle va être votre attitude devant les dangers qui vous menacent dans ce que vous avez de plus cher, c'est-à-dire votre religion ? Etes-vous prêts à les conjurer ou bien vous résigner ? Si pour vous l'alternative se ramène à la résignation, vous aurez failli à vos devoirs envers la Chari’a. Le Prophète, diriez-vous, prêchait la résignation. Oui, mais pas pour ce qui touche au prestige de la religion. La mission que vous remplissiez hier n'est pas celle qui vous incombe aujourd'hui.
 
Hier, la religion était dans l'épanouissement de sa gloire, elle vous couvrait de son prestige ; aujourd'hui elle est étrangère ; elle laisse indifférents ses sectateurs ; elle est menacée et vous appelle à son secours. Pouvez-vous l'aider et l'assister ? Si oui, dépêchez-vous et faites vite et rappelez-vous ces paroles de Dieu : Si vous aidez Allah, il vous aidera et raffermira vos pas.

Source : Journal Balagh Jazaïri. N°121. 07/06/1929. Aux Maitres de Soufisme et Cheikhs de zaouïas
Traduit de l'Arabe par Augustin Berque (Un mystique moderniste Le Cheikh Benalioua. Revue africaine n°79, 1936 Vol 2).


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