Cheikh Alawi et les missionnaires (partie 2)

La Rédaction du Balâgh : Nous avons publié dans notre précédant numéro (123) une lettre du jeune homme, le très noble, Monsieur Hassan ben Mahmoud le tunisien, dit « le kabyle », dans laquelle il décrit l’écho qu’a suscité son article publié dans notre journal auprès d’un certain nombre de missionnaires, et les réponses incisives du Cheikh Alawi qui ont agit sur eux dans le bon sens. Certains d’entre eux ont immédiatement quitté leur fonction et d’autres sur le point de le faire. La direction de notre journal a reçu une lettre d’un missionnaire (M’barek ben Slimane) qui confirme les affirmations du sieur Hassan ben Mahmoud, que nous publions. Son auteur, raconte les raisons qui l’ont amené à l’apostasie et finalement son retour à l’Islam. Nous présentons cette lettre en présent à nos frères musulmans en général et aux lecteurs du Balâgh en particulier.

 
Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux
Honorable Directeur (du Balâgh).

Je vous prie de publier le contenu de cette lettre en raison des évidences qu’elle renferme, ainsi qu’une tranche obscure de ma vie, qui servira de leçon, et de cela je me repens et demande pardon à Dieu. Je la présente en présent à mes frères musulmans.

Je suis le nommé M’barek ben Slimane, originaire de Guemar commune d’Oued Souf, résidant actuellement à Constantine. J’ai passé mon enfance dans notre commune sous la tutelle de mon père. J’ai appris, à l’âge de quinze ans, le Coran par cœur, ensuite j’ai passé presque trois ans à étudier dans l’une des zaouïas où j’ai acquis les bases de la grammaire et un peu de droit islamique. Par la suite, j’ai occupé la fonction de maitre de Coran pour les petits pendant un certain temps jusqu’à ce que le destin fasse croiser sur mon chemin une femme missionnaire.

Cette femme venait souvent me voir et me confrontait à quelques versets coraniques et les comparait à certains textes de l’Évangile. Elle me passait des livres traitant du christianisme et m’encourageait à les lire et à méditer sur les évidences qu’ils comportent, ou dirai- je sur les manipulations visant à mettre en doute l'authenticité du Coran. Je me suis mis à les lire de jours comme de nuits, au point de consacrer tout mon temps à leur lecture.

C’était désormais moi qui allais voir cette femme missionnaire et lui demandais d’autres livres, car rares sont les dupes comme moi qui échappent à l’emprise de ces livres truffés de critiques calomnieuses et de doutes à l'encontre du Coran, s’appuyant sur les quelques exégètes musulmans « ignorants » qui avaient reproduit des textes israélites et bien d’autres….

Le doute finit par s’installer en moi et prit chaque jour de plus en plus de place, jusqu’à ce que je déviais de la Vérité, ébloui par Satan et croyant bien faire. Ma croyance désormais était que l’Islam n’avait rien d’authentique et le Coran était l’œuvre des hommes, fabriqué de toute pièce par Mohammed (§) et ses compagnons [R], et l’infaillibilité des prophètes n’avait rien de vrai. Ainsi je fus une proie entre leurs mains, loin de la foi de mes ancêtres. Je suis resté un certain temps sans culte, puis j’ai fini par devenir chrétien en me laissant baptiser.

Lorsque la nouvelle s’est répandue, je fus déserté par mon père et toute personne que je partageais un lien familiale ou amical, mais cela n’avait fait qu’encourager ma rébellion et renforcer ma détermination dans ma nouvelle foi. Ainsi, j’étais fier de mon acte et me suis séparé de la communauté musulmane et rejoignis les missionnaires. Je professais à mon tour l’Évangile parmi les musulmans et leur déclarais que Jésus Christ est dieu et aussi fils de Dieu, qu’il est la seule voie du salut, qu’il est l’intercesseur, et qu’il est, et qu’il est, etc...

Ma fonction de missionnaire fut officialisée par l’association méthodiste et un salaire mensuel me fut attribué. Je propageais la parole de l’Évangile à Constantine avec acharnement et ferveur, de jours comme de nuits, finissant par récolter la satisfaction de l’association et sa totale reconnaissance.

Ma principale activité consistait surtout à mettre le doute dans la foi des jeunes musulmans dans le but de les christianiser. Mes efforts ont finit par apporter leurs fruits, j’ai conduis deux hommes à renier l’Islam et reconnaitre la divinité de Jésus, ce qui m’a valu d’être apprécié par les membres de l’association et leur direction générale m’a classé parmi les « meilleurs missionnaires ». J’étais ainsi fier de mon travail et décidé à poursuivre mon chemin dans la voie déviée.

La volonté divine voulut me sauver de la situation critique dans laquelle je me suis mis (en adoptant le dogme de la Trinité et tout ce qui suit). A cette époque je me suis mis à lire le journal « al-Balâgh al-Jazâïrî » que je préférais à tous les autres journaux, je prenais beaucoup d’intérêts à lire ses rubriques qui tournaient autour du culte religieux, car c’était le seul sujet qui m’intéressait. Un jour, je suis tombé sur un article sous le titre : « un missionnaire rejoint l’Islam », et  j’ai trouvé les réponses qu’a données le Maitre al-Alawî, que j’avais déjà entendu parler de lui et espérais le rencontrer un jour, mais je ne savais pas qu’il était aussi expert selon les réponses qu’il a données à Hassan « le kabyle ».

A peine avoir lu cet article (qui était publié en trois parties) et après avoir médité sur les réponses données et les preuves incontestables, que mes forces furent dissipées et mes motivations balayées, et tout désir à poursuivre mon activité de missionnaire était caduc. Je fus envahi par une grande angoisse, mes idées n’étaient plus à leurs places et le doute s’installa. Afin de trouver une issue, je présentais ces articles à mes coreligionnaires, des missionnaires américains et anglais et leur ai exigé de donner leur avis sur ces réponses, mais ils n’avaient rien à dire sauf que pour eux : « l’auteur de ces réponses ne connait rien sur le christianisme et la croyance des chrétiens en Dieu dépasse toujours notre compréhension ». Je leur ai dis : « votre réponse n’est pas objective et ne satisfait aucun antagoniste ! ». Pendant ce temps-là, lorsqu’ils se sont aperçu que ma foi était ébranlée et mon enthousiasme volatilisé, ils ont écrit au Directeur général lui décrivant ma situation actuelle. La réponse était tombée que je dois quitter sur le champ l’Algérie et me diriger à Sousse en Tunisie. Mais avant cela, ils avaient mis en projet de me marier à une jeune femme (algérienne) christianisée en même temps que sa mère et qui vivaient grâce à l’aide des missionnaires. Cette jeune femme a un cousin qui a demandé sa main, mais elle a refusé ne voulant prendre pour époux que celui qui croit que Jésus est le fils unique de Dieu, et c’est à moi qu’ils ont pensé et ont exigé que je prenne toutes mes dispositions pour le mariage et partir en Tunisie dans les plus brefs délais. J’ai demandé un délai de quinze jours pour régler mes affaires et cela me fut accordé.

Je n’ai pas perdu du temps et écris deux lettres successives au Cheikh Ahmed al-Alawî, lui racontant mon histoire et ce qui a perturbé ma foi. Je lui ai demandé la permission de le rencontrer afin de discuter au sujet de la Religion authentique, car la Vérité doit être reconnue. J’ai commencé mes lettres, comme à l’accoutumée, par la formule « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu ». Mais par malchance, le Maitre al-Alawî était en déplacement en dehors de sa ville Mostaganem, ce qui explique le retard de sa réponse après dix jours d’attente. J’étais, pendant ce temps-là, impatient de lire sa réponse à mon invitation jusqu’au jour où elle arriva, et à ma grande surprise, il me demandait d’excuser le temps qu’il avait mit à me répondre et m’invitait à le rejoindre immédiatement à Alger et m’éviter ainsi un long trajet de me déplacer à Mostaganem. Je fus enthousiaste par son message.

J’ai demandé à la direction de l’association protestante la permission de quitter Constantine pour quelques jours afin de me reposer et changer d’air. La permission me fut accordée quelques jours après, mais avec une certaine réserve. Je leur avais dis que j’allais vers l’est de Constantine mais j’ai pris sur le champ le train pour Alger. Une fois arrivé, je cherchais quelqu’un de charitable pour m’emmener à la résidence du Cheikh, et par hasard, j’ai croisé une personne qui se disait un de ses disciples et me conduisit jusqu’à lui. A notre arrivés, j’ai trouvé un groupe de disciples et leur moqaddem (Adda Bentounès) qui me demanda la raison de ma visite, je lui ai dis qui j’étais, et il m’informa qu’il était au courant de ma venue, il me salua et me dit : « nous nous somme déplacés à Alger spécialement pour vous, mais vous êtes en retard et nous avons pris nos dispositions pour repartir dès aujourd’hui. », je lui ai demandé de pardonner mon retard en remerciant Dieu de m’avoir donné l’occasion de rencontrer le Cheikh. Il alla le voir et revint avec sa permission.

J’ai trouvé le Maitre affaibli et s’en remettait à peine de sa maladie. Il me salua chaleureusement puis me dit : « nous avons passé plusieurs jours à vous attendre. », je lui ai demandé de me pardonner et lui ai expliqué les raisons de mon retard. Après avoir bu du thé, il me demanda dans quel état d’âme je me trouvais et quelles étaient mes convictions religieuses actuelles.

Je lui ai dis : « en réalité, je suis toujours chrétien et je crois à la Trinité et à la divinité de jésus et qu’il est le fils de Dieu ». Je ne lui ai rien caché, même ma position à l’égard de l’Islam. Bref, je lui ai largement exposé tout ce que je croyais en toute franchise.

Il ne manifesta aucune répulsion, au contraire, il me sourit et me dit : « tout ceci c’est désormais du passé, s’il plait à Dieu, maintenant votre situation est différente »

J’ai répondu : « c’est juste ! J’observe un peu d’abattement et aussi de l’hésitation à l’égard de ma foi suite à la lecture de vos réponses publiées dans votre journal, ce qui m’a obligé à solliciter votre rencontre car j’ai quelques questions à vous poser qui n’ont pas été traitées par Hassan « le kabyle ».

Il m’a dit : « l’espoir est en Dieu de nous permettre, y compris vous-même, de trouver les bonnes réponses ».

Puis il me dit aussitôt : « quelles sont les questions que vous voulez poser ? »

J’ai dis : « vous avez apporté plusieurs preuves qui sont à l’opposé de la croyance des chrétiens au sujet de jésus ».

Il m’a dit : « et lesquelles ? »

J’ai dis : (citée à la fin de l’article) qu’il est : « Sa parole qu'Il envoya à Marie, et un souffle de vie venant de Lui », Nissâ, 170. Que signifie ce supplément et quel est l’intérêt de cette précision ?»

Il m’a dit : « ce qui a été révélé sur Jésus, l’a été aussi pour Adam, mais Adam a quelque chose de distinctif (par rapport à  jésus). Allah a dit aux anges au sujet d’Adam : « Et dès que Je l'aurai harmonieusement formé et lui aurai insufflé Mon souffle de vie, jetez-vous alors, prosternés devant lui », Hajar, 29. Donc, en plus du point commun qui est « le souffle de vie », Dieu a ordonné aux anges de se prosterner devant Adam, et sur cette distinction, la divinité d’Adam est plus supposée que celle de Jésus, ou au moins serait reconnu comme tel en même temps que Jésus ».

Sa réponse me laissa sans voix. Puis j’ai dis : « il nous reste autre chose ; le Coran accentue l'éloge envers la Thora et l’Évangile et approuve leur existence parmi les deux communautés et ordonne le respect à leur égard. Il souligne dans plusieurs versets ce qui a été révélé dans ces deux Livres, et malgré cela les musulmans leur tourne le dos soutenant les falsifications qui leur ont été portées, ce qui représente un total contraste par rapport à ce qui est mentionné dans le Coran ».

Il m’a dit : « vous devez savoir ceci : étant donné que le Coran approuve les Livres antérieurs, en occurrence la Thora et l’Évangile, il est aussi prédominant sur eux, c’est-à-dire superviseur et conservateur de ce qui est a été soustrait ou ajouté. Ainsi il approuve ce que Dieu a révélé dans les Livres antérieurs et désapprouve ce qui n’a pas été révélé mais écrit par la main de l’homme comme le montre ce verset : « Malheur, donc, à ceux qui de leurs propres mains composent un livre puis le présentent comme venant de Dieu pour en tirer un vil profit ! Malheur à eux, donc, à cause de ce que leurs mains ont écrit, et malheur à eux à cause de ce qu'ils en profitent ! », Baqara, 78. Ce qui indique d’un coté, que les israélites n’hésitaient pas à opérer ce qui est souligné dans ce verset, et d’un autre coté le Coran n’a pas spécifié que la Thora, les Psaumes et l’Évangile, il y a plus de soixante dix Livres dans l’ancien et le nouveau testament, on désigne la première partie par la Thora et la deuxième partie par l’Évangile, alors que l’Islam ne reconnait de la Thora que ce qui a été révélé à Moïse, et de l’Évangile que ce qui a été révélé à jésus, et des psaumes que ce qui a été révélé à David. Ces trois Livres ont été introduits dans l’ancien et le nouveau testament et combinés avec les commentaires des historiens, des scribes et des traducteurs, et tout ceci est considéré par eux comme « Saint », ils ne font pas, par exemple, la différence entre les parole de Jésus et celle du traducteur ou de l’historien ».

J’ai dis : « certes, il doit y avoir du vrai de ce que vous dites, car parmi les prêtres chrétiens il y a ceux qui le reconnaissent. Mais j’aimerai que vous me montrer une méthode de reconnaitre les textes falsifiés, qui sera pour moi une preuve incontestable de ce que vous avancez, car je pense que cela est plus concluant qu’une simple spéculation ».

Il m’a dit : « je vous montrerai et vous verrez que c’est très facile, mais pour l’instant je suis fatigué à cause de la faiblesse que je ressens, et je vois que vous aussi vous avez besoin de repos à cause du voyage, et on poursuivra l’après-midi s’il plait à Dieu. Allez en paix ».

Je l’ai quitté impressionné par ce que je venais d’entendre. Un de ses fidèles me demanda comment je me sentais, je lui ai dis que j’étais extrêmement perplexe, il m’a répondu qu’on ne trouve la voie de la vérité qu’après la perplexité. J’ai répondu : s’il plait à Dieu.

Après avoir déjeuné avec ses fidèles, je les ai quittés les laissant accomplir la prière du début de l’après-midi « Dohr » et me suis reposé dans une chambre jusqu’au milieu de l’après-midi « Asr ». J’ai demandé ensuite la permission de revoir le Maitre, et elle me fut accordée.

Une fois installés, Il m’a dit : « sur quel point nous nous sommes arrêtés ce matin ? »

J’ai dis : « sur la question de la falsification de la Thora et de l’Évangile » et je lui ai exprimé mon désir de savoir plus.

Il m’a dit : « il vous est possible de le constater dans peu de temps, mais d’une façon à vous considérer comme étranger à la chrétienté et ayant le projet de l’adopter comme culte. Considérez-vous aussi expert en matière de copie et de traduction des originaux qui existent toujours : la version hébraïque, la version grecque et la version samaritaine. Il ne fait aucun doute que vous allez choisir une des trois versions pour en faire un modèle de culte. Mais avant, vous avez comparez les trois versions et vous vous êtes arrêté devant le Chapitre de la Genèse de la version hébraïque qui dit qu’entre Adam et le déluge de Noé, il y a 1656 ans. Vous prenez ensuite la version grecque et vous trouvez qu’elle dit qu’entre Adam et le déluge de Noé, il y a 2260 ans. Il vous reste la version samaritaine, vous la prenez et vous trouvez qu’elle dit qu’entre Adam et le déluge de Noé, il y a 2307 ans. Après avoir constaté ces différences, vous entendrez les hébreux, les grecques et les syriaques chacun dire que sa version est la parole de Dieu qui n’a guère changé et elle est copie conforme de l’original et inspirée par Dieu, etc.…, et maintenant que pensez vous de la période qui sépare Adam de Noé et qu’est ce que vous pensez de ces trois versions ? »

J’ai dis : « j’ai pensé que la falsification ne concerne que deux sur les trois versions »

Il m’a dit : « comment arriverez-vous à distinguer celle qui a échappé à la falsification ? »

J’ai dis : « il n’y a pas de possibilité de le savoir car le doute concerne les trois à la fois »

Il m’a dit : « ne croyez pas que la différence concerne que la période Adam/Noé, mais vous trouverez d’autres dans la plupart des versions »

J’ai dis : « une seule différence suffit, car si la falsification est constatée dans un seul endroit du livre, tout le livre est susceptible d’être falsifié »

Il m’a dit : « sans cette méthode à comparer les livres, nul ne peut savoir s’ils ont été falsifiés ou pas, et comment le pourrait-il celui qui adopte une seule version et ignore les autres, surtout que chaque Église par son excès exclue sa version de toute falsification et la considère comme authentique, traduite mot pour mot de l’originale, et après tout ça elle se donne le mal de le prouver avec tous les moyens qu’elle trouve nécessaires ».

Puis ajouta : « si vous voulez, je m’étalerai sur ce sujet pour que vous soyez convaincu »

J’ai dis : « je me contente de ce que vous avez dis, cela me suffit comme preuves »

Lorsque nous avons terminé notre conversation, Monsieur Hassan « le kabyle » est entré, il était venu voir le Maitre avant son retour à Mostaganem. J’avais l’espoir de rencontrer ce Monsieur et le voilà assis devant moi. Après l’échange des révérences, je voulais savoir ses sentiments actuels par rapport au passé.

Il m’a répondu : « Louange à Dieu ! Je suis propre corporellement, mes membres sont très légers, mon esprit est sain, vide des faux concepts ».

J’ai dis : « quant à moi, mon esprit est encore troublé ».

Il m’a dit : « si tu continue à fréquenter le Maitre, tu trouveras le paix dans très peu de temps ».

J’ai dis : « malheureusement, le Maitre partira demain ».

Il m’a dit : « qu’est ce qui t’empêche de l’accompagner à Mostaganem ? ».

J’ai dis : « rien ! Et je ne désire que cela ».

À ce moment, le Maitre dit : « c’était notre intention et ce ne serait pas autrement, s’il plait à Dieu ! ».

Nous avons parlé d’autres sujets jusqu’au crépuscule (maghreb), puis le maitre nous autorisa à partir en me donnant rendez vous pour le lendemain matin pour le voyage de retour à Mostaganem. J’ai fais mes adieux à Hassan, qui en partant n’avait aucun doute que ma réunion avec le Maitre apportera ses fruits. J’ai passé cette nuit-là partagé entre un état de convulsion et d’exultation.

Au matin, le Maitre partit en voiture et me confia à un de ses secrétaires, Monsieur Mohammed Jeridi. A l’heure du départ, je suis allé en sa compagnie à la Gare et avons prit le train. Au court du voyage, le frère me demanda l’état de mes sentiments. J’ai répondu : « je ne me sens ni musulman, ni chrétien », il m’a dit : « c’est une étape que tu as franchie sans que tu en sois conscient ».

Arrivés à Relizane, nous descendîmes et allâmes à la zaouïa de cette ville pour nous reposer. Les fidèles du Maitre nous ont reçus chaleureusement. Après le repas, nous restâmes assis pour échanger quelques discussions. J’étais très impressionné par la qualité de leurs propos et la motivation qui les animait. Tous, sans exception, s’exprimaient intelligemment et leurs réponses étaient aussi intelligentes. À ma connaissance, je n’ai trouvé cette qualité que chez les adeptes alawis. Puis nous avons passé la nuit avec une sensation de bien-être.

Le lendemain, nous continuâmes notre voyage vers Mostaganem en compagnie d’un de ses fidèles qui se nomme Salah Bendimered. Dès notre arrivée, nous allâmes au siège du journal « al-Balâgh », où nous fûmes accueillis chaleureusement, nous prîmes un peu de repos et du thé nous fut servi. Nous prîmes ensuite le chemin de la zaouïa du Maitre qui nous attendait dans un logis qui lui est propre pourvu d’un jardin et d’une fontaine. Il nous accueilli très chaleureusement, puis nous nous installâmes. A ce moment là, je me voyais plus proche de l’Islam que du christianisme.

Le Maitre commença à parler de la Trinité par un ton ferme, contrairement à ses habitudes, en tout cas en ma présence, jusqu’à ce qu’il dit : « je ne sais pas d’où est ce que les chrétiens ont puisé cette doctrine étrange qui n’a aucune trace dans les anciens livres révélés, et qu’aucun prophète ou messager n’en a parlé ».

Je lui ai dis : « elle est citée dans le chapitre de la Genèse de l’ancien Testament, lorsque Dieu s’adressa à Adam après que ce dernier ait mangé le fruit défendu de l'arbre de la connaissance et su faire la différence entre le bien et le mal, chapitre 3, verset 22 : « Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous », et la preuve est (l’un de nous) ».

Le Maitre se tourna vers les autres et sourit en disant : « l’honorable monsieur M’barek ne se satisfait pas d’un seul Dieu que lorsqu’il rassemble un nombre considérable de dieux. Dieu soit Exalté, qu’est ce qu’ils sont obstinés à soutenir la  multitude ! N’a-t-Il pas été dit dans la Thora dans le livre de Deutéronome, chapitre 6, verset 4 : « Écoute, Israël ! L’Éternel, notre Dieu, est le seul Éternel », Il est dit aussi dans le chapitre 4, verset 35 : « Tu as été rendu témoin de ces choses, afin que tu reconnusses que l'Éternel est Dieu, qu'il n'y en a point d'autre ». L’ancien testament regorge de versets qui vont dans ce sens, mais ces gens-là ne sont satisfaits que des versets qui soulignent des paires à Dieu ! »

Je lui ai dis : « Maitre, les chrétiens ne parlent pas de paires ni d’associés mais d’un Dieu unique en trois personnes égaux, participant d'une même essence divine, et ils prétendent qu’ils sont unitaires selon cette doctrine »

Il m’a dit : « si votre raisonnement est capable de concevoir trois dieux en un, et un dieu en trois, le moins des intelligents ne peut concevoir d’assembler deux opposés ».

Je lui ai dis : « les chrétiens disent que la doctrine de la Trinité dépasse notre entendement et échappe à notre pleine saisie ».

Il m’a dit : « s’ils reconnaissent qu’elle échappe à notre entendement, qu’ils la prêchent à ceux qui en manquent comme les sots et les fous, qu’on leur fait croire tout ce qu’on veut. Quant au raisonnable, il est sous le pouvoir de la raison, qu'il le veuille ou non, et ce qui est refusé par la raison n’est pas bon à prendre comme culte ».

Puis il s’est retourné vers les autres en disant : « savez-vous messieurs c’est quoi exactement cette Trinité que les chrétiens appellent à croire ? »

Ils ont dit : « non !? »

Il a dit : « c’est croire que le Vrai Dieu, qu’ils nomment « le Père », est assis dans le ciel sur son trône, et croire que le Messie est son fils et dieu en même temps avec tous les attributs de la divinité, et par la même occasion il est homme et fut crucifié sur terre à l’époque d’Hérode, il était mort et fut ressuscité après trois jours, il est monté au Ciel où il siège à la droite de son Père. Ils croient aussi que le Saint Esprit est un dieu avec tous les attributs de la divinité, mais ils n’ont pas précisé la place qu’il occupe. Et ces trois qui participent d'une même essence divine ne font qu’un ! »

Puis le Maitre me demanda si c’était exactement ça qu’ils croient, ce que j’ai confirmé. Il rajouta : « s’ils croyaient que celui qui est dans le ciel est une partie de dieu, et Jésus une autre partie ainsi que le Saint Esprit une partie, lorsqu’ils s’assemblent, ils forment un seul dieu, cela aurait été accepté chez les simples d’esprit, au lieu de dire trois dieux et chacun est substantiellement un dieu et fondamentalement distinct et les trois ne font qu’un ! Quel grand écart qui les sépare de l'unicité pure ! »

Puis se retourna vers moi d’une façon personnelle et me dit : « c’est par cette doctrine que tu adorais Dieu sidi M’barek, et tu espérais te rapprocher de Lui !? »

A cet instant, je fus saisi par un frisson et me suis éclaté en sanglots et pris la main du Maitre en disant, « je témoigne qu’il n’y a nulle divinité hormis Allah et Mohammed est son messager ».

L’assistance se mit à pleurer à mes pleurs, et les mains ont été levées vers le ciel et invoquaient Dieu en prières pour ma personne. Puis le Maitre demanda à une personne de psalmodier quelques versets du Coran. A la fin, le Maitre rejoignit sa résidence en remerciant Dieu pour sa bonté. Quant à moi, je suis resté avec les autres, constatant mon état comme si je venais d’entrer dans un monde nouveau. J’ai demandé ensuite de m’indiquer la salle de bain, on m’apporta de l’eau chaude et me suis lavé rituellement que je n’avais pratiqué pendant très longtemps, et j’ai remercié Dieu de m‘avoir guidé vers sa Religion avant de quitter ce monde, puis je suis sorti accomplir la prière du début de l’après-midi (Dohr) en compagnie des fidèles.

Lorsque le Maitre revint au milieu de l’après midi, il me demanda si j’avais accompli la prière du milieu de l’après-midi (Asr), j’ai répondu par l’affirmatif, il m’a dit que cette prière est celle mentionnée (dans le Coran) étant « la prière médiane » qu’il faut préserver et la faire à ses temps, un des assistants lui dit que j’avais aussi fais la prière d’avant (Dohr) en leur compagnie, il lui répondit : « et il est autorisé d’avantager le (Dohr) ».

Lorsqu’il commença à parler, il consacra ses propos, cette fois-ci, au Prophète (§). Il cita ses éminentes qualités morales avec un style qui incite les cœurs à aimer fortement ce Prophète généreux.

Vers la fin de son discours, il dit : « les dernières générations de la nation musulmane ont constaté ses miracles que les premières générations n’ont pu constater, mais croyaient en elles. Parmi les preuves de ses miracles, son annonce, par inspiration divine, qu’il est le sceau des prophètes et aucun prophète n’apparaitra après lui jusqu’à la fin des temps. Cette déclaration a été entendue par ses compagnons et ils y croyaient. Quant à nous, nous l’observons car quatorze siècles sont passés, alors que dans les anciens temps aucune période analogue et aussi longue n’a été établie séparant un prophète d’un autre, et ainsi cela prouve le bien fondé de sa prophétie…

La deuxième chose : le Coran a lancé un défit aux contemporains du Prophète (§) d’apporter un chapitre analogue au Coran, et il a annoncé qu’ils ne pourront pas le faire, ainsi que les générations ultérieures. Ainsi, les humains se voient incapables de défier le Coran jusqu’à la fin des temps, et ce verset en est la preuve, Baqara, v23, 24 : « Si vous avez un doute sur ce que Nous avons révélé à Notre Serviteur, tâchez donc de produire une sourate semblable et appelez vos témoins que vous adorez en dehors d'Allah, si vous êtes véridiques, Si vous n'y parvenez pas et, à coup sûr, vous n'y parviendrez jamais… », Ainsi les lettres (n’y-pas) attestent de l’impuissance des hommes à réaliser ce défit à l’époque du Prophète (§), et les lettres (n’y-jamais) attestent de leur impuissance au-delà de son époque, et ce miracle restera quoi que le temps durera. Voyez comment les compagnons croyaient seulement, et nous, nous l’observons. Les siècles ont engendré des ennemis du Coran et pas un seul ne put apporter même pas un verset analogue… ».

Le Maitre s’étala sur ce sujet jusqu’à la prière du (Maghreb). En sortant, je m’émerveillais de la grandeur de l’Islam et même plus grandement de ce que j'ai entendu sur l’Islam et je dormi cette nuit-là en « croyant », louangeant le Très-Haut.

Au matin de mon deuxième jour, j’allais voir le Maitre et l’ai trouvé avec quelques visiteurs. Après m’être installé, il me demanda de mes nouvelles et lui ai répondu que j’allais au mieux grâce à sa fréquentation. Puis il me demanda : « j’ai lu dans les livres des chrétiens leurs critiques des musulmans, que ceux-ci croient à l’abrogation des lois prescrites auparavant, et ainsi ils critiquent les annulations des lois prescrites dans le Coran par le Coran, en disant que Dieu n’est pas un homme qui annule aujourd’hui ce qu’il a prescrit hier, et aucune loi n’est valable que celles révélées à Moïse, et elles restent des lois constantes jusqu’à la fin des temps. Alors comment expliquer les lois apportées par Mohammed (§) qui sont distinctes des lois de Moïse ? »

J’ai dis : « certes ! Ils disent ainsi ».

Il a dit : « je ferai abstraction des preuves des annulations des lois dans l’ancien Testament, car je me demande quelle serait la réponse des chrétiens si on leur dit que la loi de Moïse est venue avec des prohibitions, des licites, des règles, des rites religieux et autres devoirs cultuelles, et la situation dans laquelle se trouvent les chrétiens, de pratiquants parlant, n’a rien à voir avec la loi de Moïse, car ils ne permettent pas ce qui est licite et permettent ce qui est illicite, et ne se conforment pas au rituel religieux selon la loi de Moïse. Alors comment peuvent-ils parler de leur appartenance à ses lois pendant qu’ils ne l’observent pas ?! Et la question qui se pose : la situation dans laquelle ils se trouvent ; est vue comme une annulation ou une altération (des lois) ? »

J’ai dis : « probablement la deuxième ».

Il a dit : « que ce soit la première ou la deuxième, ils feraient mieux de faire leur propre autocritique avant de critiquer les autres. Mais Jésus a dit vrai dans l’Évangile de Matthieu, chapitre 7, verset 3 : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? ».  Ce qui est étrange dans la foi chrétienne, est la violation de la majorité des lois révélées dans la Thora, si ce n’est pas la totalité, alors que Jésus a dit dans l’Évangile de Matthieu, chapitre 5, verset 17 : « Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir ». Cette violation a commencé au moment où Pierre, qui n’est ni prophète ni homme infaillible, et les chrétiens n’ont aucune décharge qui leur permet de s’acquitter des lois de Moïse, que seulement ce que Pierre a dit avoir vu dans une vision qu’une grande nappe est descendue du ciel contenant des animaux purs et impurs. Il entendit également une voix qui lui disait : « Pierre, lève-toi, tue, et mange ». Ainsi tous les aliments qui étaient interdits de consommation dans l’ancien Testament furent permis, aucune différence n’est faite ; la chair d'une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre que Dieu, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée. Tout ceci est licite pour eux comme si la loi de Moïse n’avait jamais existé ni approuvée par Jésus. Aussi toute forme de prière judaïque : prosternation, génuflexion, jeune et l’aumône légale ont été affranchies par caprice et non par loi divine ».

J’ai dis : « en fait, ils disent que les postures corporelles et rituelles dans la loi de Moïse ne sont que symboliques par rapport à l’essentiel qui est un appel entendu dans les profondeurs de l’être »

Il a dit : « ce ne sont que des raisonnements sophistiqués qu’ils mettent en avant lorsqu’ils sont confronté à cette question, car ils savent très bien que Jésus avait un cœur très pur par rapport à eux, et une parfaite conscience comparée à la leur, et tout cela ne l’a pas empêché d’être un serviteur de Dieu, priait, se prosternait, pleurait, suppliait comme en témoigne l’Évangile et les chrétiens eux-mêmes. Il en est de même pour les autres prophètes et messagers qui en plus de leurs prosternation, obéissaient à Dieu, s’interdisaient l’impureté et se permettaient tout ce qui est sain, et n’ont été envoyés par Dieu que pour cette raison, sinon quel aurait été l’intérêt de leur message ? »

Dès qu’il a finit, je me rendis compte de l’erreur dans laquelle je me trouvais. Puis m’autorisa à partir.

Au matin du troisième jour, on s’est revus. Après quelques échanges variés, il m’a dit : « avez-vous une idée de ce que vous prêchiez et pensiez que vous guidez les gens dans la bonne voie ? Vous alliez voir le musulman ayant une foi saine dans l’unicité de Dieu, respectait tous les prophètes et messagers et avait la certitude qu’ils obéissaient à Dieu, et vous lui proposiez de remplacer l’unicité (de Dieu) par la Trinité, de lui faire croire que les prophètes n’étaient pas infaillibles. Ce musulman était purifié corporellement, propre au niveau de ses habits, vertueux, dévot comme le lui recommande l’islam, et vous lui disiez : « si tu veux la salut éternel, te suffit comme foi de dire que jésus est le fils de Dieu et il est le dieu crucifié, etc... ; abandonne toute chose relative à l’Islam ». Ainsi, grâce à vos efforts et vos conseils, il cessera d’être unitaire, d’être propre et purifié, sera corrompu, mangera du porc, consommera de l’alcool etc…, c’est ce que vous lui ordonniez de faire et lui promettiez la grande récompense et le salut éternel. C’est ce que vous faisiez, si vous le savez, très bien, sinon je vous en informe ».

Après avoir entendu ses propos, je ne faisais que mépriser ma personne, et lui ai dis : « Maitre, Satan m’a trompé et me voici aujourd’hui repenti, regrettant mon passé et je demande à Dieu la réussite dans mon avenir. Mais le plus grand regret que j’éprouve, c’est d’avoir fais sortir deux hommes de l’Islam et sont aujourd’hui comme vous le savez, ils habitent Constantine, et je souhaite que Dieu les fait revenir vers la bonne voie ».

Il m’a dit : « si vous pensez qu’ils se sont égarés par votre égarement, alors ils sauront être guidés par votre repentance, avec la permission de Dieu. Ne vous découragez pas de leur donner conseil, et par Dieu que nos desseins soient réalisés ».

J’ai dis : « s’il n’y avait pas ces deux hommes et une femme christianisée avec sa fille et qui travaillent avec les missionnaires, je ne me serai pas permis de vous quitter ».

Il m’a dit : « vous comptez partir quand ? »

J’ai dis : « demain si vous le permettez »

Il m’a dit : « que la paix vous accompagne, et donnez-nous de vos nouvelles ».

Au matin du quatrième jour, je fus accompagné à la gare par quelques amis de la zaouïa, et je pris le train en ayant confiance en Dieu.

Après trois jours de mon arrivée à Constantine, j’écrivis au Maitre l’informant de mes nouvelles et les détails de mon retour :

Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux

Qu’Allah approche autant notre prophète Mohammed (§) et lui accorde la paix

Constantine, 13 Juin 1929

Honorable Maitre, que Dieu vous préserve pour le bien de tous.

Après les salutations et les nouvelles de votre santé avec tous mes respects, j’espère que vous vous portez bien et êtes béat ainsi que tous ceux qui vous sont attachés, à tout jamais.

Maitre, et espoir de mon cœur ; je suis impuissant de vous décrire le repos et la paix, la joie et la motivation qui m‘animent depuis que je vous ai fréquenté.

Depuis mon départ de Mostaganem, j’ai fais escale à Ghelizane, j’ai rendu visite à mes frères à la zaouïa et m’ont accueilli chaleureusement, ensuite j’ai fais escale à Alger. Delà je me suis dirigé vers Sétif, puis j’ai pris un autre train pour Constantine. Je me suis trompé plusieurs fois lors des escales ce qui m’a fait perdre du temps et m’a épuisé.

A mon arrivée à Constantine, j’ai trouvé les missionnaires qui m’attendaient, certains étaient persuadés que je n’allais pas revenir, ils étaient en tous cas contents de me revoir. Avant toute chose, ils ont prié devant la croix rendant grâce à Dieu pour mon retour, que Dieu m’en préserve, ensuite ils m’ont avisé que je dois me marier ce jour même avec la jeune fille qu’ils ont christianisée. Je me suis excusé de ne pouvoir faire quoi que ce soit ce jour-là en reportant le mariage pour le lendemain. Je les ai quittés pour aller voir ma fiancée qui habitait avec sa mère, je leur ai demandé de l’eau pure pour mes ablutions afin d’accomplir ma prière de (Dohr). Lorsque j’ai commencé la prière, elles se sont misent à rire croyant que je faisais semblant de prier comme j’avais l’habitude de le faire devant eux par moquerie, mais elles se sont vite rendues compte que je le faisais sérieusement, elles sont restées figées jusqu’à ce que je leur dis que je suis revenue vers la Vérité et que je refuse de tout mariage devant le maire ou à l’Église. Je leur ai dis aussi que je n’ai retardé le mariage que pour les informer des raisons de mon retour vers l’Islam et ce que cela m’avait procuré. On a longuement parlé, je leur ai dis à la fin, que l’Islam est la Religion authentique et que je n’étais qu’un conseil pour eux et qu’elles sont libres de choisir. La jeune femme dit à sa mère : « je ne vois que la vérité dans ses propos et je ne vois pas ce qui m’empêche d’accepter l’Islam », sa mère était accord avec elle et elles ont prononcé le témoignage de foi devant moi (chahada), ce qui m’a fait penser que Dieu fait changer les cœurs à sa guise. Ces deux femmes ont passé douze années dans la chrétienté, et en un laps de temps, ont obtenu le bonheur.

Maitre, lorsque j’ai annoncé aux missionnaires que j’arrêtais et que je refusais le mariage devant le maire, ils nous ont expulsés de nos logements. Nous somme allé voir une femme chrétienne, très croyante et très charitable, et lui avons demandé de nous loger momentanément, elle a accepté à condition que je me marie avec la jeune femme et nous devons partir dans un délai d’un mois, ce que j’ai accepté et pu me marier devant le Cadi de l’Islam. Voici l’état dans lequel je me trouve et à Dieu revient toute chose, et bien à vous le salut.
Celui qui vous aime, maintenant et toujours ;
M’barek ben Slimane.



La Rédaction d’al-Balâgh : Monsieur M’barek ben Slimane envoya une deuxième lettre annonçant le retour des deux hommes à l’Islam qu’il avait égarés, en détaillant sa mission de réparation et demande que cette lettre soit publiée dans notre journal.

Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux
Qu’Allah approche autant notre prophète Mohammed (§) et lui accorde la paix

Constantine, 22 Juin 1929

« Pour Allah, Jésus est comme Adam qu'Il créa de poussière, puis Il lui dit : «Sois» et il fut », Âl-'Imrân, 59.

« Seigneur! Ne laisse pas dévier nos cœurs après que Tu nous aies guidés; et accorde-nous Ta miséricorde. C'est Toi, certes, le Grand Donateur ! », , Âl-'Imrân, 8.

Notre exemple et modèle, Maitre al-Alawî, que Dieu vous préserve pour notre bien à tous et nous fait savourer le secret de votre existence et votre rencontre ;

Maitre, après les nouvelles de votre état de santé et de vos affaires quotidiennes, je vous prie d’accepter mes salutations les plus exhalées ainsi que notre respect qui viennent de notre amour pour vous.

Maitre, je me porte bien et je suis parvenu, par la grâce de Dieu, en peu de temps ce qui fera plaisir à tous, je rends foisonnement grâce à Dieu pour son don prodigieux qui est votre personne, qu’Il réalise vos vœux et vous gratifie pour vos actions bienfaisantes à notre égard.

Sachez Maitre, qui êtes assisté par le Très Haut, que je me suis réuni avec les deux hommes en question, et qui sont les frères (S ben M B) et (R A ben M). Ce dernier à 35 ans et était marié. Sa femme est décédée lui laissant deux filles qui sont maintenant sous la charge de l’association protestante méthodiste.

J’ai raconté aux frères votre tristesse et celles de vos disciples à leur sujet, et je leur ai dis que vous espérez entendre une bonne nouvelle par leur retour à l’Islam.

Après avoir remis mon entière confidence en Dieu, et soutenu par une vision où je vous ai vu la veille, vous m’avez donné un papier plié en me disant de le donner à mes deux amis qui n’hésiteront pas à l’accepter. J’ai donc pris ce papier et je suis allé les voir et on l’a ouvert ensemble et on trouvé écrit en vert «  je témoigne qu’il n’y a nulle divinité hormis Allah, Unique, sans associé et notre seigneur Mohammed est son serviteur et messager », et ils ont accepté de prendre le papier.

Je me suis réuni avec eux le matin, puis l’après midi jusqu’au soir. Puis nous nous sommes revus le lendemain qui était un dimanche. Ils voulurent aller à la messe et je les ai accompagnés par précaution… A notre retour, nous avons passé toute la journée à parler jusqu’au soir, et finalement ils ont accepté la Vérité et leur cœurs rayonnaient par ses lumières « Allah est le défenseur de ceux qui ont la foi, Il les fait sortir des ténèbres à la lumière », Baqara, 257, ils ont prononcé l’attestation de foi et se sont repenti de la doctrine de la Trinité. A ce moment-là, j’ai récité avec le frère (R A ben M) quelques verset du Coran du début de Sourate al-Kahf jusqu’à Sa parole, verset 5 : « Quelle monstrueuse parole que celle qui sort de leurs bouches! Ce qu'ils disent n'est que mensonge ». Nous avons clôturé notre réunion par demander pardon à Dieu, par les invocations et par les prières de proximités au profit de notre Prophète (§). Grâce à Dieu et chacun de nous partit le cœur apaisé.

Nous nous sommes revus le lendemain et je leur ai lu l’article de Monsieur Hassan « le kabyle », qui leur a procuré un immense soulagement d’être revenu vers l’Islam, mais je regrette qu’ils n’aient pas de questions particulières à vous poser. Nous avons tous les trois participé à écrire cette lettre et souhaitons qu’elle soit publiée.

Notre ami (R A ben M) vous salut et vous demande de lui écrire au sujet de ses deux filles, est ce qu’il doit les laisser sous la charge de l’association protestante ou non ? et voici sa signature (…).

Quant à notre frère (S ben M B), il vous salut et demande de le gratifier par vos prières.

Sachez Maitre, que l’article de Monsieur Hassan « le kabyle » a fait son effet et a beaucoup plu au Mufti et bien d’autres parmi les érudits.

Pardonnez les imperfections dans cette lettre car elle fut écrite à la hâte et les signatures des deux frères étaient nécessaires.


L’allié de votre amitié
M’barek ben hadj Slimane ben Belqacem,
Constantine.


Source : Balâgh Jazâïrî, n°124, 28/06/1929, n°125, 05/07/1929, n°126, 12/07/1929, n°132, 23/08/1929.
Traduit de l'Arabe par Derwish al-Alawî, Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawî. Pour lire la version en arabe (fichier PDF).

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