Au départ, je pensais que le Cheikh Alawi n'était qu'un maître parmi tant d'autres. Cependant, , en écoutant l'un de ses sermons, j'ai été profondément touché. La puissance de son intelligence et la force de son éloquence étaient telles que j'ai eu l'impression que ses mots portaient la fraîcheur d'un enseignement directement inspiré du Maître des Mondes. Ému par cette révélation, je me suis approché de lui, l'ai humblement salué et lui ai prêté serment d'allégeance. Il m'a alors initié aux pratiques de sa confrérie, me transmettant les litanies de son chapelet. (c'était en 1910).
Au contact du soufi universel et gnostique, le Cheikh Ahmed Alawi, j'ai eu l'honneur d'être initié au wird de la confrérie Chadhuliya, Darqawiya, Alawiya. Ce fut un tournant majeur dans ma vie : j'ai abandonné ma quête de diplômes et mon désir de devenir fonctionnaire, pour me consacrer à une aspiration plus profonde. J'étais désormais habité par le désir ardent d'atteindre la connaissance suprême auprès de la présence du Miséricordieux, et de connaître l'extinction de tous les univers. Grâce à mon lien avec le Cheikh Alawi, j'ai pu acquérir une part du savoir divin. Ce cheminement m'a mené à un point où mon Cheikh m'a accordé l'autorisation d'initier à mon tour les croyants au wird de la confrérie et de transmettre le Nom Suprême à l'élite.
À l'époque où j'enseignais l'éloquence coranique en m'appuyant sur les méthodes linguistiques traditionnelles, le Cheikh al-Alawi assistait à mes leçons (C'était entre 1911 et 1912). Un jour, après une de mes explications, il me fit une remarque marquante. Il me dit :
- "Ô Mohammed al-Madani, celui qui cherche à comprendre le Coran uniquement avec les outils exotériques, c'est comme celui qui essaie de goûter le miel avec une aiguille".
Ce faisant, il soulignait que le sens profond du Coran ne peut être saisi par la seule logique et l'analyse linguistique, mais nécessite une approche plus intime et spirituelle.
Lorsque le Cheikh Alawi m'a donné l'autorisation de propager la Voie (en 1911-1912), je lui ai fait part de mes doutes. Je lui ai dit :
- "Maître, tu m'as autorisé à enseigner, mais la Tunisie est pleine de savants, chacun avec son propre savoir et sa propre influence. Comment mon message pourrait-il se répandre parmi eux ?"
Le Cheikh Alawi m'a alors répondu par cette phrase mémorable :
- " Ô Mohammed Madani, celui à qui on dit qu'il est petit est petit, même s'il était grand ; et celui à qui on dit qu'il est grand est grand, même s'il était petit".
Cette réponse soulignait l'importance de la perception et de la conviction. Elle m'enseignait que la puissance d'un message ne réside pas uniquement dans son contenu, mais aussi dans la manière dont il est perçu et dans la foi de celui qui le transmet. La vraie grandeur ne dépend pas de la reconnaissance des autres, mais de la perception de soi et de la mission que l'on s'est donnée.
Au cours d'un voyage au Maroc (en 1923), le Cheikh Ahmed Alawi et moi avons été reçus à Oujda par les oulémas avec les plus grands honneurs. Il leur a donné de nombreux rappels sur les sciences exotériques et sur les vérités de l'unicité du point de vue du soufisme. Un des moments les plus marquants fut lorsque nous étions les invités de l'un des habitants de la ville, en compagnie de tous les oulémas. Nous ne savions pas qui était notre hôte. Après que les tables eurent été dressées et remplies de toutes sortes de plats, le Cheikh Alawi a pris la parole et a dit :
- "La nourriture, dans toute sa diversité, nous est présentée et nous sommes certains qu'elle provient du maître de cette maison, puisque nous sommes chez lui. Mais serait-il convenable de quitter sa demeure sans connaître son propriétaire ? Et serait-il satisfait si nous ne nous intéressions pas à lui pour le connaître vraiment ?"
Toute l'assemblée répondit par un "Non !" collectif.
Il ajouta alors :
- "De la même manière, et l'exemple le plus élevé appartient à Dieu, nous vivons dans cette demeure qu'est ce bas-monde. La générosité de Dieu et Ses bienfaits sont infinis, et nous sommes certains que tout cela provient de Lui. Cependant, il ne s'agit là que d'une connaissance par la foi, ou, disons-le, d'une connaissance par la preuve et l'argument. Or, nos cœurs ne trouveront pas le repos, et nos esprits et notre raison ne s'apaiseront pas, tant que nous n'aurons pas atteint la connaissance de la certitude, une connaissance par la contemplation. Dieu ne nous acceptera pas si nous ne gravissons pas les degrés de la perfection (al-ihsan)".
- "De la même manière, et l'exemple le plus élevé appartient à Dieu, nous vivons dans cette demeure qu'est ce bas-monde. La générosité de Dieu et Ses bienfaits sont infinis, et nous sommes certains que tout cela provient de Lui. Cependant, il ne s'agit là que d'une connaissance par la foi, ou, disons-le, d'une connaissance par la preuve et l'argument. Or, nos cœurs ne trouveront pas le repos, et nos esprits et notre raison ne s'apaiseront pas, tant que nous n'aurons pas atteint la connaissance de la certitude, une connaissance par la contemplation. Dieu ne nous acceptera pas si nous ne gravissons pas les degrés de la perfection (al-ihsan)".
Ce rappel, dont l'exemple parlant touchait le cœur de la connaissance du Très-Haut, a profondément ému toute l'assemblée.
L’assemblée fut énormément éprise par l’émotion provoquée par ce rappel qui s’emparât des cœurs grâce à son exemple concordant sur la connaissance du Très Haut.
L’assemblée fut énormément éprise par l’émotion provoquée par ce rappel qui s’emparât des cœurs grâce à son exemple concordant sur la connaissance du Très Haut.
Cheikh Mohammed al-Madani, disciple du Cheikh al-Alawi.

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