Cheikh al-Alawî - Témoignage (Roger du Pasquier)

Le Cheikh Ahmed Ben Aliwa de Mostaganem, souvent mieux connu sous le nom d’al-Alawi, mystique contemplatif et grand maître soufi, qui représentait un soufisme authentique et non maraboutique ou dégénéré, fut effectivement l’une des personnalités les plus exceptionnelles et les plus éminentes de l’islam algérien. Personnifiant la pure tradition soufique transmise par l’ordre Chadhili Darqawi, apparut à certains comme un homme « dont la sainteté rappelait l’âge d’or mystique médiévaux ». Le privilège inestimable qu’avait été pour l’Algérie la présence rayonnante de ce maître spirituel incomparable qui avait attiré des disciples bien au-delà des frontières du pays et dont l’enseignement a été largement suivi et diffusé. Mais en Algérie même il est trop négligé, (…) d’ailleurs une incertitude entoure sa succession. Peu avant sa mort, en 1934, on avait demandé au Cheikh s’il ne jugeait pas opportun de désigner un successeur, mais il fit cette réponse, qui est la même que prononça Cheikh Mohammed al-Bûzîdî, son maître spirituel : « lorsqu’un locataire s’apprête à quitter la demeure où il a vécu, ce n’est pas au prochain locataire qu’il en remet la clé, mais au propriétaire ! » Cependant la volonté de celui-ci n’a pas paru évidente à chacun et la succession du cheikh a suscité problèmes et contestations que certains estiment toujours non résolus. Il n’empêche que la tarîqa (…) continue d’exister et poursuit une certaine activité, mais sans rien qui puisse se mesurer avec le temps, dont se souviennent quelques vieux disciples, où, malgré sa frêle apparence, presque immatérielle, la présence du maître faisait sentir à chacun de ses visiteurs celle de l’esprit.

Roger du Pasquier, l'Islam entre tradition et révolution, 1987.

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