L’espèce
humaine est composée, de façon générale, de deux grandes parties : Une
première, matérielle ou physique qui est le corps humain ; et une
seconde partie qui est intangible et immatérielle. Cette dernière
représente la base des désirs et instincts de l’homme et également le
principal guide de sa raison. C’est elle aussi qui le distingue des
autres espèces. Cette facette immatérielle de l’homme se nomme : l’âme.
L’âme est donc la partie profonde de l’homme. Elle dirige son mental.
Par conséquent, il n’est donc pas superflu de dire que son bon état est
primordial pour l’homme. Néanmoins, nos âmes ne sont pas toujours en bon
état. Elles sont souvent affectées par des pathologies qui provoquent
des dysfonctionnements chez les hommes.
Notre objectif est de faire un
diagnostic de ces différentes maladies et d’essayer de leur proposer des
solutions. Pour ce faire, nous nous appuierons sur les œuvres des
auteurs qui se sont penchés sur les problèmes auxquels l’âme peut être
confrontée. Parmi eux se trouvent les soufis. Notre réflexion sera
essentiellement basée sur les œuvres écrites de ces derniers. Nous
mettrons tout d’abord, dans notre démarche pour atteindre cet objectif,
la lumière sur les soufis afin de mieux les connaître. Ensuite, nous
essayerons avec eux de faire un diagnostic des maladies qui peuvent
s’attaquer à l’âme. Enfin, nous essayerons de proposer des solutions ou
des remèdes à ces maladies.
1- PSYCHOLOGIE SOUFIE OU SCIENCE DE L’ÂME
Les soufis ont élaboré une science de
l’âme (nafs) et ont mis en œuvre cette connaissance à la fois inspirée
et empirique dans une pédagogie initiatique. Alors que les juristes
fixaient des lois et les théologiens des dogmes, les maîtres soufis
mettaient au point une méthode visant à effectuer un "travail"
spiritual-sur l’ego. Cette connaissance a été transmise le plus souvent
oralement, mais rarement qu’on trouve des écrits et des traces dans des
textes qui, dès le IXe siècle, traitent des "maladies de l’âme et de
leurs remèdes".
Le soufisme comme toute mystique tend à
purifier l’âme humaine. Ce processus de purification suppose une
transformation de l’âme qui, selon le Coran, passe par trois degrés.
"L’âme qui incite le mal", c'est-à-dire aux instincts inférieurs et aux
passions doit progressivement faire place à "l’âme qui ne cesse de
blâmer" son propriétaire pour ces penchants et aspire à la lumière. A
l’issue de ce combat intérieur, elle deviendra "l’âme apaisée", épurée,
transparente, ne se posant plus en obstacle à la présence. La présence.
C’est l’un des buts assignés par la sagesse suivante, parfois attribuée
au Prophète : "celui qui se connaît (ou se connaît) connaît son seigneur
". Cette parole a été interprétée différemment par les uns et les
autres, en fonction de leur degré spirituel
1.1- QU’EST CE QUE LA PERSONNALITÉ ?
La différence des deux points de vue de
l’orient traditionnel-et l’occident moderne apparaît nettement dans
l’appréciation d’une catégorie centrale, celle de "personnalité". Dans
son approche "extravertie" de la notion de la "personne", Marcal-MAUSS
nous donne l’impression, après plusieurs références à des cultures
diverses, de n’avoir rien fait d’autre que de définir comment le "moi"
se perçoit dans l’occident moderne. Cela au terme d’une évolution (non
forcément temporelle) qui, pour n’être pas convaincant, a cependant le
mérite de nous faire douter de l’évidence de cette notion du "moi".
La notion de personne, de personnalité,
est complexe, car la perception d’autrui suppose un ensemble de
significations liées à des valeurs et à une culture déterminée. Les
faits mêmes concernant la notion historique de personne dont fait
remonter l’origine au latin persona, à l’étrusque phersu ou au grec
prosôpon (tous ces termes sont liés au concept de "masquer") sont très
divers et il semble qu’on puisse les sélectionner en fonction de ce que
l’on veut démontrer. Il est révélateur que ce terme de persona ait reçu
deux significations diamétralement opposées: la première en fait le côté
le plus extérieur, le plus superficiel-de l’être (un masque de comédie)
et la seconde, au contraire, comme par exemple chez les philosophes
scolastiques allemands, en fait le côté divin immortel-de l’être.
La signification du masque lui-même peut
être passible des deux interprétations. Il masque l’acteur, il est
vrai, mais son caractère inchangé durant toute l’action, le nombre
limité de masques et le fait que le spectateur puisse déjà prévoir à
partir du masque le type d’action que l’acteur va entreprendre laissent
supposer que le masque est là pour révéler le fond constant et caché des
individus, leurs réalités archétypes. Ces réalités sont d’ailleurs,
comme nous le verrons, étagées selon des degrés différents dont il est
l’expression, son seigneur (Rabb)
LA CATÉGORIE SPIRITUELLE
Si chaque individu est la manifestation
extérieure d’un archétype divin, il se dégage alors la possibilité
d’établir une caractérologie fondée sur des principes d’ordre spirituel.
En ce qui concerne plus précisément l’âme humaine, philosophes, Hukama
et soufis sont d’accord pour dire que celle-ci est la synthèse de l’âme
végétale, animale puis de l’âme parlante (Al-Nafs Natiqa) qui distingue
l’être humain en tant que tel. Chacune de ces âmes a un comportement
instinctif et contraignant qui n’est dépassé qu’au niveau de l’âme
parlante lorsqu’elle a retrouvé sa pureté originelle. Lorsqu'au
contraire, les âmes végétales et animales ont le dessus, cela se traduit
chez l’homme par une perversité de caractère, celle de l’âme despotique
(Al-Nafs Al-Ammarah). A cela, il faut ajouter l’œuvre du démon Iblîs
car, dit un hadith ; "Il n’est aucun d’entre vous qui n’ait un démon",
ou encore "satan court dans le fils d’Adam à la manière de la course du
sang". Ce démon agit par l’intermédiaire de la faculté estimative
(Al-Wahmiyya), c'est-à-dire par la divagation imaginaire ou par la
création d’illusions. Dans le Coran également, cette suggestibilité
négative est assimilée à un alter ego démoniaque
1.3- LES FACULTÉS DE L’ÂME
Nous essaierons d’examiner ici comment
ont été conçues et décrites les facultés de l’âme. Pour ce faire, nous
nous appuyons sur deux sources : Fakhr Eddine et Razi, philosophe
ascharite et Al-Jurjânî, auteur d’un lexique des termes techniques du
soufisme utilisé par Ibn Arabî dans ses Futuhat Al-Makkiyyah. Ces deux
sources ne sont certainement pas les seules ; nous retrouverons les
mêmes descriptions chez des soufis orientaux comme Suhrawardi ou des
Hukama comme Dawud Al-Antaki. Ces auteurs nous donnent de l’âme végétale
et animale une description physiologique, mais il faut plutôt dire
psychophysiologique car, comme nous l’avons vu, les mécanismes
physiologiques traduisent directement une typologie psychologique
correspondante :
- L’âme végétale a une faculté métabolique qui se distingue par une puissance d’attraction et de rétention. Elle a aussi une faculté de répulsion, de dissolution, de croissance et de reproduction.
- L’âme animale se distingue de l’âme végétale par l’apparition d’une volonté propre. Elle est motrice et perceptive. C’est le pneuma vital entité subtile et vaporeuse qui est en même temps le véhicule de l’âme parlante.
Ce pneuma vital a une faculté motrice et
une faculté de perception. Cette dernière contient elle-même dix
facultés qui sont les cinq sens internes et les cinq sens externes [4]
- Les sens externes sont : le toucher, le goût, l’odorat, l’ouïe et la vue.
- Les facultés de perception internes sont : Le sensorium, point de confluence des cinq sens externes où se forme une représentation conforme aux stimulis sans que l’imagination subjective y ait sa part.
- L’estimation ou imagination subjective : le lieu de l’imagination et de la spéculation subjective, de toutes les supputations gratuites. Elle se distingue comme nous le verrons de l’imagination active.
- L’imagination représentative, qui est la réserve du sensorium ou sont conservées les images après qu’elles ont disparu des sens externes.
- La mémoire, faculté de rappel.
- La faculté régulatrice et cogitative.
Nous devons ici distinguer le rôle de
cette faculté chez les animaux, qui leur permettraient de saisir les
significations partielles et, chez les hommes, qui leur permet de saisir
les significations "totales" ou "synthétiques". Chez ces derniers, elle
se distingue comme le lieu de la ration et des opérations logiques
permettant certaines réalisations comme la séparation (analyse), la
composition (synthèse) et l’invention. Chez cette faculté cogitative,
capable d’une synthèse, qui distingue l’homme en tant que tel. Elle est
dons une expression de l’âme parlante qui en elle-même est capable
d’assurer des "formes" diverses en fonction de son degré de
connaissance.
1.4- LES FORMES ET LES DEGRÉS DE L’ÂME PARLANTE
Voici la définition d’Al-Jurjânî :
"L’âme parlante : elle ne relève pas de la matière dans ses essences
mais est comparable dans ses actes comme il en est des âmes des sphères.
Si cette âme trouve la paix dans l’ordre et qu’elle se libère du
trouble qui a lieu lorsqu’elle est dite pacifiée. Si sa paix n’est pas
complète, mais elle suive l’âme concupiscente et elle s’oppose à elle,
elle est appelée admonitrice dans l’adoration de son maître. Si elle
abandonne l’admonition, se laisse aller, suit la satisfaction de la
concupiscence et se prête aux sollicitations de satan ; elle est appelée
despotique".
Cette définition d’Al-Jurjânî relève
d’un ordre initiatique. Les dénominations des différentes modalités de
l’âme (le moi) sont basées sur le texte coranique. Ce qui importe de
remarquer ici est que l’âme évolue en fonction du "jihad", de l’effort
qu’elle fait contre elle même pour sortir de l’emprise du monde sensible
et s’élever dans la hiérarchie spirituelle. Cette description ne
concerne que l’âme parlante te non pas l’âme animale te végétale qui,
elles, continuent d’assurer leur fonctions sans lesquelles se romprait
le lien du corps. Pour souligner cette distinction, certains soufis
emploient le terme de Nafs (âme) uniquement dans un sens psychologie
négatif ou dans le sens du pneuma vital de l’être (âme animale),
réservant d’autres termes, esprit (Ruh), secret ( Sirr), à l’âme
parlante en fonction de son degré d’avance" [5].
Ces changements fréquents dans les sens
donnés aux termes usités par les soufis donnent lieu à plusieurs
divergences dont celles concernant le support de la vie. Est-il dû au
pneuma vital (l’âme animale) ou à l’esprit ? Ibn Ajiba répond :
"L’esprit est ce par quoi a eu lieu l’insufflation. L’âme (animale)
quant à elle, est créée dans le fœtus, avant que l’esprit ne soit
insufflé. C’est par elle que survient le mouvement et elle accompagne
nécessairement le corps physique, ne sont séparés qu’à la mort ; alors
l’esprit sort en premier et l’âme cesse d’être (tanquati), c’est alors
que cesse la vie". Cette insufflation de l’esprit souligne ici la
transcendance de l’âme parlante par rapport à l’âme animale.
Le même problème se pose en ce qui
concerne la mort et la difficulté d’interpréter le verset coranique
suivant : "C’est DIEU reçoit les âmes lorsque le moment de la mort est
venu, et celle qui n’est pas morte pendant son sommeil". De quelle âme
s’agit-il ? Pour Jurjânî il s’agit du pneuma vital, entité subtile et
vaporeuse "illuminant" le corps humain et pouvant être dans les trois
états suivants :
" Si la lumière de l’âme arrive à toutes
les parties du corps, son extérieur et son intérieur, il s’agit de
l’état d’éveil. Si la lumière cesse extérieurement, mais subsiste
intérieurement, il s’agit de l’état de sommeil. Si elle disparaît
complètement, c’est la mort".
Suhrawardi apporte des compléments à ce
passage de Jurjânî. Il nous dit que le pneuma vital, entité subtile et
vaporeuse, se répand dans tout le corps "après avoir revêtu la
souveraineté de lumière qui appartient à l’âme pensante (ou parlante)".
Ainsi donc la "lumière" dont nous parlait Jurjânî est bien celle de
l’âme parlante et non pas celle de pneuma vital. Cette définition du
pneuma vital est reprise par Ibn Khaldûn qui suit en cela la conception
des médecins musulmans classiques. Il semble donc bien que le verset
coranique en question fasse allusion à l’âme parlante, l’esprit
insufflé, et non pas au pneuma vital qui n’en est que le "véhicule".
Ce que nous venons de dire devrait nous
faire comprendre comment l’âme parlante prend l’aspect de l’âme animale,
s’identifie à cette dernière en revêtant la modalité de l’âme animale,
s’identifie à cette manière en revêtant la modalité de l’âme despotique :
cette identification doit être entendue dans un sens psychologie. Au
fur et à mesure de son épuration par un procédé de rappel, l’âme gravite
à travers les étapes qui doivent la mener à la connaissance de DIEU. A
chaque nouvelle étape, l’âme apparaît avec de nouveaux caractères. Cela
est décrit dans un tableau donné pat le Cheikh Abd Al-Qâdir Al-Jilânî
(m1166) où il présente une typologie des âmes en sept étapes ; le Cheikh
distingue : l’âme despotique, l’âme admonitrice, l’âme inspirée, l’âme
purifiée, l’âme satisfaite, l’âme agréée et enfin l’âme parfaite.
Chacune des âmes en question se distingue par un ensemble de caractères :
- Pour l’âme despotique : L’avarice, la cupidité, l’insouciance, l’orgueil, la recherche de la célébrité, la jalousie, l’inconscience.
- Pour l’âme admonitrice : Le blâme, les soucis, la contraction, l’estime de soi, les réactions d’opposition [6 ].
- Pour l’âme inspirée : Le détachement, le contentement, la science, l’humilité, l’adoration (de DIEU), le repentir, la patience, l’endurance, l’acquittement (de ses tâches).
- Pour l’âme pacifiée : La générosité, copter sur DIEU, les sagesses, l’adoration, la reconnaissance, la satisfaction.
- Pour l’âme satisfaite : L’ascétisme, la sincérité, la piété, le renoncement de ce qui ne la concerne point "en toute choses", la loyauté.
- Pour l’âme agréée : l’excellence de caractère, le détournement (ou abstention) de tout ce qui est autre que DIEU, la délicatesse envers les créatures (ou encore porter secours aux créatures), la proximité de DIEU, méditer sur la magnificence divine, la satisfaction de ce que DIEU lui a octroyé.
- Pour l’âme parfaite : tout ce qui a été dit des excellentes qualités précédentes. Et DIEU est le plus savant (voir Figure 2).
Le Cheikh Abd Al-Qâdir s’exprime ici
dans un langage qui est fondamentalement coranique. "Le soufisme, écrit
symbiose avec le hadith, le fiqh et le kalam". Pour la typologie des
âmes, nous retrouvons cette pluralité du langage pour l’expression d’une
même réalité : le premier d’obédience néo-aristotélicienne (ou
platonicienne), le second strictement coranique.
Cette typologie se dédouble en deux
sortes d’expression du soufisme. Celle des soufis dit Ahadiyyun (de
Ahadiyyah: unité métaphysique) qui dévoilent sous un langage qui peut
sembler parfois "philosophique" des vérités spirituelles, et celle des
soufis Muhammadiyyun qui s’en tiennent à une formulation plus proche de
la compréhension du commun. Mais l’expérience qui sous-tend des diverses
formulations étant la même nous retrouvons dans leur structure un même
symbolisme fondamental, celui de l’irradiation de l’Un dans le multiple
représenté en général par le chiffre sept. Parallèlement à sept degrés
de l’âme Moulay Abd Al-Qâdir décrit d’une manière correspondante les
sept types de voyages entrepris par chacune de ces âmes, les mondes
qu’elles traversent, leurs degrés d’intériorité dans l’être, leurs états
spirituels et leurs lumières respectives, chacune de ces lumières se
manifestant sous une couleur déterminée constituant ainsi autant
d’irradiations de la seule lumière incolore, principe de toutes les
autres lumières (voir figure 1) [7]
Figure 1 D’après Moulay Abd Al-Qâdir Al-Jilânî, Al-Fuyudat Er Rabbaniyyah
Figure 2 D’après Moulay Abd Al-Qâdir Al-Jilânî Al-Fuyudat Er Rabbaniyyah.
1.5- QUI INFLUENCE L’ÂME ?
L’ambivalence qui caractérise l’âme est
voulue par DIEU puisque, selon l’islam, Il est à l’origine du bien comme
du mal. Les soufis ont ainsi soulevé la délicate question du rôle de
satan, ou Iblîs, dans la conscience humaine. Le Coran relate comment les
anges, d’abord surpris par cet effet de la volonté divine, acceptèrent
de se prosterner devant Adam, cet homme qui allait "répandre le mal et
verser le sang". Iblîs, qui n’adorait que DIEU et le connaissait le
devenir de l’humanité, refusa de se prosterner. Déchu par DIEU pour son
insoumission, il fut dès lors voué à tenter l’homme. Voyant en lui un
ange gnostique, certains soufis s’apitoient sur son destin tragique et
font de lui, avec le Prophète, le plus parfait des monothéistes,
instrument de la colère divine dans l’humanité, tandis que le Prophète
est l’instrument de la miséricorde.
Pour la plupart des maîtres, cependant,
cette réhabilitation d’un satan promu martyr n’est accessible qu’à ceux
qui ont dépassé la dualité du bien et du mal ; et ont compris l’essence
des contraires. Elle est périlleuse pour le commun des spirituels, et a
fortiori des fidèles, car satan est l’ennemi de l’homme, comme le
rappelle souvent le coran. Son orgueil aveugle- "Je suis meilleur que
lui" va à l’encontre de la soumission demandée au croyant, mais aussi de
l’extinction du mystique en DIEU. Si la wilâya (sainteté) est proximité
de DIEU, le terme arabe shaytân (satan) porte en lui-même l’idée de
séparation et d’éloignement."Ni Ma terre, ni Mon cial-ne Me contiennent
seul Me contient le cœur de Mon serviteur croyant"; ce seul hadîth
qudusî suffit à démentir le mépris qu’Iblîs a pour l’homme.
Bien que DIEU n’ait accordé aucun
pouvoir réal-à Iblîs, le cœur de l’homme est bien l’arène ou se déroule
un combat permanent entre DIEU, assisté par l’ange, et Iblîs, assisté
par l’âme charnelle. Les armes employées de part et d’autre sont les
pensées adventices (khawâtir) qui assaillent l’homme. On assigne
usuellement à celles-ci quatre origines : divine, angélique, égotique ou
satanique. En général, le disciple n’a pas assez de discernement pour
en entrevoir la source. Et" la source. Et si les mauvaises provenant de
satan sont légion pour ce qui touche la vie temporelle, elles revêtent n
caractère plus pervers dans la vie spirituelle."Evident et claire est
la satisfaction de l’ego dans la désobéissance, dit Ibn Atâ Allah, mais
il est cachée et sournoise dans l’obéissance (c'est-à-dire les œuvres de
l’adoration) [8].
Or la guérison de ce qui est caché est
difficile." Iblîs dit-on, peut se manifester en pieux fidèle, en
mystique averti, en cheikh séduisant…C’est pour cette raison que, dans
certaines voies, il était demandé au disciple de livrer à son maître
toutes les pensées et visions. A l’inverse de la plupart des thérapies
actuelles, cette "analyse", qui visait à structurer vers le haut la
personnalité du disciple, reposait sur une alchimie spirituelle entre
maître et disciple [9 ]
1.6- LES RÊVES, LES VISIONS, LES CONTEMPLATIONS ET LA VISION SPIRITUELLE
Le Coran évoque à plusieurs reprises
l’importance des rêves et des visions. Le Prophète lui-même leur
accorder une attention particulière et interprétait les rêves de ses
compagnons. La vision de son corps spirituel, durant le sommeil ou à
l’état de veille, est toujours pour l’initié un signe majeur. Rêves et
visions représentent pour les soufis un mode de participation à la
prophétie puisque, selon un hadîth, la vision est la quarante-sixième
partie de prophétie (Bukhârî). Ils se produisent dans "le monde
imaginal" appelé encore "monde des symboles", intermédiaire entre notre
monde sensible et celui des réalités divines. Iles permettent aux
initiés d’avoir accès au monde invisible, d’être instruits par les
prophètes, par des saints du passé ou contemporains. Avant de s’engager à
l’initier, le cheikh analyse parfois les rêves de la personne qui
désire se rattacher, l’analyse a toujours pour but de libérer l’esprit
de l’aspirant, afin que celui-ci procède, par une maïeutique éprouvée, à
son propre "accouchement" [10].
L’élévation spirituelle du disciple
correspond à ce que les soufis appellent l’éclaircissement de la vision
spirituelle appelée "Al-Basirah". Cette vision peut, soit se produire à
l’état d’éveil et c’est ce que les soufis appellent "Al-Mushahadah" (La
contemplation), soit dans l’état de sommeil sous la forme de rêves
particulièrement clairs et chargés de massages symbolique que les soufis
appellent la "Ru-yah" (la vision). Il est nettement distingué entre
"Ru-yah" (la vision) qui a un caractère "lumineux" et spiritual-et le
"Hulm", qui est un rêve à caractère ténébreux. Des Hadiths nombreux font
allusion à cette différence fondamentale : "Ru-yah" provient du
Miséricordieux et le "Hulm" provient du satan. Un autre hadith : "La
vision du croyant est une parole par laquelle le serviteur communique
avec son seigneur".
Il serait difficile de développer ici
entièrement tout ce qui concerne les visions spirituelles tant ce
domaine est vaste. Nous n’évoquerons donc que ce qui touche la vision
spirituelle en rapport avec la progression initiatique du disciple [11].
Mais un aspect de la question est à éclaircir tout d’abord. Dans les
termes arabes, il est fait une distinction entre la "Ru-yah" et "la
Basirah". Ces deux termes correspondent effectivement à deux réalités
distinctes. La vision spirituelle perçoit les " essence " des êtres
lesquels relèvent d’un ordre informel. Ce n’est qu’une fois que cette
perception a lieu que celle-ci se traduit sur un autre plan par la
perception de formes déterminées Ces plans peuvent être justement la
vision faite pendant les états de sommeil ou d’éveil.
Les visions et les contemplations sont
des événements qui se produisent souvent au cours de la progression
initiatique du disciple dans la voie spirituelle. Elles ne sont
cependant que les traductions secondaires d’une réalité supérieure qui
est d’ordre spirituel. Pour ces raisons, elles jouent, lors de la
progression initiatique du disciple, un rôle qui peut être aussi bien
positif que négatif. Positif, dans la mesure où il constitue un
"encouragement" du disciple qui est au début de la voie a quelquefois
besoins de confirmations sensibles. Elles sont, disent les soufis, comme
des "bonbons" que l’on distribue aux enfants afin de les encourager à
poursuivent leurs efforts. Leur rôle peut également être négatif dans la
mesure où le disciple débutant dans la voie prend toutes ces
manifestations pour des grandes réalisations spirituelles, ce qui
l’empêche d’évoluer. Le rôle du maître spiritual-est justement de monter
au disciple que ce ne sont là que des aspects très secondaires de la
réalisation spirituelle et la délivrer ainsi de l’adoration de ces
nouvelles idoles afin de lui faire comprendre la signification du
véritables "monothéisme" intérieur [12 ]
2- LE SOUFISME
2.1– ORIGINE ET DÉVELOPPEMENTS
A défaut de pouvoir traiter d'un sujet
que nous ne saurions définir, nous nous proposons de donner plusieurs
éclairages, sous différents angles, de cet océan spiritual qu'est le
soufisme, ou plus exactement de ce qui nous en est accessible [13].
Il est de tradition de commencer tout
exposé historique sur le soufisme par une présentation étymologique du
terme arabe sûfî qui désigne l'adepte. Nous n'allons pas énumérer ici
les diverses argumentations, mais disons que l'on peut établir de
manière vraisemblable – sans pour autant être décisive – la parenté du
terme sûfî avec le terme qui désigne " la laine. Cette" la laine. Cette
parenté est généralement expliquée par le fait que les premiers soufis
auraient porté une robe de laine pour se caractériser. La généralité de
ce fait est loin d'être établie, bien au contraire, et il semble bien
que la parenté étymologique réfère plutôt à un lien d'ordre sémantique,
lien que le port du vêtement a pu venir parfois manifester
symboliquement. En effet, si le soufi est apparenté à la laine, c'est en
raison des idées de consécration et de pauvreté spirituelles, de
sacrifice et de pureté, qui sont associées. C'est d'ailleurs dans un
même champ sémantique que s'inscrivent les autres étymologies évoquées:
du grec sophos, le sage; du verbe arabe sûfiya signifiant il a été
purifié; du terme ahl-suffa désignant quelques compagnons du Prophète
qui résidaient dans la mosquée et vivaient dans le dénuement; ou encore
du nom des Banû sûfa, cette caste ou lignage sacerdotal antéislamique –
plutôt que tribu – dont les membres portaient un toupet de laine en
signe de leur consécration au service de la Ka'ba, etc.
يقول الله تعالى في كتابه العزيز : ﴿ يوم لا ينفع مال و لا بنون إلا من أتى الله بقلب سليم ﴾ سوﺮﺓ اﻟﺸﻌﺮاﺀ اﻵﻴﺘﺎﻦ 88 و 89
DIEU dit: "Le jour où ni les biens, ni
les enfants ne seront d’aucune utilité, sauf celui qui vient à Allah
avec un cœur sain" (Coran Sourate 26; verset: 88,89).
- Abu ‘Abdullah an Nu’man le fils de Bachir (qu’Allah les agrée tous deux) rapporte qu’il a entendu l’Envoyé de DIEU (qu’Allah prie sur lui et le salue) dire : "…Eh bien ! Il y a dans le corps un morceau de chair qui, s’il est sain, rend tout le corps sain ; mais s’il est corrompu, tout le corps devient corrompu. Eh bien ! Il s’agit du cœur.", Hadith rapporté par Al Bukhârî et Muslim.
Ces quelques paroles des maîtres du
soufisme expriment bien l’impossibilité où nous sommes d’enfermer cet
aspect spiritual-de l’Islam dans une définition qui en marquerait les
limites. Comment cerner, en effet, une réalité spirituelle qui intègre
aussi bien les plus simples manifestations de la piété que la plus haute
réalisation de la sainteté ? Comment cerner une spiritualité qui, alors
qu’on s’attendait à en trouver la fin dans les plus subtils
enseignements de ses sages, refuse de se refermer en un système et
maintient en permanence une ouverture sur l’Infini et l’Inexprimable ?
- Le qadi Cheikh al Islam Zakaria Al Ansari a dit : "Le soufisme est la science par laquelle on connaît les états de la purification des âmes, et la pureté des caractères (qualités), et par laquelle s’enrichissent l’extérieur et l’intérieur pour parvenir à la béatitude (félicité) éternelle".
- Le Cheikh Zarrûq a dit : "le soufisme est la science qui vise la pureté des cœurs (c’est à dire à rendre les cœurs sains) et le fait de les dépouiller de tout ce qui n’est pas DIEU. Le fiqh est la réforme des actes et la préservation de l’ordre (droiture) et l’expression de la sagesse des principes de la loi (al-Ahkam). Les Usûl sont la science de l’unicité divine par la réalisation effective des preuves, et par l’ornementation (la parure) de la foi par la conviction comme la médecine préserve la santé du corps, ou de la grammaire préserve la langue etc."
- L’imam des deux groupes Al-Junayd a dit : "Le soufisme est la mise en pratique (en acte) de toutes les qualités nobles"
- Et encore : "Le soufisme est entièrement caractères nobles. Celui qui te dépasse en bons caractères te dépasse en soufisme."
- Abou AL Hassan Shâdhilî a dit : "Le soufisme c’est exercer l’âme à accomplir les actes de la servitude, et la faire revenir (la soumettre) aux statuts de la Seigneurie."
- Ibn ‘Ajiba a dit : "Le soufisme est la science qui enseigne la manière de cheminer (marche initiatique) vers la présence du Roi des rois, la purification de la souillure, et la parure (revêtement) de toutes sortes de qualités vertueuses ; en premier lieu il est science, ensuite bonnes actions et en dernier lieu c’est un don." "C’est la science par laquelle on connaît de quelle manière les gens parfaits se sont élevés des aspects (natures) humains vers les degrés de félicité divine." Et il a ajouté : "La science du Tassawwûf n’est connu que de celui qui est éveillé dans la vérité, et celui qui n’en est pas témoin ne peut la connaître ; et comment un aveugle peut-il témoigner de la lumière du soleil !"
- Dans ses qawa’id at-Tassawûf, le Cheikh Zarrûq a dit : "Les définitions explicatives du soufisme sont nombreuses ; mais toutes reviennent à une seule : la véracité (la sincérité) de l’orientation vers Allah."
- Ce qu’en dit Chaykh Abû Sa'ïd [14] :On demande au Cheikh : Qui est le soufi ? Il répondit : Le soufi est celui qui, en tout ce qu’il fait, agit pour plaire à DIEU ; et par conséquent tout ce que fait DIEU lui plaît. (p. 294). Le Cheikh a dit : Sept cents Maîtres du soufisme ont parlé sur le soufisme. Le premier en a dit la même chose que le dernier. Les phrases ont été diverses, mais l’idée est restée la même : le soufisme est l’abandon du superflu. Il n y a rien de plus superflu que ton moi, car en t’occupant de ton moi, tu t’éloignes de DIEU. (p. 301). Le Cheikh a dit : Partout où existe l’illusion de ton moi, c’est l’Enfer ; partout où ton moi n’est pas, c’est le paradis. Le Cheikh a dit : Le voile entre DIEU et Sa créature n’est ni le cial-ni la terre, c’est une illusion de toi même et c’est ton moi qui constitue ce voile. Enlève ce voile et tu parviendras à DIEU. (p. 291). Le Cheikh a dit : Si tu désires que le Vrai existe en ton cœur, purifie ton cœur de tout ce qui est autre que DIEU. En effet, le roi n’entre pas dans une maison emplie de racaille et de populace ; il n’entre que dans une demeure évacuée où il n y aura que lui même et où tu n’auras pas accès auprès de lui. Comme on dit : Sors d’ici ! C’est ma demeure. Le Cheikh a dit : Le soufisme est la volonté de DIEU (agissant) dans l’homme, sans l’intermédiaire de l’homme. (p. 298). Notre Cheikh a dit : Le soufisme est un mot, mais lorsqu’il parvient à la perfection il n y reste que DIEU. Cela veut dire que lorsque le soufisme atteint la perfection, il n y a plus que DIEU et tout ce qui est en dehors de DIEU n’existe plus. (p. 290).On demanda à notre Cheikh : Qu’est le soufisme ? Il répondit : Ce soufisme n’est qu’impiété On demanda : Mais pourquoi Cheikh ? Il répondit : Parce que le soufisme consiste à renoncer à tout autre que lui ; or, il n y a pas autre que Lui. (p. 245)
Si l'on excepte l'adjectif de relation
désignant les membres des Banû sûfa, la plus ancienne attestation du
terme sûfî date de la fin du IIe/VIIIe s. où on le trouve appliqué au
fameux alchimiste Jâbir b. Hayyân, disciple de Ja'far al-Sâdiq, le 6e
Imam du chiisme. C'est à dire que les interrogations sur l'étymologie du
terme sont étroitement liées à la question de l'origine du fait : d'où
vient le soufisme, et y eut il un soufisme avant que cette dénomination
n'existe ?
2.1.1- Le soufisme avant la lettre (Ie/VIIe s.-IIe/VIIIe s.)
Une sentence fameuse parmi les soufis
dès le Ve/XIe s. affirme que le tasawwuf est aujourd'hui un nom sans
réalité, alors que c'était jadis une réalité sans nom. Par delà
l'exagération d'une telle formule, un fait demeure : on ne saurait rien
comprendre au soufisme si l'on ne considère pas qu'il relève d'abord de
l'Islam. C'est là une chose établie, le soufisme, al-tasawwuf, est une
voie spirituelle islamique, et plus précisément ésotérique et
initiatique. C'est une voie ésotérique parce qu'elle s'ordonne autour
d'une doctrine selon laquelle toute réalité comporte un aspect extérieur
apparent – ou exotérique, zâhir – et un aspect intérieur caché – ou
ésotérique, bâtin ; et le soufisme se présente lui-même comme l'aspect
intérieur et ésotérique de l'Islam. C'est une voie initiatique parce que
le disciple, après avoir reçu l'initiation, aspire à réaliser sous la
conduite d'un Cheikh, d'un Maître spirituel, des états de conscience
toujours plus intérieurs, jusqu'à l'extinction de sa propre conscience
en DIEU.
Cependant, dans une tradition telle que
l'Islam, qui se veut totalité et qui engage l'être dans tous ses
aspects, la spiritualité ne signifiera pas retraite vers le sacré, mais
l'intégration du sacré dans tous les plans de l'existence. C'est ainsi
que le soufisme sera riche de dimensions scientifiques et artistiques,
et qu'il jouera, par ailleurs, sur la scène de l'histoire, un rôle
social, économique et politique souvent fort important. Pour ces
raisons, nous aborderons le soufisme en tant que réalité isolée et
partie intégrante de l'Islam. Nous n'entendons pas par là y reconnaître
un aspect de l'universelle aspiration de l'homme à l'absolu, aspiration
nourrie ici de la méditation des sources islamiques : le Coran d'abord,
puis la vie et les dires du Prophète et de ceux qui se sont conformés à
son exemple et à son enseignement.
Bien sûr, on ne saurait dire que le
Prophète fut un mystique, quelle que soit l'acceptation du terme
retenue, de même qu'on ne saurait le dire soufi, si nous entendons par
là la pratique du soufisme ; mais qui pourrait affirmer qu'il ne fut pas
un 'ârif bi-Allah, un connaissant de DIEU/par DIEU, terme qui désigne
chez les soufis l'adepte par excellence, établi dans le suprême degré de
la réalisation spirituelle, et donc modèle parfait du tasawwuf? Et pour
ne pas se laisser obnubiler par les vicissitudes de l'histoire, on peut
songer à ce propos à la spiritualité d'un Émir 'Abd el-Qâdir, récemment
révélée à tous ceux qui n'avaient de lui que l'image d'un sabreur
magnanime.
Parmi ceux que le soufisme revendique
ensuite comme ancêtres, figurent en premier lieu certains des plus
grands Compagnons du Prophète, considérés comme les précurseurs directs
des ascètes des deux premiers siècles de l'Hégire (VIIe-VIIIe s. après
J.C.). Selon une perspective typiquement islamique, l'attitude de
renoncement dans le monde (al-zuhd fî-l-dunyâ) qui les caractérise
consiste, non pas à retirer sa main du monde, mais à en vider son cœur.
Là encore, il s'agit donc moins de mystiques vivant en rupture radicale
avec le monde que de musulmans intégrés dans la société et menant une
vie de consécration dans la crainte de DIEU (makhafa) et l'observance
scrupuleuse de la Loi.
De ces précurseurs, le soufisme
postérieur retiendra donc surtout des figures relativement incontestées
dont certaines deviendront particulièrement célèbres jusqu'à nos jours,
tels Hasan al-Basrî (m. 110/728) considéré comme le patriarche des
soufis et Râbi'a al-'Adawiyya (m. 185/801), cette femme qui proclama son
amour (mahabba) passionné pour DIEU et refusa obstinément de se marier.
L'hagiographie rapporte aussi, déjà, la geste des Maîtres d'une école
du Khorasan, cette région septentrionale de l'Iran d'où sortiront tant
de grands noms, mais à cette époque l'implantation est encore pour
beaucoup proche orientale. C'est à Kouffa, alors colonie militaire en
Irak et centre chiite actif, qu'un groupe – qui eut 'Abdak (m.v. /825)
pour dernier Maître, fut le premier à être désigné collectivement par le
qualificatif de soufi. Ce groupe sera pourtant laissé dans l'ombre par
l'hagiographie, peut être du fait de ses liens avec le shiisme.
Nous ne pouvons qu'évoquer cette
importante et délicate question des relations du soufisme, non pas avec
le shiisme tel qu'il se formalisera ultérieurement, mais avec ses Imams,
et en particulier Ja'far al-Sâdiq (m. 148/765). Ce dernier dont nous
venons de dire que c'est un de ses disciples qui a, pour la première
fois, porté le nom de soufi, a vécu une période de transition cruciale
dans l'histoire de l'Islam : le renversement de la dynastie omeyyade et
le passage du pouvoir aux 'Abbassides dont l'établissement sera
concrétisé par la fondation de Bagdad trois ans après la mort
d'al-Sâdiq. Un changement politico-religieux s'opère alors, qui n'est,
peut être pas sans rapport avec l'apparition du terme soufi. Le Calife
omeyade, en effet, soucieux de souveraineté temporelle, s'arrangeait
assez facilement d'un Imam se contentant de dispenser un enseignement
spiritual-sans se dresser contre son autorité (imâm qâ'id vs imâm
qâ'im). Le Calife 'abbasside, par contre, se présente comme investi
d'une autorité spirituelle incontestable et exclusive : de ce fait, les
Imams de la descendance d'al-Sâdiq ne pourront plus prêcher ni enseigner
sans être inquiétés, sauf en se dissimulant ainsi que le fera la
branche ismaïlienne.
C'est donc au moment où le contact
direct avec la conduite spirituelle par un Imam devient pratiquement
impossible que des Maîtres, puis des écoles, sont pour la première fois
qualifiés par le terme sûfî, les premiers à l'être étant précisément en
rapport avec l'un de ces Imams : qui plus est, le 8e Imam 'Ali al-Ridâ
(m. 202/818), le seul qui connaîtra un exceptionnel-répit, sera aussi le
dernier des Imams à apparaître dans des chaînes de transmission
initiatiques (silsila-sftn1515 [15]).
Or même si l'on conteste l'authenticité
de ces silsila-s, il n'en reste pas moins qu'elles manifesteraient alors
la volonté d'une référence à huit figures qui sont également huit Imams
du chiisme. Par ailleurs, l'hagiographie soufi nous présente al-Ridâ
comme maître de Ma'rûf al-Karkhî (m. 200/815) qui passe pour avoir été
le premier à enseigner l'ésotérisme [16] de la doctrine de l'unité
(Tawhîd) à Bagdad.
2.1.2- De l'apparition à l'intégration (IIIe/IXe s.-V/XIe s.)
C'est en effet dans les métropoles de
l'Irak, creuset intellectuel-et carrefour d'influences diverses,
qu'apparaît au IIIe/IXe s. le soufisme historique, avec l'école issue de
Ma'rûf al-Karkhî et illustrée par la figure de Junayd (m. 297/910),
école qui prône la sobriété (sahw) et le respect de la discipline du
secret (taqiyya, kitmân) dans l'enseignement ésotérique. Cependant, les
soufis se rencontrent très tôt un peu partout dans le monde islamique où
Maîtres et disciples circulent et forment des groupes tenant cercles
dans les mosquées ou à domicile. Le Khorasan tend, dès la fin du
IIIe/IXe s. à devenir une région de forte implantation du tasawwuf qui
s'y combine avec des mouvements locaux – tels le karramisme – ou les
supplante. C'est là que prend naissance, en réaction contre un certain
soufisme devenu trop ostentatoire, le courant des gens du blâme, les
malâmâtiyya [17], qui se caractérisent par une spiritualité dépouillée
vécue sans se séparer du monde et de ses règles, et même sans s'y
distinguer extérieurement. A ce courant est liée la futuwwa, véritable
chevalerie spirituelle, axée donc sur une spiritualité de l'action, qui
deviendra le cadre des initiations de métier. Mais bien qu'attachées en
leur principe à une spiritualité discrète intégrant le sacré à tous les
plans de l'existence, deux voies donneront paradoxalement lieu à maintes
manifestations d'anticonformisme et de fronde qui sont sans doute, au
moins en partie, responsables de la vive hostilité que rencontrent alors
les soufis chez les autorités politiques et religieuses. Toutefois,
cette animosité est aussi, et surtout, due à deux autres causes
indépendantes, l'une principielle, l'autre historique.
D'abord, la réalisation spirituelle est,
de par sa nature même, une expérience intime et incommunicable, la
seule manière de l'exprimer étant de recourir à un langage inaccessible à
tous ceux qui lui sont étrangers ; il n'est donc pas étonnant qu'elle
ne parvienne à susciter chez ces derniers que de l'incompréhension,
source de méfiance et d'hostilité. Qui plus est, il peut arriver que le
soufi, sous l'emprise de l'extase ou de l'ivresse mystique, profère des
Shatahât (sing. Shath), des paroles comportant de véritables outrances
théologiques, tel le fameux subhânî ! Gloire à Moi du Khurassanien Abû
Yazîd al-Bistamî (m. 261/875).
Par ailleurs, la fin du IIIe/IXe s. voit
la montée de courants chiites à la fois ésotériques, initiatiques et
politiques : un état qarmate s'installe dans la péninsule arabique, qui
prendra La Mecque en 317/930, tandis que les Ismaïliens préparent la
révolte qui donnera naissance à la dynastie fâtimide. Les soufis,
souvent mal considérés par ces mouvements qui voient en eux des
concurrents idéologiques, se heurtent simultanément à ceux qui les
prennent au contraire pour des agents propagandistes de ces courants
subversifs. C'est dans ce contexte embrouillé de luttes politiques et de
troubles sociaux qu'il faut replacer la crise qui culmina avec le
procès et l'exécution du célèbre al-Hallaj (m. 309/922). L'affaire eut
un retentissement considérable, non pas à cause de la fin tragique
d'al-Hallaj – qui n'était pas en soi exceptionnelle depuis les premières
persécutions sous le règne d'al-Mu'tamid (256-279/870-893) – mais du
fait du rayonnement de ce saint qui avait fréquenté la plupart des
Maîtres importants et parcouru une grande partie du monde islamique,
jusqu'en Inde, prêchant le soufisme sans attention pour la discipline du
secret. En fait, c'est ce caractère public et populaire de sa
prédication, ainsi que l'accusation d'avoir partie liée avec les
mouvements shiites mentionnés, qui entraînèrent le verdict des juges,
bien plus que son célèbre Shath : Anâ-l-Haq ! Je suis le Vrai !
Les soufis se maintiendront désormais
dans une attitude de prudente réserve et s'efforcent d'obtenir un statut
de composante reconnue du sunnisme, intégrée tout en gardant certaines
spécificités. Le IVe/Xe s. connaîtra bien des Maîtres dans la continuité
de ceux de l'IIIe/IXe s. Mais l'époque est avant tout à l'aménagement :
réservant les propos de haute spiritualité à ceux qui sont préparés à
les entendre, les soufis rédigent, en arabe, plusieurs traités destinés,
d'une part à exposer les bases de la Voie à des cercles plus larges de
musulmans soucieux d'intériorité spirituelle, et d'autre part à prouver
leur légitimité traditionnelle, ce qui à l'époque veut dire surtout se
montrer en accord avec les thèses de la théologie ascharite qui prend
son essor.
Ce travail d'éclaircissement, de
classification et d'explications apaisantes se poursuit au Ve/Xe s. qui
voit aussi l'apparition des premiers historiens et hagiographes du
tasawwuf. Finalement, un soufisme modéré, toujours caractérisé par le
rejet des extrémismes sectaires et des attitudes excentriques – comme
celles de certains malâmâtiyya – par l'harmonie entre la Voie
spirituelle et la Loi, par l'adoption des seules méthodes et pratiques
éprouvées, et par son exigence de purification morale, se voit toléré,
voire reconnu par les représentants officiels de l'Islam.
Adopté par la dynastie turque des
Seldjoukides qui domine alors l'Est islamique, le soufisme se répand à
sa suite dans l'ensemble du Proche-Orient. Peu à peu, il gagne le monde
islamique dans son entier et pénètre toutes les couches de la société,
avec un succès peut être plus grand en Orient où, dès le milieu du
Ve/XIe s, se multiplient les écrits soufis en langue persane. Enfin
l'insertion doctrinale définitive du soufisme dans le sunnisme se fera
grâce à l'œuvre magistrale du célèbre Abû Hamid al-Ghazâlî (m.
505/1111). Originaire de Khorasan, ce grand théologien ascharite, proche
de la cour seldjoukide, enseigne à Bagdad dans une des plus anciennes
et des plus prestigieuses universités islamiques. Au faîte de la gloire
et de la renommée, il vit une importante crise spirituelle qui l'amène à
approfondir la voie du soufisme, seule voie qu'il considérera
finalement comme complète après avoir étudié, puis écarté les voies des
théologiens, des philosophes hellénisants (falâsifa) et des ésotéristes
ismaïliens (bâtiniyya, ta'llmiyya). Il préparera également les esprits à
accepter plus largement des méthodes spirituelles utilisant la musique
et la danse (samâ', raqs), ou des épiphénomènes – visions (ru'ya-s) et
miracles (karâmât) – qui accompagnent fréquemment la réalisation
spirituelle. Quant à son frère cadet, Ahmad Ghazâlî, qui ne fut pas sans
influence sur son orientation, il est, lui, la première grande figure
d'un aspect particulier du soufisme qui se développe au Khorasan et plus
largement en Iran dès les débuts de cette période charnière que
constituent les VIe/XIIe s. et VIIe/XIIIe s.
La civilisation islamique vit pendant
ces deux siècles une des phases les plus critiques de son histoire, la
seconde correspondant à l'ère coloniale. Elle se voit pour la première
fois menacée et perdra même de sa puissance temporelle. Rappelons
quelques faits : en 492/1099, les premiers croisés prennent Jérusalem
tandis que les Normands achèvent la reconquête de " la Sicile.
L'Andalousie" la Sicile. L'Andalousie, l'Espagne musulmane dont la
Reconquista a déjà commencé, bénéficie encore d'un répit jusqu'en
609/1212 où commence pour les musulmans une retraite qui ne laissera
subsister de leur présence sur le sol ibérique que l'enclave du royaume
de Grenade. A l'est, s'avancent les Mongols qui conquièrent les
provinces iraniennes avant de prendre Bagdad en 656/1258 : la limite de
leur empire viendra imprimer dans le monde islamique une coupure dont
les effets, pour atténués qu'ils soient, demeurent encore sensibles.
Dans cet Orient iranien, une école du
Khorasân – qu'on ne peut qu'avec beaucoup de réserves dénommer soufisme
persan – prend son essor avec Ahmad Ghazâlî (m. 531/1126). On peut
caractériser sommairement cette école en disant que les questions
spirituelles y sont traitées, en persan, sous une forme poétique ou
narrative relativement affranchie de toute expression théologique,
philosophique ou, plus généralement, logique. Elle atteindra l'un de ses
sommets avec Jalal-Ed-Dîn Rûmî (m. 672/1273), aussi connu sous le nom
de Mawlâna, notre Maître. Originaire du Khorasân, puis établi en
Anatolie, Rûmî est célèbre à deux titres : d'abord comme source de la
tarîqa mawlawiyya fameuse pour ses derviches tourneurs qui suivent la
voie choisie par leur Maître, la voie de la musique et de la danse ;
ensuite comme auteur d'un immense et superbe poème mathnawî, centré sur
les thèmes coraniques, poème si admiré qu'il suffit de la désigner comme
le Mathnawî.
Une autre est l'école Ishrâqî qui voit
le jour en cette même époque et qui illustre bien les difficultés où
nous sommes parfois, de trancher nettement entre le soufisme proprement
dit et d'autres voies spirituelles. Son fondateur, Shihâb u-Dîn Yahyâ
Suhrawardi, qui mourra exécuté sur ordre de Saladin en 587/1191, est à
proprement parler un théosophe, autrement dit un philosophe pour qui la
Sagesse ne saurait être que divine et un spiritual-pour qui la voie ne
saurait être qu'une gnose, une connaissance libératrice. Il fut donc
l'initiateur d'une théosophie illuminatrice où il voulait conjoindre,
dans le cadre de la tradition soufi – sans pourtant qu'on le sache
affilier à quelque silsila – l'angéologie des Sages de l'ancienne Perse,
la philosophie mystique d'Avicenne (m. 428/1073) et, par delà ce
dernier, la philosophie des anciens Sages grecs, au premier rang
desquels viennent les Platoniciens. Et jusqu'à nos jours encore, en Iran
et en Inde surtout, d'éminents spirituels déclareront leur appartenance
à cette tradition Ishrâqî.
En Irak, siège du califat 'abbaside qui
vit ses dernières années, le soufisme vit aussi une profonde mutation.
Celle-ci se caractérise par la naissance des premières tarîqa-s ou
organisations initiatiques dotées d'une règle et d'une méthode propre :
deux d'entre elles, la Qâdiriyya et la Rifâ'iyya, apparaissent dès le
VIe/XIIe s. Cette mutation se manifeste également par la multiplication
de bâtiments spéciaux appelés ribât-s qui seront progressivement
réservés aux soufis pour leurs réunions et séances rituelles (par la
suite, on désignera ces établissements par l'arabe zawiya). Il semble en
fait que le Calife al-Nâsir (587-622/1180-1225) a joué un rôle
d'importance dans cette mutation. Personnalité exceptionnelle, il
aspirait à une restructuration de l'Islam intégrant shiites et sunnites
dans le cadre de la futuwwa réformée en une organisation qui ne manque
de rappeler l'institution chevaleresque et les compagnonnages de métier
de notre Moyen-âge. Encore faut-il, derrière la personne du souverain
'abbaside, discerner l'influence de celui qui fut son conseiller
spiritual-: Abû Hafs Shihâb al-Dîn 'Umar Suhrawardî (m. 631/1234) qui
fut à l'origine de la tariqa portant ce nom et qu'il faut bien
distinguer de son homonyme précédemment cité.
Il apparaît alors que la mutation vécue
par le soufisme n'est pas le fruit de coïncidences fortuites, mais
qu'elle relève bien de l'action consciente et volontaire d'une élite, en
réponse aux nouveaux besoins de la communauté musulmane. Élargissant
encore le cercle de ses participants, le soufisme devient ouvertement,
dès cette époque trouble et menaçante, un extraordinaire pôle
d'intégration communautaire, à tel point qu'on pourra dire parfois qu'il
n'est personne en tel pays qui ne relève de quelque manière de
l'obédience d'une tariqa.
C'est dans ce contexte qu'apparaît
l'œuvre d'Ibn 'Arabî, peut être l'événement spiritual-le plus important
de l'histoire du soufisme. Né en Andalousie en 560/1165, Ibn 'Arabî
entre très jeune dans la Voie et commence bientôt une vie de
pérégrinations qu'il mènera jusqu'à l'âge de soixante ans. Il se
cantonne dans un premier temps à l'Andalousie et au Maghreb qui, malgré
les difficultés posées par l'étroit littéralisme doctrinal des
Almoravides puis des Almohades, vivent alors de belles journées
spirituelles. Après un passage en Égypte, il parcourt ensuite sans
relâche le Proche-Orient du Hijâz à l'Anatolie, de l'Irak à la
Palestine, pour finir enfin par s'installer en 620/1223 à Damas. C'est
là que s'étendra en 638/1240 ce vivificateur de la religion (c'est le
sens de son surnom : Muhyîuddîn) que la prospérité désignera aussi comme
plus grand Maître (al-Cheikh al-Akbar) et Sultan des Connaissants
(Sultân al-'ârifin). Il laisse une œuvre monumentale : œuvre
d'explication théoriques certes, offrant avec les Fûtûhât al-Makkiyya
une véritable encyclopédie du tasawwuf ; mais œuvre du secret, synthèse
difficile, voire impénétrable comme en témoigne le livre des Fusûs
al-hikam, petit ouvrage de moins de deux cents pages qui reste à ce jour
le plus commenté – et le plus attaqué – de la littérature soufie.
Son disciple d'élection, Sadr-u-Dîn
Qûnawî (m. 672/1263), sera en contact avec un grand nombre de hautes
figures spirituelles : il rencontrera Ibn Sab'în (m. 629/1270), autre
grand théosophe andalou ; le poète égyptien Ibn al-Fârid (m. 632/1235),
connu comme Sultan des Amants divins (Sultân al-'âshiqîn) ; les
fondateurs de tarîqa Suhrawardi, l'irakien, et Shâdhilî le maghrébin (m.
656/1258) ; il sera en rapport avec l'iranien Sa'd al-Dîn Hamûye (m.
650/1252) avec qui nous voyons réapparaître brillamment un soufisme
shiite dont nous avions perdu la trace depuis le IIe/IXe s; enfin il
entretiendra une correspondance avec le philosophe Nâsir-u-Dîn Tûsî (m.
672/1274) avec qui l'Imamisme official-prendra finalement lui aussi
position en faveur d'un soufisme modéré. Cette rapide énumération peut
permettre de donner une idée de la richesse des relations spirituelles
de cette époque. L'Andalousie comme l'Iran, le Proche-Orient comme le
Maghreb connurent alors bien des grands noms que nous ne pouvons citer
ici et qui ont fait de cette période de mutation un des âges d'or du
soufisme.
2.1.4- Continuités et assoupissements (VIII/XIV s.-XIIe/XVIIIe s.)
Partout dans le monde musulman, les deux
siècles suivants apparaissent comme la continuation des orientations
prises au cours du VIIe/XIIIe s. Sur le plan doctrinal, l'œuvre d'Ibn
'Arabî tend à s'imposer définitivement comme la pierre de touche de la
métaphysique et de la cosmologie du soufisme. Toute prise de position se
fait par rapport à cette œuvre et bien rares sont ceux qui échappent à
cette influence. On peut même dire sans trop d'exagération que toute la
littérature théosophique postérieure en Islam ne sera en quelque sorte
que commentaire, illustration ou prolongement d'Ibn 'Arabî, quel que
soit en définitive le recul ou l'écart pris par rapport au Maître. Il ne
s'agit pas, bien sûr, de nier des divergences plus ou moins importantes
et de divers ordres, mais il faut bien prendre conscience qu'elles
interviennent dans un domaine si subtil qu'il est souvent difficile d'en
déterminer la nature ou la raison d'être. Ainsi, et pour ne citer qu'un
seul exemple, on ne pourra que s'interroger sur la nature de
l'adversité d'un Samnânî (m. 736/1336) qui, bien que sévèrement critique
à l'égard de l'expression théorique de la wahdat al-wujûd, s'essaiera à
donner un commentaire partial-des Fusûs al-hikam.
Par ailleurs, opposés à toutes ces
écoles intellectuelles et ésotériques, un certain nombre de pieux et
doctes musulmans se réclament d'un tasawwuf khuluqî ou soufisme du souci
éthique, considéré comme étant le véritable soufisme des Anciens, le
tasawwuf falsafî ou soufisme philosophique des Modernes n'étant qu'une
blâmable innovation. Entendu comme se réduisant à cette seule
préoccupation, le soufisme sera fréquemment admis, voire pratiqué, par
des musulmans qui restent cependant étrangers à tout ce que nous avons
désigné comme la réalisation spirituelle. Tel fut le cas de certaines
figures célèbres du hanbalisme militant et aussi de savants polygraphes
comme Ibn Khaldûn (m. 808/1046) et le grenadin Ibn al-Khatîb (m.
777/1375).
Ceci en ce qui concerne l'histoire
doctrinale et proprement interne du soufisme. Les tarîqa-s, quant à
elles, se développent, se ramifient et s'installent de plus en plus dans
leurs fonctions sociales, politiques, culturelles et économiques.
Malgré des études de plus en plus nombreuses abordant ces aspects du
soufisme, beaucoup de travail reste à faire pour évaluer tous les cas
d'adaptation des confréries et de leurs centres à des réalités locales.
D'une manière générale, on peut dire qu'elles n'auraient pu parvenir à
ce degré de développement dans tout le monde musulman sans la protection
et le soutien économique – notamment par des dotations immobilières
constituées en biens (waqf) – que leur accordent, par conviction ou par
intérêt, les princes et les souverains. Ce furent d'abord les Mongols en
Asie et au Moyen-Orient iranien, diverses principautés turques en
Anatolie et les Mamlouks au Proche-Orient arabe. Ensuite, à partir du
VIII/XVI s, il faut considérer séparément quatre grands états musulmans :
le Maroc chérifien, l'Empire ottoman, l'Iran safavide et l'Inde
moghole.
Dans le Maroc chérifien, les confréries
prospèrent et jouent un rôle politique d'importance. La position des
zawiyas s'est considérablement renforcée du VIIe/XIIIe s. au Xe/XVIe s. à
la faveur de la résistance qu'elles ont animée face à la pression
occidentale et plus particulièrement ibérique. " La dynastie Sa'dien" La
dynastie Sa'dien doit dans une large mesure son installation et son
maintien au pouvoir à l'influence des chefs de confréries. C'est encore
par le canal des zawiyas-s que la culture islamique s'introduit alors
jusque dans les zones montagneuses. Enfin, leur enracinement est tel
que, lorsque l'État Sa'dien s'effondre au XIe/XVIIe s, une zawiya sera
sur le point de reconstituer l'unité du Maroc sur une base maraboutique.
C'est pourtant la famille 'Alawite qui prendra finalement le pouvoir,
ouvrant une ère de relations plus tendues entre les soufis et l'État
chérifien, sans pour autant que s'affaiblisse le rayonnement des
zawiyas.
La situation des confréries dans
l'Empire ottoman est, sous un certain rapport, encore plus favorable.
Pour tout un pan du soufisme, l'évolution se fait, de manière ambiguë,
vers une sorte d'institutionnalisation contrôlée. De manière ambiguë car
il reste à savoir qui contrôle quoi ? D'un côté, certains chefs de
confréries, nommés et dotés par le gouvernement, sont comptés parmi les
grands dignitaires de l'État. Mais par ailleurs, le Sultan est lui-même
affilié, soit à la Mawlawiyya, soit à la Khalwatiyya qui se répand alors
dans tout l'Empire. Enfin, et sans présager d'autres rapports, le corps
des Janissaires, élite de l'armée impériale et soutien du trône, est
tout entier rattaché à la Bektâchîyya, curieuse synthèse – ou
syncrétisme? – liée au chiisme anatolien : ce n'est pas un des moindres
paradoxes de l'histoire de l'Islam que celui d'un État vigoureusement
sunnite s'appuyant sur un corps militaire lié à une tarîqa chiite !
Tout aussi paradoxale est l'évolution de
la tariqa turque des Safawiyya : après avoir adopté le shiisme, elle
donne naissance en Iran à un État qui adopte officiellement et impose
cette doctrine et où les confréries seront pour le moins mises à mal. Au
XIIe/XVIIIe s, les tarîqa-s sunnites ont disparu de l'Iran safavide et
le soufisme confrérique en général y est au plus bas. Sur le plan
intellectuel, par contre, cette période – qu'Henri Corbin qualifiait de
renaissance safavide – est marquée par la production d'œuvres
spirituelles fortes et originales. A la fois docteurs du chiisme et
théosophes gnostiques, leurs auteurs, tout en ne se rattachant pas
nécessairement au soufisme, voire même en s'en démarquant, abordent les
mêmes questions métaphysiques et cosmologiques que les soufis
nourrissant leurs méditations tant de la tradition héritée des Imams que
des œuvres d'Ibn 'Arabî, de Suhrawardi ou d'autres encore.
Une autre production intellectuelle
originale est celle qui naît, en Inde, du contact avec la spiritualité
gnostique hindoue (jnâna). La rencontre aboutit parfois à un syncrétisme
comme le fut la tentative de l'Empereur moghol Akbar (m. 1014/1605) de
créer une religion divine (Dîn ilâhî). Mais d'autres – tel, semble t-il,
le Prince soufi Dârâh Shikōh (m. 1069/1659) – eurent bien conscience
d'une convergence entre deux réalités autonomes. En Inde également, les
confréries introduites depuis l'Iran dès le VIIe/XIIIe s. se sont
développées et multipliées, essaimant plus loin encore, dans le monde
indo-malais. Au sein d'une de ces confréries, apparaît au XIe/XVIIe s.
une personnalité remarquable, le Cheikh Ahmad Sarhindî (m. 1023/1625)
qui passera à la postérité sous le nom de Rénovateur du second
millénaire de l'Hégire (mujaddid al-alf al-thânî) : on se trouve avec
lui face aux prémices d'une vague de fond dont les effets se feront
sentir dès le XIIe/XVIIIe s. et qui atteindra au siècle suivant tout le
monde musulman.
On a souvent considéré les siècles
postérieures à celui d'Ibn 'Arabî comme une période de décadence du
soufisme. Il est vrai que, hormis de remarquables exceptions, les œuvres
intellectuelles relevant directement du tasawwuf se font peu à peu plus
rares ou moins brillantes [18]. Il est vrai également qu'après une
période d'élaboration, les confréries tendent à une certaine
institutionnalisation, avec tout le conformisme que cela implique.
Toutefois, si le soufisme semble bien plongé dans un tranquille – et
tout relatif – assoupissement, le réveil qu'il connaîtra au XIIIe/XIXe
s. nous empêche d'utiliser à ce propos le terme de décadence.
2.1.5- Le réveil (XIIIe/XIXe s.)
Au XIIIe/XIXe s, le monde musulman vit
la deuxième grande période critique de son histoire, période de la
confrontation avec l’Occident. A cet égard une date, celle de 1798,
année de l’expédition d’Égypte, peut tenir lieu de repère, même si bien
avant déjà des premiers contacts et des premiers affrontements eurent
lieu. En ce siècle, l’Occident se rendra maître d’une grande part de la
terre d’Islam (Dâr al-Islâm), mais ce siècle verra aussi le réveil du
monde musulman, ce réveil que dans les pays arabes on nommera nahda.
Dans le tumulte de cette nahda des mouvements modernistes – nationaux ou
religieux – une autre nahda, celle du tasawwuf, sera peu remarquée.
Pendant longtemps, et dans une large mesure jusqu’à nos jours, les
exposés sur l’histoire moderne de l’Islam, en Occident comme en Orient,
ont laissé planer un étranger silence sur les manifestations de cet
esprit de revivification et de rénovation qui anime alors le soufisme.
Quand le soufisme est abordé dans des
études sur cette période, c’est principalement sous ses aspects les plus
voyants, aspects apparemment plus faciles à saisir mais qui, du fait
qu’ils relèvent des applications contingentes et non de l’essence, sont
souvent des réalités mouvantes aux motivations multiples et complexes.
On s’intéresse ainsi au soufisme institutionnalisé qui atteint alors ses
sommets en Égypte où siège un conseil soufi suprême présidé par un
Cheikh des Cheikh de toutes les tarîqa-s; institution plus que
paradoxale, véritable caricature bureaucratique du tasawwuf, qui
continue actuellement encore de fonctionner. On multiplie aussi les
études sur un soufisme dit populaire, études dans lesquelles on retraite
inlassablement, et souvent sans grand discernement, de la ziyâra, ou
visite aux tombes des saints, et des multiples pratiques annexes dont
elle est le cadre. On est concerné, enfin, par le soufisme missionnaire,
militant ou combattant, fonctions que le soufisme assume en fait depuis
son apparition mais auxquelles on est, là, plus directement confronté.
C’est presque exclusivement en raison d’un tel engagement que certaines
manifestations du renouveau confrérique doivent être remarquées : on
parlera ainsi fréquemment de la Sanûsiyya et de ses développements en
Cyrénaïque, du rôle de la Mahdiyya au Soudan, ou encore du Jihad
d’al-Hajj ‘Umar en Afrique occidentale…
Pourtant, le réveil du soufisme est loin
de se limiter à ces engagements relativement extérieurs et secondaires.
Il se manifeste tout d’abord, et cela dès le XIIe/XVIIIe s, par
l’apparition d’œuvres importantes, généralement d’inspiration
akbarienne, dont nous citerons au moins celle, magistrale et par trop
méconnue, de l’Émir Abd el-Kader (m. 1300/1883). Il se manifeste aussi,
et surtout, par une revivification des confréries existantes qui donnent
naissance à de nouvelles branches actives. C’est à cette époque que la
Ni’matullâhiyya est restaurée dans son pays d’origine, l’Iran, par un
maître venu de l’Inde du Sud. Au Maghreb, le renouveau se manifeste
encore par l’éclosion de tarîqa-s comme la Tîjâniyya ou l'Idrîsiyya,
tarîqa-s caractérisées par certains aspects nouveaux que nous ne pouvons
développer ici. La plupart de ces branches ou de ces tarîqa-s nouvelles
se répandent très rapidement dans tout un secteur du monde musulman, et
parfois même d’un bout à l’autre du globe. Enfin, on ne peut non plus
ignorer l’éclosion en Iran de l’école Cheikhiyya qui, bien que se
démarquant des confréries, n’en participe pas moins à ce renouveau
spirituel.
Il est pour le moins curieux qu’un
mouvement d’une telle importance – et encore n’avons nous évoqué que les
faits les plus saillants – n’ait pas encore, contrairement aux autres
tendances islamiques, suscité de véritable étude. Sans doute faut-il
voir là un effet de l’attention exagérée qu’on accorde e plus en plus
aux phénomènes – qui ne sont souvent que des épiphénomènes – aux dépens
de réalités bien plus importantes mais aussi moins voyantes. Quoi qu’il
en soit, ajouté à la présentation fréquente des aspects les moins
brillants du soufisme, le silence fait sur cette renaissance, à la fois
si actuelle et si profondément enracinée dans la tradition, a eu pour
effet de dévaloriser le tasawwuf aux yeux des musulmans instruits. Parmi
ceux ci, les uns, sécularisés et occidentalisés, rejettent plus ou
moins l’Islam, au moins en tant que mode de vie et code complet de lois;
quant aux autres, s’ils sont de pieux musulmans, ils n’envisagent trop
souvent de l’Islam que l’interprétation exotérique de la Sharî'a,
rejetant tout ce qui touche à sa dimension intellectuelle et
spirituelle. Et tous, ou presque, en arrivant à concevoir le tasawwuf
comme se réduisant à certaines pratiques excentriques ou à une
institution figée. Les tarîqa-s ne leur apparaissent que comme des
organisations obscurantistes, sources de tous les maux de l’Islam ou de
leur nation. Elles portent à leurs yeux la lourde responsabilité d’une
décadence et d’un affaiblissement qui auraient favorisé la colonisation
qu’elles sont de plus accusées d’avoir appuyé de leur collaboration.
Il n’est pas question bien sûr de nier a
priori la réalité de certains cas, encore faudrait il alors examiner
les motivations réelles dans le cadre complexe de chaque situation sans
ramener tout à un manichéisme primaire. Mais on peut de manière globale
infirmer cette image. ‘Abd el-Kader, soufi et combattant, suffirait à
cela ; or il ne fut pas un cas isolé : réassumant une fonction qu’ils
exercèrent déjà souvent par le passé – on a déjà parlé de l’importance
prise par les zawiyas marocaines à la faveur de leur activité face au
danger ibérique – les confréries soufis ou les tarîqa-s continuent
d’inspirer et de mener et d’animer la résistance contre toute atteinte
culturelle ou militaire à l’Islam.
Allons plus loin et disons que ceux pour
qui l’Islam est un ennemi savaient bien – et savent encore – que le
soufisme est le cœur qu’il faut toucher. Dans la conclusion d’une thèse
en sciences politiques publiée à Alger en 1910 on peut lire : Nos
efforts devront tendre à attirer à nous les chefs influents qui nous
sont hostiles. Essayons d’avoir raison de leurs préventions par l’appât
de hautes situations… Jusqu’au jour où les Khouans (les affiliés),
éclairés par la civilisation, briseront les liens d’esclavage qui les
rivent à leur chef. Ce jour là, l’Islam sera vaincu.[19].
Auparavant déjà, A. Le Chatelier, dans
son Islam au XIXe siècle (Paris, 1888), avait noté à propos de l’Afrique
du Nord la vitalité des courants spirituels de l’Islam qui furent selon
lui le principe religieux actif du XIXe s. Dix ans plus tard, un
islamologue russe écrivait : Etant donné l’immobilité des dogmes
officiels de l’Islam, tous les mouvements intellectuels dans le monde
musulman, doivent revêtir le drapeau du soufisme. La renaissance de
l’Islam ne peut se faire que sous son influence. Chaque nouvelle idée,
chaque mouvement politique ou religieux, réactionnaire ou
révolutionnaire, devra se couvrir du drapeau du soufisme.
Nous espérons, en citant ces remarques
de personnes peu suspectes de sympathie pour le soufisme, amener
certains à réfléchir sur la position réelle du tasawwuf au sein de la
civilisation islamique, afin que soient évités ou rectifiés certains
jugements, partiels et partiaux, qui pèsent sur lui et son histoire.
Après avoir survolé cette histoire, nous voudrions encore présenter
brièvement quelques figures soufisme.
2.2- QUELQUES FIGURES DU SOUFISME « IBN 'ARABI »
Pour comprendre les propos qui seront
développés plus loin, il est nécessaire de savoir que le langage des
soufis est un langage allusif qui se réfère à l’expérience initiatique,
ainsi il ne peut être compris que par les initiés, ce qui manifeste en
quelque sorte une volonté de rester "fermé" à la compréhension
superficielle des profanes (les non initiés). En effet, s’agissant de
réalités spirituelles, il n’est pas indifférent que les profanes
puissent comprendre même le sens extérieur des paroles des initiés (qui
se réfèrent à une réalisation spirituelle effective), car ceux-ci ne
manqueront pas de leur donner un sens qu’elles n’ont pas et de produire
ainsi certaines déviations regrettables, surtout d’ailleurs pour ces
profanes eux mêmes.
Cette communication n’est pas verbale,
mais se réfère à une vérité spirituelle (ou si l’on préfère d’une
"énergie" spirituelle) qui ne peut être supportée que par une personne
arrivée à un degré élevé de l’initiation. Il s’agit en somme, d’une
disposition préalable réalisée par un disciple au cours de sa
progression dans la voie initiatique.
2.2.1- Présentation générale
Ibn 'ARABI, grand maître de l’ésotérisme [20] musulman (1165-1240).
Le grand maître, le vivificateur de la
religion, le maître de l’amour ou Sultan des connaissants, Abu Bakr
Muhammad Ibn AL ARABI est né le 27 ramadan 560 de l’hégire (7 août 1165)
à Murcie, dans le sud est de l’Espagne de parents yéménites. Issu d’une
illustre famille ayant d’excellentes relations culturelles et sociales,
marquée par de fortes inclinations religieuses. Son père, fut un homme
influent de grande réputation. Trois de ses oncles se convertirent au
soufisme. A quinze ans, lorsqu' ’ il rencontre Ibn Rochd (Averroès), ami
de son père, il se révèle être déjà le grand mystique qu' ’ il
deviendra. Il a épousé une jeune femme nommée Mariam qui partagea son
aspiration à la Voie.
Ibn Arabî, avide de s’instruire auprès
des plus grand maîtres, voyage à travers l’Andalousie, l’Afrique du Nord
et l’Asie Mineure jusqu’aux portes de l’Iran, s’entretenant avec des
mystiques et ascètes soufis, des sages et savants de son temps. Ascète
[21]aimant méditer dans les cimetières, suivant une coutume soufie,
jeûnant et priant, il s’initiait aussi à toutes les sciences de son
temps, à la philosophie, à la théologie [22], ainsi aux connaissances
ésotériques, recherchant le sens caché de tous les rapports des signes,
nombres, lettres, rêves, astres et événements."Mes yeux plongeaient plus
loin que le monde visible", eut-il pu dire.
Son œuvre inachevée ne compte pas moins
400 titres : pensée métaphysique, expérience mystique [23], expressions
poétiques sont inséparables. Ibn Arabî écrit ses œuvres sans ordre
préconçu, mêlant citations, anecdotes, récits d’extase et déconcertant
le lecteur attaché à une dialectique rationnelle. Il fuit les
définitions dogmatiques; les précisions détaillées qu’il multiplie sur
tel ou tel exercice spirituel, ne visent qu’à servir d’itinéraire à
l’expérience personnelle de l’unification.
Il se refuse à l’incarcération de
l’esprit dans les formules ,les concepts, les rites, les cultes qui
arrêtent les élans de l’âme sur des expressions toute humaines de
l’infini divin, pour s’abandonner totalement à l’attrait du seul amour
de DIEU: "Mon cœur est capable de devenir toute forme: cloître du moine
chrétien, temple des idoles, prairies des gazelles, pierre noire des
pèlerins, Tables de lai mosaïque , Coran…Amour est mon credo(ce à quoi
on croit) et ma foi."
Les soufis reconnaissent en Ibn Arabî,
même s’ils ne le suivent pas en tout point, le très grand maître. Huit
cent cinquante-six de ses ouvrages ont été répertoriés, son "livre des
conquêtes spirituelles de la Mecque (Futûhât)" est considéré comme la
"somme" de l’ésotérisme musulman. Les "Gemmes des Sagesses des Prophètes
(Fûssûs)"résument les approches, les aspects, les noms de la
Connaissance de DIEU unifiante. Les figures des prophètes évoquent
chacune l’une des facettes du diamant unique, " la Sagesse Divine." la
Sagesse Divine.
Son influence grandissante éveille
soupçons et critiques : il était accusé d’hérésie (s’opposer aux
doctrines officielles), et comme tant d’autres mystiques, il a écrit des
poèmes brûlants pour chanter les extases de l’amour ; il doit dès lors,
se justifier contre l’accusation d’érotisme en expliquant le symbolisme
ésotérique [24] de ses vers. Il avait écrit : "mon cœur avait de
multiples passions mais la découverte de ton amour en a fait une
seule…je laisse aux hommes leur terre et leur croyance depuis que tu es
devenu mon pays et ma religion." A l’âge de soixante ans il s’installe à
Damas, il est entouré de disciples et de visiteurs ; il donne avec son
enseignement, l’exemple d’une vie austère et recueillie. C’est là qu’il
meurt ; il est inhumé dans une petite mosquée des faubourgs de Damas.
2.2.2- Apports
Sans prétendre résumer en quelques mots
son œuvre littéraire colossale, nous pouvons toutefois nous arrêter sur
ses apports suivants :
Science de la balance :
Le mouvement des astres, des hommes et
de toute chose dans l’univers lui paraît dominé par un pôle, centre
énergétique qui assure la cohésion de chaque être et la cohérence du
tout. Cette vision de pôle du temps et l’espace illustre pour lui la
relativité du monde matériel-et sa destination global de manifestation
de l’esprit. Il a développé, ainsi, une science, qui marquera
profondément le soufisme, "la science de la balance": c’est la capacité
de mesurer "l’énergie spirituelle" immanente en un être, un acte, un
désir, et même dans une parole ou un texte.
Cette science comporte une métaphysique, une éthique, ainsi tout être témoigne de deux tendances :
L’une vers le matérialisme et la mort ;
l’autre vers la spiritualisation et la vie ; correspondant à sa double
origine matérielle et spirituelle. Ainsi le mystique se purifiera de
l’une, se réalisera dans l’autre, de même, l’interprétation d’un texte
s’en tiendra à sa matérialité, la lettre, le manifesté, le signifié du
premier degré " الظاهر "; ou bien elle s’approfondira dans le sens
caché, en dégagera l’esprit, l’ésotérique (ce qui est réservé aux
initiés)" الباطن ". Ainsi, la science de la balance est tournée vers la
rencontre de "l’esprit manifesté" et "l’esprit caché", ou, suivant un
langage familier à Ibn Arabî, vers une mutation de l’être, analogue à
celle du plomb en or pur: "science divine qui triomphe de la mort".
Doctrine de l’amour
La mystique soufie est construite autour
d’un principe fondamental : c’est à travers l’extase amoureuse, au sens
spiritual-du terme, que le soufi peut, éventuellement " faire un " avec
DIEU. Les soufis utilisent souvent le personnage de "Leila" pour
l’amour de laquelle,"Majnûn" (le fou) a perdu la raison, car elle reste
inaccessible à ce dernier qui se trouve en deçà des frontières de son
propre "moi". Ainsi chaque fois que Majnûn frappe à la porte de Leila,
celle-ci demande : "Qui est-ce ?" et Majnûn répond :"C’est moi." La
porte reste alors fermée jusqu’au jour où Majnûn fut emporté par son
amour, répondit :"C’est toi." La porte lui fut alors ouverte. Ainsi :
"L’amour est cette flamme qui, lorsqu’elle s’élève brûle tout : DIEU
seul reste." Le cœur du soufi "professe la religion de l ’ Amour ". "
Quelque direction que prenne ma monture, l ’ Amour est ma religion et ma
foi " Ibn Arabî.
Ibn Arabî avance que le Créateur et la
créature sont indissociablement liés par l’énergie d'Amour. ( المحبة ).
En outre, l'homme étant issu de DIEU, il possède Sa conscience et a donc
la possibilité de se reconnaître. Car la réalité toute entière de son
début et de sa fin vient de DIEU seul, et c’est vers lui qu’elle
retourne. Par extension, à l'image de l'artiste qui se fait connaître
par son œuvre et de l ' œuvre qui nous éclaire sur l'artiste, se
découvrir soi-même c'est découvrir DIEU en soi : cette parole du
prophète en est la preuve : "Celui qui se connaît soi-même connaît son
Seigneur" ( من عرف نفسه عرف ربه ). La réalisation de cette réunion au
Divin par la connaissance de l'Amour est donc pour lui le but de toute
vie spirituelle.
Dans son traité sur l'Amour extrait des “
Conquêtes Mecquoises ”, le maître illustre à cet effet qu'étant le
fruit de l'Amour Divin, l'homme est intégralement concerné par cet Amour
qui est à la fois son origine et sa destination. L'homme est donc fait
pour aimer et être aimé, et aimer DIEU c’est d’abord être aimé par Lui,
comme le déclare cette parole coranique : "Il les aime et ils L’aiment"
(coran, V, 54)... فسوف يأتي ﷲ بقوم يحبهم و يحبونه ". Et, composé d'un
corps, d'une âme et d'un esprit, l’Homme ne peut déconsidérer une forme
d'Amour au profit d'une autre devant ainsi réaliser la symbiose des
différents modes d'expression de l'Amour : physique, spiritual-et divin,
pour reformer en lui l'unité primordiale. Mais la réalisation de ce
passage à l’unification avec Le Bien-aimé Divin se conçoit comme une
transformation et nullement comme une incarnation, car l’état
individuel-dans ses conditions mêmes (par rapport à la loi religieuse,
aux lois physiques, psychiques,…) est un état de servitude, état qui ne
peut être dépassé sur le plan spirituel.
Ainsi chaque individu en tant que tel ne
peut être rattaché à DIEU, nous dit Ibn Arabî, que par son Seigneur
exclusivement. Le Seigneur est ici le nom divin, qui correspond à la
prédisposition de l’individu à connaître DIEU sous cet aspect
particulier et non sous un autre (de servitude). "Connaître DIEU par
DIEU, aimer DIEU par DIEU". Pour nous indiquer ce qu’il entend par terme
"cœur", Ibn Arabî invoque le Hadith Qudsî suivant : " Ni Ma terre, ni
Mon cial-ne sont assez grand pour me contenir .mais le "cœur" de Mon
serviteur croyant pieux et pur, est assez grand pour me contenir." ما
وسعني ارضي ولا سمائي وسعني قلب عبدي المؤمن التقي النقي ]. Puis, il cite
cette parole significative d'Abu Yazid Al Bastami:"Même si le Trône
divin et tout ce qui y est contenu devaient se trouver indéfiniment
multiplié dans le cœur du gnostique ( قلب العارف ), celui-ci ne le
sentirait pas."
Les cinq conseils d’Ibn Arabî :
- - CONSEIL 1
Conseil d’ordre général, l’union fait la force. La Main de Dieu est avec la Communauté rassemblée.
- - CONSEIL 2
La pratique du bien. Il ne faut pas
dédaigner d’adorer Dieu .Par adoration il faut entendre ici demande ou
supplique spontanée ( الدعاء ). La demande spontanée est appelée
adoration puisque celle-ci implique humilité. "Demandez-Moi, Je vous
exaucerai" (Coran, 40/60)
- - CONSEIL 3
La bonne estimation au sujet de DIEU.
Que ta pensée à l’égard de Dieu soit empreinte de la connaissance
certaine qu’Il efface, pardonne et est indulgent. DIEU t'incite à garder
cette pensée à Son égard dans le verset suivant : "O Mes serviteurs qui
avez été excessifs envers vous mêmes, ne désespérez pas de la
Miséricorde de DIEU "Coran (39 / 53) " قل يا عبادي الدين أسرفوا على
أنفسهم لا تقنطوا من رحمة الله إن الله يغفر الذنوب جميعا انه هو الغفور
الرحيم ". Il t’interdit donc le désespoir et tu dois t’abstenir de ce
qu' ’ Il défend. "Certes, DIEU pardonne tous les péchés" (Coran, 43/54),
sans spécifier tel ou tel péché.
- - CONSEIL 4
L’obligation de l’invocation de Dieu.
Vous êtes tenus au dhikr de DIEU, secrètement et ouvertement, en
vous-mêmes et en assemblée. DIEU a dit : "Faîtes donc Mon Dhikr, Je fais
votre dhikr "Coran, 2/152).)
- - CONSEIL 5
La proximité de DIEU. Dans la nouvelle
prophétique authentique suivante : "Si le serviteur s’approche de Moi
d’un empan, Je M’approche de lui d’une coudée. S’il s’approche de Moi
d’une coudée, Je M’approche de lui d’une brasse. S’il vient à Moi en
marchant, Je viens à lui en M’empressant." Je veux parler ici de cette
proximité qui est la conséquence de la proximité que le serviteur a avec
DIEU. Or le serviteur n’a de proximité avec DIEU que par la foi en ce
qui provient de DIEU, même, en plus de la foi en DIEU et en celui qui
transmet (la Révélation) de Sa part.
Ainsi, l’importance essentielle d’Ibn
Arabî dans l’histoire du soufisme repose sur deux choses : d’une part il
fut le lien entre deux phases historiques du soufisme et de l’islam et
d’autre part il fut le lien entre les formes occidentales et orientales
du soufisme. Il formula les intuitions et les enseignements des
générations de soufis qui l’avaient précédé, consignant par écrite pour
la 1ère fois, de façon systématique et détaillée, le vaste fond de
l’expérience soufis et de la tradition orale en puisant dans le trésor
de termes techniques et de symboles puissamment enrichi par des siècles
d’élaboration. A un monde musulman sur le point de recevoir le coup
écrasant qui devait l’affaiblir culturellement, économiquement et
politiquement, il laisse un Exposé définitif des enseignements soufis
aussi bien qu’un mémorial complet de l’héritage ésotérique de l’Islam.
En faisant cela, il a profondément influencé tout l’enseignement soufi
postérieur et demeure ainsi le lien le plus important entre les soufis
qui l’ont précédé et ceux qui sont venus après lui. Ceci éclaire
peut-être en partie son affirmation d’avoir été le sceau de la sainteté
mohammadienne, dans la mesure où l’on peut dire qu’il a été le dernier
de ceux qui ont reçu les enseignements "non formulés" de la Voie, alors
que tous ceux qui vinrent après lui furent tributaires de son expression
synthétique.
3. LES MALADIES DE L’ÂME ET LES REMÈDES PROPOSES PAR LES SOUFIS
3.1- EDUCATION DE L’ÂME
L'éducation (adab) de l'âme (nafs)
constitue l'un des thèmes centraux de la littérature soufie. Tous les
grands auteurs soufis ont abordé ce sujet dans leur œuvre ; c'est le cas
d'Ibn 'Arabî dans ses Futûhât al-Makkiya (les illuminations de la
Mecque) et de l'imâm Ghazali dans son ihyâ' ulûm a-din (revivification
des sciences religieuses). Al-Muhâsibi a écrit âdab a-nufus (éducation
des âmes), Thirmidi a rédigé une petite épître intitulée makr al-nafs
(les ruses de l'âme). Ibn 'Atâ 'Allah quant à lui a composé tahdhîb
al-nufus (l'éducation des âmes).
Pour éduquer l'âme, il faut connaître
ses maladies et les moyens d'y remédier ; c'est ainsi qu'al-Sulamî a
nommé son traité :les maladies de l'âme et leurs remèdes ('Uyûb al-nafs
wa mudâwâtuhâ). L'éducation de l'âme consistera à en éliminer les
tendances négatives contraires à DIEU pour que seules subsistent les
tendances positives et agréées par DIEU.
3.2- PSYCHOLOGIE DE L’ÂME
Selon une sentence de Ibn' Atâ' 'Allah :
La satisfaction mondaine de l'âme est évidente et claire dans la
désobéissance, mais elle est cachée et subtile dans l'obéissance ; la
guérison de ce qui est caché est difficile. En effet, il est facile
d'apprendre les gestes et les paroles de la prière mais, il est plus
difficile d'acquérir l'attitude antérieure qu'exige notre situation face
à Dieu dans la prière. De" la prière. De plus, si on sait qu'il est
avec vous où que vous soyez (Sourate Al-Hadid, 4). Il nous faudra à tout
moment et en tout lieu nous efforcer de corriger pour la rendre
agréable à DIEU qui observe tout (Sourate Al-Ahzab, 52) وهو معكم أينما
كنتم (الحديد الآية 4)
Au retour d'un combat contre l'ennemi,
dans un célèbre hadîth, le Prophète a qualifié cet effort continuel, de
grande guerre sainte : Nous sommes revenus de la petite guerre sainte à
la grande guerre sainte. Ses compagnons étonnés lui demandèrent : qu'est
ce que la grande guerre sainte ? Il répondit : C'est la guerre contre
l'âme. Cette grande guerre sainte consiste à purifier l'âme de tout vice
et à la rendre conforme à Dieu en y cultivant ces reflets des qualités
divines dans l'homme que sont les vertus. En fait, ce n'est pas l'homme
qui acquiert telle ou telle vertu, il ne fait qu'écarter les voiles qui
le séparent de la grâce divine comme on ouvre les volets d'une chambre
pour qu'elle se remplisse de lumière. La vertu n'appartient pas à
l'homme comme la lumière n'appartient pas à la chambre qu'on illumine ;
elle est un rayon de la Grâce divine à laquelle l'homme peut participer.
Quant à l'humble, il sait bien que les vertus lui appartiennent par
emprunt, comme la lumière appartient d'une certaine façon à l'eau qui la
reflète, mais il ne perd jamais de vue qu'il n'est pas l'auteur de ses
vertus – pas plus que l'eau n'est la source de la lumière- et que les
plus belles vertus ne sont rien en dehors de DIEU.
En islam, l'exemple à suivre est le
Prophète qui est le réceptacle de toutes les vertus, l'homme parfait (
'al-insan al-kamil), telle est la signification profonde de la sunna.
D'après Ibn 'Ata' Allah : L'origine de toute désobéissance, toute
négligence et toute passion réside dans notre approbation (al-ridâ) des
penchants de l'âme ; et l'origine de toute obéissance, toute vigilance
et toute vertu réside dans notre désapprobation des penchants de l'âme.
Pourquoi l'homme donne-t-il de l'importance à son âme au point de
l'approuver ? Parce qu'au fond de l'âme se trouvent la passion et
l'orgueil.
La passion se manifeste par
l'attachement et l'insatiabilité et pousse l'homme à préférer le monde à
DIEU. Le Prophète a bien souligné cet écueil en disant : L'amour de ce
monde est à l'origine de toute faute et de même N'est ce pas que ce bas
monde est maudit, et tout ce qui s'y trouve est maudit à l'exception de
l'invocation de DIEU (Dhikr' Allah), de tout ce qui rapproche de lui, du
maître et de celui qui cherche la science divine. DIEU dit aussi certes
la vie de ce bas monde est un jeu, un divertissement, une parure, un
sujet de vanité entre vous, un lieu de multiplication de biens et
d'enfants (Sourate Al-Hadid, 19). Quant à l'orgueil, il s'exprime dans
l'ambition et l'obstination et pousse l'homme à se préférer à DIEU.
L'estime de soi-même implique souvent la sous-estimation et le mépris
d'autrui. La passion et l'orgueil s'interpénètrent et constituent la
racine des autres maladies de l'âme. Les arguments avancés par al-Sulamî
pour guérir les maladies de l'âme sont souvent appuyés par des versets
coraniques, des 'hadith, les qualités du Prophète, DIEU lui prodigue
Bénédictions et Salut, ou des paroles de ses prédécesseurs.
3.3- QUICONQUE CONNAÎT SON ÂME CONNAÎT SON SEIGNEUR
La première chose que DIEU a voulu de
ses serviteurs, c'est qu'ils le connaissent par les différents aspects à
travers lesquels il s'est fait connaître à eux; en effet, il s'est fait
connaître à eux par le fait qu'il crée le monde pour les créatures
(al-khalq), qu'il le régit, qu'il est Tout puissant, qu'il s'est porté
garant de la subsistance, qu'il donne la mort et qu'il ressuscite.
La connaissance précède toute chose et
est la racine de toute chose puis vient la volonté qui découle de la
connaissance. Après la connaissance de DIEU, rien d'autre ne prime pour
le serviteur que la connaissance de ce que Dieu déteste, c'est-à-dire ce
que Dieu a défendu…. La connaissance des vices de l'action vient avant
l'action comme la connaissance de la route (tarîqa vient avant son
cheminement ... il n'est pas exigé du serviteur d'entreprendre toutes
les bonnes mais, par contre, il doit abandonner tout le mal. Celui qui
abandonne le mal tombe dans le bien mais, par contre, tous ceux qui
entreprennent une bonne action n'appartiennent pas forcément aux gens de
bien. Lorsque le serviteur connaît le bien ainsi que le mal, mais en
revanche, il n'y a pas dans la connaissance du bien les deux
connaissances ensemble ; car celui qui discerne entre le bien et le mal,
met le mal de côté et s'en éloigne et tout ce qui reste après cela
c'est le bien tout entier. Il se peut que quelqu'un connaisse le bien
mais ne discerne pas le mal qui s'y trouve et qui corrompt le bien et
l'annihile, car le bien est altéré et mêlé de mal, alors que le mal est
tout entier mal. Le premier pas vers la guérison est donc la
connaissance ; d'une part la connaissance des décrets divins afin de
pouvoir discerner entre le bien et le mal, le licite et l'illicite ;
d'autre part la connaissance de l'âme et de ses différentes facettes.
Premièrement, il faut obéir aux
commandements du Prophète quand il dit : La recherche de la science
(al-Ilm) est obligatoire pour tout musulman. Et aussi : Recherchez la
science (al-îlm) même en Chine. Et deuxièmement : Celui qui connaît son
âme connaît son Seigneur (Hadith qudsi). Pour connaître DIEU, pour
s'approcher de DIEU, le musulman doit connaître son âme, savoir qu'elle
est instigatrice du mal (ammâra bi a-ssu') et qu'elle blâme (lawwâma) ;
il doit ensuite adopter l'attitude légitime qu'exige une telle situation
: il faut se méfier de l'âme, ne pas entrer dans son jeu, la haïr et la
prendre comme ennemie. Autrement dit celui qui connaît réellement les
maladies de son âme aspirera sincèrement à la réalisation de leurs
contraintes, les vertus. Et par les vertus, qui sont les reflets des
qualités divines dans l'homme, il est alors possible de connaître DIEU.
Le Sheikh al-Alawi disait : Les
connaissants sont classés par étapes : Celui qui connaît son Seigneur et
celui qui connaît son âme est plus élevé que celui qui connaît son
seigneur. Vraisemblablement le Sheikh al-Alawi entendait par celui qui
connaît son Seigneur celui qui ne le connaît qu'extérieurement et
indirectement, non pas celui qui a réalisé DIEU dans le sens d'union qui
est le but de tout mystique. Selon al-Muhâsibi : Le signe de la
connaissance de l'âme c'est d'avoir mauvaise opinion d'elle…, le signe
de la connaissance de ce bas monde c'est de l'abandonner, d'y renoncer,
de le fuir et de fuir ceux qui s'y enracinent, l'aiment et le préfèrent
de manière démesurée. Et aussi : Le signe de la connaissance de
l'au-delà c'est d'éveiller le désir pour l'au-delà, d'avoir un désir
ardent pour l'au-delà, d'agir en sorte que la remémoration de l'au-delà
devienne familière, de fréquenter celui qui œuvre sincèrement pour
l'au-delà.
Les maladies de l´âme et leurs remèdes proposés par les soufis
Le Cheikh 'Abû 'Abd al-Rahmân Muhammad
Ben al-Husayn al-Sulami al-Nisâburi que DIEU lui fasse miséricorde, a
dit : Louange à DIEU qui a fait connaître à Ses purs les maladies
('uyûb) de leur âme. Dans sa générosité, il leur en a fait découvrir les
perfidies, et les a éveillés et rendus attentifs aux états (al-'ahwal)
qu'ils traversent. Louange à DIEU qui leur a permis de se guérir et de
se prémunir par des remèdes inaccessibles aux distraits. Il les a aidés
parce qu'ils savent que leur âme est malade et parce qu'ils recherchent
activement sa guérison. C'est par sa bonté et sa bienveillante Grâce,
qu'il leur a rendu facile cette tâche ardue. Le prophète que DIEU lui
prodigue Bénédictions et paix a dit : L'épreuve (al-balâ), la passion
(al-hawâ) et le désir (a-shahwa) sont pétris dans l'argile d'Adam.
Une des maladies de l’âme est de se
croire (tatawahham) déjà parvenue à la porte de salut, elle croit y
frapper par l’artifice de ses prières et s’imagine que la porte
s’ouvrira. Mais en réalité le murîd s'est fermé la porte de la félicité
en raison du grand nombre de ses transgressions (al-mkhalafat).
Al-Husayn Ben Yahyâ m'a raconté, d'après Ja'far Ben Muhammad, d'après
Ibn masruq, que Râbi'a al-Adawiyya passait un jour devant l'assemblée
(majlis) de sâlih murrî. Celui-ci dit alors : La porte s'ouvrira pour
celui qui frappe assidûment. Et Râbi'a a répliqué : La porte est ouverte
mais tu la fuis. Comment peux-tu arriver au but alors que tu t'es
trompé de chemin au premier pas ? Ou comment le serviteur peut il éviter
échapper aux maladies de l'âme alors qu'il la laisse obéir à ses désirs
? Ou comment peut-il éviter de suivre ses passions alors qu'il ne se
préserve pas des transgressions ?
Les remèdes dans cette situation, d'après Sarî al-Saqarî, sont :
- - Le cheminement de la voie droite ;
- - La nourriture pure ;
- - Et la piété parfaite ;
Parmi les maladies de l'âme : Rechercher
le secours des créatures alors qu'elles sont incapables de la délivrer
de ses malheurs (durr), espérer (rajà’uhu) un profit de quelqu’un qui
est incapable de l'accorder, s’inquiéter de sa subsistance (rizq) alors
que DIEU la garantit. Le remède correspondant, c'est de retourner à une
foi saine comme l'a énoncé DIEU Très-Haut dans Son Livre lorsqu'il dit :
" Si DIEU te frappe d’un malheur (dhorr), il n’y a nul autre que lui
pour l’écarter ; s’il veut pour toi un bien, nul ne pourra détourner sa
faveur " (Sourate Younes, 107). وان يمسسك الله بضر فلا كاشف له إلا هو
وان يردك بخير فلا راد لفضله(سورة يونس الآية 107). Et de même : il n'y a
pas de bête dont la subsistance n'incombe à DIEU (Sourate Houd, 6). Cet
état du murîd se corrige lorsqu'il considère la faiblesse des créatures
et leur impuissance à l'aider : il apprend ainsi que celui qui est dans
le besoin ne peut pas satisfaire les besoins d'autrui et, à son tour,
celui qui est impuissant à aider ne pourra être raffermi par les
ressources d'autrui. Il échappe ainsi à ce mal, et l'âme retourne
entièrement vers son Seigneur.
Une des maladies de l'âme est sa
nonchalance (fatra) dans les devoirs religieux que le murîd
accomplissait auparavant. Une maladie plus grande est l'absence de
préoccupation pour ses carences et sa nonchalance. Plus grande encore la
maladie qui consiste à les nier. Cela est dû au manque de gratitude
envers DIEU qui lui a permis d'accomplir ses devoirs ; en manquant de
gratitude le murîd se prive de l'assistance divine (maqâm a-tawfiq) pour
tomber dans la station des carences (maqâm a-taqsir) ; il se cache à
lui même ses imperfections et considère ses laideurs comme belles. DIEU,
à lui toute Gloire et Majesté, a dit : Celui dont la mauvaise action a
été embellie au point qu'il la considère comme bonne (Sourate Fater, 8)
افمن زين له سوء عمله فراه حسنا ( سورة فاطر الآية 8).
Il faut chercher refuge auprès de DIEU
Très-Haut, pour s'en délivrer ; le murîd doit pratiquer assidûment
l’invocation (dhikr) de DIEU ; dans les titres de la gloire…,La couronne
de l'Islam Abû 'Abd Allâh al-Husayn ibn Nasr ibn Muhammad ibn Khamîs a
mentionné qu'on avait interrogé Dhû-l-nûn7 sur l'invocation et qu'il
avait répondu : C'est l'absence (ou l'inconscience : ghayaba) de
l'invoquant (dhâkhir) à l'égard de l'invocation. Et il avait déclamé ce
vers :
Si je T'invoque fréquemment, ce
n'est point parce que je T'aurais oublié, c'est parce que ces
invocations s'écoulent de ma langue.
Selon la même source, Dû-l-Nûn a dit :
Quand un homme invoque DIEU, DIEU invoque pour lui. Sa'ïd ibn 'Uthmân a
rapporté ceci : J'ai entendu Dû-l-Nûn dire : la vie d'ici-bas n'est
bonne que par l'invocation de DIEU, la vie dernière n'est bonne que par
Son pardon, et le paradis n'est bon que par la vision que l'on a de Lui.
Le murîd doit aussi lire Le Saint Coran et demander aux Saints les
adorateurs de DIEU de prier pour lui.
Une des maladies de l'âme est de ne
jamais accepter la vérité et la soumission contraire à la nature de son
caractère, cela résulte principalement de sa faiblesse à résister aux
passions et aux désirs. Le remède correspondant consiste à s’affranchir
de la passion et du désir pour aller vers son seigneur. Alors qu'un
homme lui demandait avec quelle intention le serviteur ('Abd) devait
s'élancer vers Dieu- à Lui toute Gloire et Majesté- Ibn Zâdân rétorqua :
Avec l'intention de ne plus retourner vers ce qu'il a quitté et de ne
pas prêter attention à ce dont il s'est affranchi pour aller vers Dieu
On lui dit alors : Ceci concerne le pêcheur repenti, qu'en est-il de
celui dont la foi est tiède ? Il répondit : C'est de sentir la douceur
de l'état à venir plutôt que de sentir l'amertume liée à son passé. De
la soumission confiante (taslîm) Dû-Nûn a dit : Il y a trois signes de
la soumission confiante: l'accueil consentant du destin décrété par Dieu
(qadâ), la patience dans l'épreuve, et la gratitude dans l'abondance.
Une des maladies de l'âme est de
s’habituer aux mauvaises pensées et en conséquence, de se laisser
obnubiler par les transgressions. Le remède est de repousser ces pensées
en début afin qu'elles ne prennent par dessus, et celui grâce à
l'invocation continuelle (al-dhikr al-dai’m) et la crainte de Dieu(
al-khawf) nourrie par la certitude que Dieu sait ce qu'il y a dans ton
intériorité secrète (sirr)10 comme les hommes savent ce qu'il y a dans
ta vie publique ('alâniyya).Tu devrais avoir honte de rectifier pour les
hommes l'objet de leur regard alors que tu ne rectifie pas l'objet du
Regard de Dieu. L'Envoyé de Dieu- que Dieu lui prodigue bénédictions et
paix- a dit: Certes Dieu ne regarde pas vos apparences (suwar), ni vos
actions ('a'amâl), mais il regarde vos cœurs (qulûb) ; j'ai entendu 'Abû
Bakr al-Razi dire d'après Ibrahim al-Khawwâs:au début le péché est en
germe dans la pensée (al-khatra) et l'homme doit s'efforcer de le
combattre par le rejet, sinon il devient un obstacle (mu'ârada) que
l'homme doit encore combattre par le rejet. Au stade suivant il devient
une tentation (waswasa) que l'homme doit vaincre par le combat
[spirituel] (al-mujâhada), sinon il en jaillit le désir qui devient
passion.
Dû-l-Nûn l'Egyptien a dit :
DIEU n'honore pas un serviteur par une
plus grande gloire que de lui montrer la bassesse de son âme, et DIEU
n'humilie pas un serviteur par un plus grand abaissement que de lui
cacher celle-ci.
Le péché recouvre l'intelligence
(al-'aql), la science (al-'ilm) et le discernement (al-bayân). C'est
ainsi que l'on rapporte selon une tradition prophétique que : La passion
et le désir vainquent l'intelligence, la science et discernement.
Une des maladies de l'âme consiste à s’occuper des vices des autres et à fermer les yeux sur les siens.
Le remède correspondant, c'est de constater la maladie de l'âme, de connaître ses ruses, (makrîha); c'est aussi l'alternance continuelle des voyages (asfar) et les retraites (al-inqitâ’).
Le remède correspondant, c'est de constater la maladie de l'âme, de connaître ses ruses, (makrîha); c'est aussi l'alternance continuelle des voyages (asfar) et les retraites (al-inqitâ’).
Isrâfil a rapporté ceci : J'ai entendu
quelqu'un poser à Dû-l-Nûn la question : Quand est-il correct de
s'isoler des créatures ? Et sa réponse a été : Quand on la force de
s'isoler de son âme.
Sa'ïd ibn 'Uthman a rapporté ceci : J'ai
entendu Dû-l-Nûn dire : Il y a trois raisons de la consécration
exclusive à DIEU (en se coupant de tout, 'inqita') : la consolidation
(variante : La priorité donnée, Selon Abû Nu'aym) de la science (de la
religion), l'apprentissage de la maîtrise de soi (variante : de la loi),
et l'aiguisement de la compréhension.
C'est aussi de se tenir en compagnie des
gens pieux et d'appliquer leurs préceptes. Mais, si le murîd n'agit pas
pour guérir les vices de son âme, qu'au moins il se taise au sujet des
vices d'autrui, qu'il les excuse et qu'il couvre leurs vices en espérant
qu'ainsi Dieu guérisse les siens. En effet, le Prophète- que Dieu lui
prodigue Bénédictions et paix- a dit " Celui qui couvre les défauts
(âwrata) de son frère musulman, DIEU couvrira les siens ".
D'autres maladies de l'âme sont la
négligence, la lassitude, l’obstination, l’ajournement des bonnes
actions, la quasi certitude d’être sauvé dans l’au-delà (taqrib al-âmal)
et la pensée que le moment de la mort est encore lointain (tab’îd
al-ajal). Le remède peut se déduire d'après Ja'far al-Khuldi quand on
demanda à Junayd : Quel-est le chemin pour se consacrer Très- Haut ?
Junayd répondit : " c’est une repentance (Tawbah) qui rompt
l’obstination, une crainte qui fait disparaître l’ajournement, un espoir
qui incite à l’accomplissement des devoirs religieux ; c’est invoquer
DIEU à tout instant et mépriser l’âme à cause de sa fin proche et de son
espoir de salut lointain ". On demanda à Junayd : Comment le serviteur
arrive t-il à cela, Il répondit : Avec un cœur unifié qui a réalisé la
pure Unité ." la pure Unité.
Une des maladies de l'âme est de
s’employer à embellir les apparences, de simuler l’humilité sans la
pratiquer véritablement, de feindre d’adorer sans être présent dans
l’adoration. Le remède correspondant, c'est que le murîd s’occupe de
préserver ses secrets intimes pour les lumières de son fort intérieur
embellissent ses actions extérieures. Il sera alors embelli sans parure,
respectable sans admirateur, fort sans clan. C'est pour cela que
l’envoyé de DIEU, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix, a dit : "
Celui qui corrige sa vie intérieure (Sarira), DIEU corrigera sa vie
extérieure (âlaniyatah) "
Une des maladies de l'âme est de
rechercher la suprématie (al-riyâsa) du savoir, de s’en enorgueillir et
de s’en vanter auprès des autres. Le remède est de voir la grâce du DIEU
Très-Haut à l'égard du murîd parce qu'il a fait de lui un réceptacle
pour Ses dispositions ; c'est aussi de pratiquer l’humilité (a-twadu’),
la contrition (al-inkissar), la compassion (ashafaqa) pour les créatures
et de leur prodiguer des bons conseils. DIEU dit : Certes parmi les
serviteurs de DIEU les savants Le craignent (Sourate Fater, Verset 28)
إنما يخشى الله من عباده العلماء سورة فاطر. 28
C'est ainsi qu'un homme a demandé à
Sha'bî : Qui est le savant ? Il répondit : " le savant est celui qui
craint DIEU Très-haut ".
Une des maladies de l'âme est de
demander à DIEU de la guider dans ses actions et s’indigner ensuite de
ce qu’Il a choisi pour elle. Le remède c'est qu'il faut que l'âme sache
que l'excellent choix de DIEU pour elle est meilleur que le choix
qu'elle fait pour elle même. Le Prophète, que DIEU lui prodigue
bénédictions et paix, a dit : " Protège Dieu, Il te protègera ; protège
DIEU, tu Le trouveras avec toi. Si tu as une demande, adresse-la Lui, si
tu as besoin d’aide, cherches le auprès de Lui, Sache aussi que si
toute la nation s’est réunie pour te faire bénéficier de quelque chose,
ils ne te feront bénéficier que de ce que Dieu t’a fixé ; et s’ils se
réunissent pour te nuire, ils ne te nuisent qu’en ce que Dieu t’a
destiné ".
Une des maladies de l'âme est son goût
pour les affaires de ce monde et le bavardage. Le remède correspondant,
c'est que le murîd s'emploie à invoquer (dhikr) DIEU constamment pour
que cela le détourne du souvenir du monde et des mondains et l'empêche
de s'enfoncer dans les mêmes gouffres qu'eux. Qu'il sache que les
affaires mondaines ne le concerne pas et qu'il les laisse de côté ; car
la Prophète, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix, a dit : "
L’homme pratique un bal-islam lorsqu’il délaisse ce qui ne le concerne
pas "
Une des maladies de l'âme est de faire
montrer son obéissance afin que les gens s’en parlent ; c'est aussi le
fait qu'il s'en pare auprès d'eux. Le remède correspondant, c'est que le
murîd sache que les hommes ne lui sont d'aucun mal ni d'aucun bien et
qu'il s'efforce d'exiger de son âme la sincérité dans les actes pour que
cette maladie disparaisse ; En effet, Dieu Très-Haut dit : Il ne leur a
été ordonné que d'adorer Dieu d'un culte sincère, en vrais croyants
(Sourate Al-bayina, verset 5) وما أمروا إلا ليعبدوا الله مخلصين له الدين
حنفاء (سورة البينة الآية 5). Le Prophète, que DIEU lui prodigue
bénédictions et paix, rapporte que son Seigneur a dit : "Celui qui fait
une action dans laquelle il associe quelqu’un d’autre que Moi, J’en suis
affranchi et l’action appartient à celui qu’il a associé ". Al-Muhâsibi
illustre cela par la parabole suivante : Si les racines de l'arbre
apparaissent hors de la terre, l'arbre est alors coupé de l'eau qu'il
boit, ses branches ne sont pas belles, ses feuilles sont sèches, l'arbre
ne donne pas de fruit, on n'en tire pas profit et sa valeur se perd.
Mais si les racines plongent dans la terre et disparaissent de la vue de
tous, alors l'arbre boit beaucoup, l'eau le nourrit, ses racines
augmentent, ses feuilles verdissent, ses fruits sont savoureux. Le
propriétaire de l'arbre récolte les fruits et la valeur de l'arbre
augmente. (al-Muhasibi, Al-wasâya,). Ce n'est pas seulement les idoles
que l'on associe à Dieu mais aussi le monde, l'ego, un état ou une
sensation : As-tu vu celui qui prend ses passions pour son dieu (sourate
Al-jatiya 22) أفرأيت من اتخذ إلهه هواه ( سورة الجاثية الآية 22)
La convoitise (al-tama'). Le remède
correspondant, c'est que le murîd sache que la convoitise l'entraîne
vers l'ostentation, lui fait oublier la douceur de l'adoration et le
rend esclave des esclaves bien que Dieu Très haut l'ait créé libre de
leur servitude. Le Prophète, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix,
a cherché refuge contre la convoitise en disant: Je cherche refuge
auprès de Toi contre une convoitise qui scelle (le cœur) et qui est sans
objet; car cette convoitise voile le cœur (al-qalb), fait désirer le
monde et détourner de l'Au-delà. On raconte que l'un des anciens a dit "
la convoitise est la pauvreté effective ; le riche qui convoite est
pauvre et le pauvre qui s’abstient de convoiter est riche ".
Une des maladies de l'âme est son
penchant à la vengeance, à l’hostilité et à la colère.Le remède
correspondant c'est d'aimer la religion, de prendre pour ennemie notre
âme pécheresse, la haïr et reporter contre elle notre colère. Dans ce
sens, on raconte que le Prophète -que Dieu lui prodigue bénédictions et
paix- ne s'est jamais vengé pour lui-même ; il ne se vengeait que pour
DIEU, lorsque les interdits fixés par la religion étaient transgressés
'[25].
Une des maladies de l’âme, c’est que la
personne ferme les yeux sur ses faux pas et ses erreurs. Le remède
correspondant consiste à réagir rapidement contre ce faux pas par
l’abdication et se repentir pour que l’âme ne revienne ( التعود ) pas à
cette erreur ou à quelque chose similaire.
La personne se trouve traînée vers ce
qui procure la joie mondaine. Le remède correspondant, c’est que la
personne sache que DIEU Très Haut n’aime pas ceux qui se réjouissent de
façon mondaine car DIEU dit "certes DIEU n’aime pas ceux qui se
réjouissent" (sourate al Qassas, versé 75), et une des caractéristiques
du Prophète, que DIEU lui prodigue bénédiction et paix, a dit : "certes
DIEU aime tout cœur triste"
Se croire supérieur à ses semblables. Le
remède correspondant, c’est que la personne apprenne à connaître son
âme. Car aucune autre personne ne peut la connaître mieux que lui-même,
c’est aussi que cette personne ait une bonne opinion de ses
coreligionnaires pour qu’elle soit portée à mépriser son âme et à
considérer la vertu de ses frères. Il ne peut réaliser cela qu’après
avoir exagéré les qualités des autres, simultanément elle doit aussi
sous estimer ses propres qualités.
Renoncer à l’acquisition de sa
subsistance ( الكسب ) pour montrer aux autres sa confiance en DIEU ;
puis attendre avec impatience la bienveillance de DIEU et s’indigne
quand la subsistance ne lui vient pas. Le remède correspondant c’est de
se subvenir à son besoin comme le Prophète, que DIEU lui prodigue
bénédiction et paix, "la meilleure chose est qu’un homme mange ce qu’il a
acquis". Extérieurement la personne doit travailler en vue de sa
subsistance et intérieurement elle doit avoir confiance en DIEU.
Une des maladies de l’âme est qu’elle
aime la compagnie de ceux qui s’opposent à DIEU ou qui s’en détournent.
Le remède correspondant est le retour à la compagnie de ceux qui sont en
accord [avec DIEU], et qui sont tournés vers DIEU, à lui toute Gloire
et Majesté. En effet, le Prophète que DIEU lui prodigue bénédictions et
paix a dit: "celui qui cherche à ressembler à un peuple en fait partie".
Il a dit aussi : "celui qui augmente les rangs d’un peuple en fait
partie". Un ancien a dit : "la compagnie des gens mauvais engendre une
mauvaise opinion à l’égard des gens bien". L’un d’entre eux a dit :
"quand les cœurs s’éloignent de DIEU à lui toute Gloire et Majesté, ils
se mettent à détester ceux qui appliquent ses décrets."
Une des maladies de l’âme, est son désir
violent d’accumuler [des biens] ( الجمع ) et de s’interdire [de les
distribuer] ( المن ). Le remède correspondant, c’est que le murîd ait
conscience de la fin imminente de sa vie. Qu’il n’amasse donc que le
strict nécessaire et qu’il ne refuse pas de le distribuer sachant que sa
mort est proche. Accumuler des biens est de l’illusion pour celui qui
ne peut être garant d’un de ses souffles et refuser de donner à autrui,
bien qu’on soit obligé d’en rendre compte, est de l’ignorance.
Une des maladies de l’âme est
l’obstination à rester dans le péché en souhaitant le pardon divin et en
espérant la miséricorde de DIEU. Le remède correspondant, c’est que le
murîd sache que DIEU a accordé son pardon à celui qui ne s’obstine pas
dans son péché et cela est manifeste quand il dit: ["un paradis large
comme les cieux et la terre a été préparé pour ceux qui, après avoir
accompli une mauvaise action ou s’être fait du tort, invoquent DIEU et
lui demandent pardon pour leurs péchés (…) et pour ceux qui ne
s’obstinent pas dans leurs agissements alors qu’ils savent" (Coran
3,135).
Une des maladies de l’âme est son
violent désir [de richesses]. Le remède correspondant, c’est que le
murîd sache que sa convoitise ne lui amènera pas plus de subsistance que
DIEU ne lui en a destiné. Ibn Mas'ûd rapporte d’après le Prophète que
DIEU lui prodigue bénédictions et paix la parole suivante : "DIEU dit à
l’ange : écris le jour de sa mort, sa subsistance, ses actes et s’il
sera damné ou sauvé." et DIEU dit aussi: "la parole auprès de Moi ne
change pas" (Coran 50,29).
La jalousie. Le remède correspondant,
c’est que le murîd sache que le jaloux est ennemi de la grâce de DIEU.
Le Prophète que DIEU lui prodigue bénédictions et paix a dit : "ne vous
jalousez pas et ne vous haïssez pas." la jalousie découle du manque de
compassion des musulmans entre eux.
Se laisser abuser par des flatteries. Le
remède correspondant, c’est que la personne garde à l’esprit l’état
réal-de son âme qu’il connaît mieux que qui conque. Les louanges à son
égard contredisent ce que DIEU connaît de lui et ce que la personne sait
de lui-même, et ces éloges ne le délivreront pas de la honte de la
punition.
Le mensonge. Le remède correspondant est
de rester indifférent à la satisfaction ou au mécontentement des gens
car c’est l’espoir de les satisfaire ou de leur plaire ou le goût du
prestige qui pousse à mentir. On rapporte dans ce sens la parole
suivante du Prophète que DIEU lui prodigue bénédictions et paix : "la
véracité mène à la piété, et la piété au paradis ; le mensonge, par
contre, conduit à la débauche, et la débauche en enfer."
La révolte. Le remède correspondant,
c’est de faire accepter à l’âme son destin, car la rébellion est une
braise du diable. En effet, un homme est venu vers le Prophète que DIEU
lui prodigue bénédictions et paix et lui a dit :"donne-moi un conseil",
le Prophète lui répondit : "ne te mets pas en colère, car cela entraîne
le serviteur au seuil de la perdition sauf si l’obéissance aux préceptes
de DIEU l’en préserve."
Perdre son temps à des futilités en
compagnie des mondains. Le remède correspondant, c’est que le murîd
sache que son temps est de plus précieux et doit être investi dans ce
qu’il y a de plus utile, à savoir l’invocation de DIEU ; il doit aussi
obéir continuellement à DIEU et exiger la sincérité de son âme. On
rapporte que le Prophète que DIEU lui prodigue bénédictions et paix a
dit :"l’homme pratique un bal-islam quand il délaisse ce qui ne le
concerne pas." Al-Hassan Ibn Mansûr a dit : "prends soin de ton âme, si
tu ne l’occupes pas, c’est elle qui t’occupera."
Une des maladies de l’âme, c’est que le
murîd revêt le costume des pieux alors qu’il accomplit des actions
perverses. Le remède correspondant, c’est que le murîd délaisse les
parures extérieures tant qu’il n’a pas rectifié l’intérieur. Selon une
tradition prophétique :"l’homme est des plus mauvais quant il montre au
gens qu’il craint DIEU alors que son cœur est immoral". Abû Uthman a dit
: "une humilité extérieure avec un cœur immoral engendre
l’obstination".
Une des maladies de l’âme est que le
murîd n’exige pas assez d’elle dans ses actions et ses paroles, et qu’il
est satisfait d’elle dans l’état où elle se trouve. Le remède
correspondant, c’est que le murîd ait un vif désir d’exiger toujours
plus de l’âme dans ses actions et ses paroles et cela en s’efforçant de
suivre au mieux l’exemple des anciens. En effet, Ali Ibn Abi Tâlib a dit
: "celui qui n’est pas dans le surplus est dans le manque".
Une des maladies de l’âme est qu’elle
aime divulguer les vices de ses frères et de ses amis. Le remède
correspondant, c’est que le murîd se mette à la place d’autrui avant
d’en divulguer les vices et qu’il aime pour les autres ce qu’il aime
pour lui-même. On rapporte dans ce sens la parole suivante du Prophète
que DIEU lui prodigue bénédictions et paix :" celui qui couvre les
défauts de son frère musulman, DIEU couvrira les siens".
Une des maladies de l’âme est le dédain
du murîd pour le sursis dont il bénéficie lorsqu’il pêche et dont il est
conscient. Le remède correspondant, c’est une crainte continuelle,
c’est aussi de savoir que le délai de grâce [accordé par DIEU] n’est pas
une omission [de sa part] et que DIEU tout béni et Très Haut interrogea
le murîd sur ses péchés et le rétribuera en conséquence, à moins qu’il
ne lui fasse miséricorde. Certes, ceux qui craignent DIEU perçoivent la
conséquence de leurs actes, car DIEU dit : "il y a là un enseignement
pour celui qui craint DIEU" (coran 79,26). Le poète a dit :"l’âme a été
abusée par le délai que son créateur lui a accordé ; ne crois pas que
cela soit un oubli à l’égard de l’âme".
Une des maladies de l’âme est son
penchant à la fréquentation des amis et à la compagne des frères. Le
remède correspondant, c’est que le murîd sache que le compagnon sera
séparé de lui et que les liens de camaraderies se rompent. On rapporte
d’après le Prophète, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix, que
Gabriel, sur la paix, a dit : "Vis tant que tu voudras, en réalité tu es
[déjà] mort, aime qui tu veux, tu seras séparé et fais ce que tu veux,
tu seras rétribué en conséquence". Abû al-Qasim Al-Hakim a dit :
"l’amitié est une inimitié sauf celle que tu as rendue pure,
l’accumulation de biens est un malheur sauf ce que tu as donné et la
fréquentation des gens disperse sauf si tu as agi avec prudence".
Une des maladies de l’âme est d’obéir à
ses passions et d’être en accord avec son bon plaisir. Le remède
correspondant se trouve dans les commandements de DIEU Très-Haut quand
il dit : "Celui qui empêche l’âme de céder à ses passions" (Coran
79,40). Et aussi dans le verset suivant "Certes l’âme est instigatrice
du mal (Coran 12,53). De même on raconte que Masr al-Ghazi a dit :
"Certes, il est plus facile de sculpter les montagnes avec les ongles
que de contrecarrer la passion lorsque celle-ci s’est fermement
installée dans l’âme.
D’autres maladies de l’âme sont la
gaieté mondaine et le repos recherché par la paresse. Tout cela résulte
de la négligence. Le remède correspondant, c’est que l’âme soit
attentive à ce qu’il à ce qui l’attend. C’est aussi le murîd voit ses
carences lorsqu’il accomplit ses devoirs religieux et qu’il ait
conscience de sa tendance à commettre ce qui lui a été défendu. Qu’il
sache aussi que cette demeure est pour lui une prison et qu’il n’y a ni
joie ni repos dans une prison. En effet, le Prophète, que DIEU lui
prodigue bénédictions et paix, a dit : "Le monde est la prison du
croyant et le paradis de l’incroyant. Il faut donc que la vie du croyant
soit semblable à celle des prisonniers et non à celle des hommes
libres".
Une des maladies de l’âme est d’aimer
les commérages et d’approfondir les sciences dans le seul but de
capturer les cœurs des ignorants et d’attirer l’attention par de beaux
discours. Le remède correspondant, c’est que le murîd accomplisse ce
qu’il prêche et qu’il exhorte autrui par ses actions et non par ses
paroles. Dans ce même sens, on raconte que DIEU Très Haut a révélé à
Jésus, fils de Marie, sur lui la paix : "Si tu veux exhorter ton
prochain, encourage-toi d’abord au bien et quand tu en auras profité, tu
pourras alors exhorter ton prochain ; sinon aie honte devant Moi." Le
Prophète, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix, a dit : "Lors de
mon voyage nocturne, je suis passé parmi des gens dont on cisaillait les
lèvres avec des ciseaux de feu. J’ai demandé : Qui sont-ils. O Gabriel-
? Il répondit : ce sont des prédicateurs de la communauté, ils
ordonnent aux autres la piété et oublient eux-mêmes"
Une des maladies de l’âme c’est de
commettre tant de péchés et de fautes que le cœur se durcit. Le remède
correspondant, c’est de demander beaucoup pardon à DIEU et de se
repentir à chaque souffle, c’est aussi continuellement jeûner, passer la
nuit en prière, servir les gens de biens, s’asseoir avec les gens
vertueux et assister aux séances d’invocations. En effet, un homme s’est
plaint auprès du Prophète, que DIEU lui prodigue bénédictions et paix,
de la dureté de son cœur: le Prophète dit alors:"Rapproche-le de
l’invocation " Le Prophète dit aussi: "Certes, je demande pardon à DIEU
soixante dix fois par jour. Et de même : "Si le serviteur commet un
péché, un point noir apparaît dans son cœur, s’il se repend et s’il
demande pardon, ce point noir s’en va. Mais s’il commet de nouveau un
péché, un nouveau point noir apparaît dans son cœur : il en est ainsi
jusqu’à ce que le cœur ne reconnaisse plus le bien ni ne dénie le mal.
CONCLUSION
Somme toute, il faut reconnaître que
l’âme n’est pas invulnérable. Elle peut bien être l’objet de pathologies
de diverses intensités. Ces pathologies sont cumulables, et plus une
âme en a, plus l’individu ne sombre dans l’immoralité et la perversité.
Ce sont donc des maladies qui rongent l’individu de l’intérieur. C’est
la raison pour laquelle il est primordial de trouver rapidement des
remèdes aux problèmes de l’âme. Mais, une question demeure : le fait de
disposer de ces remèdes qui ont été proposés, constitue-t-il une
assurance totale d’une guérison ? La réponse est NON. Pour parvenir à la
guérison, il faut également une prise de conscience de l’individu par
rapport à sa situation. Ceci lui permettra aussi d’user du remède le
plus adéquat. A tout ceci, il faut ajouter la ferme volonté personnelle
de l’individu de revenir sur le droit chemin, et surtout l’aide et
l’éclairage indispensable du Seigneur, le tout puissant, DIEU.
BIBLIOGRAPHIE
Albrecht, Pierre-Yves (1945-....), Au
cœur des zaouïas : rencontre avec des soufis guérisseurs ; préf. de
cheikh Khaled Bentounès, Paris : Presses de la Renaissance, 2004. 392 p.
: couv. Ill. ; 23 cm.
Ali-Shah, Omar (1922-....), Soufisme d'aujourd'hui ; [texte établi par Augy Hayter à partir d'enregistrements], Traduction de Sufisme for today, Paris : G. Trédaniel, 1998. 252 p. ; 21 cm.
Arberry, Arthur John (1905-1969), Le Soufisme : la mystique de l'Islam ; trad. de l'anglais par Jean Gouillard, Traduction de Sufism : an account of the mystics of Islam, [Paris] : le Mail, 1988. 150 p. : couv. Ill. en coul. ; 22 cm.
Ben Abdelaziz, Abdullah, La Pensée islamique et le monde moderne, [Maroc] : [s.n.], [198-?] (Casablanca : Sonir). 168 p. ; 21 cm.
Bonaud, Christian, Le soufisme : al-Tassawwûf et la spiritualité islamique ; bibliogr. sélective établie par Sara Descamps-Wassif, Paris : Maisonneuve et Larose : Institut du monde arabe, Collection "Islam-Occident", 1991. 155 p. : ill. en coul, couv. Ill. ; 21 cm.
Chevalier, Jean (1906-1993), Le Soufisme, Paris : Presses universitaires de France, Collection "Que sais-je ?", 1984. 127 p. ; 18 cm.
Corbin, Henry, L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn Arabi, Paris : Flammarion, Collection "Homo-Sapiens", 1958. 284 p.-[4] p. de pl. : ill., couv. Ill. en coul. ; 22 cm.
Le Matin, Article intitulé : Les zaouïas de Fès dans la topographie du sacre, paru Lundi 25 Décembre 2000, N° 10.931 sur les zaouias.
Lings, Martin, Qu'est-ce que le soufisme ? ; traduit de l'anglais par Roger Du Pasquier, Traduction de What is sufism ?, Paris : Éditions du Seuil, Collection "Points. Sagesses", 1977. 182 p. : couv. Ill. en coul. ; 18 cm.
Massignon, Louis, La Passion d'al-Husayn-ibn-Mansûr. Al-Hallâj, martyr mystique de l'Islam, Paris : P. Geuthner, 1922. 2 vol. Gr. in-8 °, pl.
Muhyîuddîn, Abu Abdullah Ghulam, Le livre de la guérison soufie ; [trad. de l'anglais par Antonia Leibovici], Traduction de The book of Sufi healing, Paris : G. Trédaniel, 1996. 248 p. : ill, couv. ill. en coul. ; 24 cm.
Molé, Marijan, Les Mystiques musulmans, Paris : les Deux océans, 1982. 126 p. : couv. ill. en coul. ; 21 cm.
Sheikh Al-Sulamî, Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Traité de psychologie soufie, Archè Edit, 1990.
Skalli, Faouzi, docteur d'état en sciences des religions, Intervention dans l’émission Pour tout vous dire sur 2M de Samira Sitail dont le sujet est Le soufi est fils de son temps .
Michal- Albin, Les soufis de l'Andalousie, suivi de la vie merveilleuse de Dû-l-Nûn.
Ali-Shah, Omar (1922-....), Soufisme d'aujourd'hui ; [texte établi par Augy Hayter à partir d'enregistrements], Traduction de Sufisme for today, Paris : G. Trédaniel, 1998. 252 p. ; 21 cm.
Arberry, Arthur John (1905-1969), Le Soufisme : la mystique de l'Islam ; trad. de l'anglais par Jean Gouillard, Traduction de Sufism : an account of the mystics of Islam, [Paris] : le Mail, 1988. 150 p. : couv. Ill. en coul. ; 22 cm.
Ben Abdelaziz, Abdullah, La Pensée islamique et le monde moderne, [Maroc] : [s.n.], [198-?] (Casablanca : Sonir). 168 p. ; 21 cm.
Bonaud, Christian, Le soufisme : al-Tassawwûf et la spiritualité islamique ; bibliogr. sélective établie par Sara Descamps-Wassif, Paris : Maisonneuve et Larose : Institut du monde arabe, Collection "Islam-Occident", 1991. 155 p. : ill. en coul, couv. Ill. ; 21 cm.
Chevalier, Jean (1906-1993), Le Soufisme, Paris : Presses universitaires de France, Collection "Que sais-je ?", 1984. 127 p. ; 18 cm.
Corbin, Henry, L'imagination créatrice dans le soufisme d'Ibn Arabi, Paris : Flammarion, Collection "Homo-Sapiens", 1958. 284 p.-[4] p. de pl. : ill., couv. Ill. en coul. ; 22 cm.
Le Matin, Article intitulé : Les zaouïas de Fès dans la topographie du sacre, paru Lundi 25 Décembre 2000, N° 10.931 sur les zaouias.
Lings, Martin, Qu'est-ce que le soufisme ? ; traduit de l'anglais par Roger Du Pasquier, Traduction de What is sufism ?, Paris : Éditions du Seuil, Collection "Points. Sagesses", 1977. 182 p. : couv. Ill. en coul. ; 18 cm.
Massignon, Louis, La Passion d'al-Husayn-ibn-Mansûr. Al-Hallâj, martyr mystique de l'Islam, Paris : P. Geuthner, 1922. 2 vol. Gr. in-8 °, pl.
Muhyîuddîn, Abu Abdullah Ghulam, Le livre de la guérison soufie ; [trad. de l'anglais par Antonia Leibovici], Traduction de The book of Sufi healing, Paris : G. Trédaniel, 1996. 248 p. : ill, couv. ill. en coul. ; 24 cm.
Molé, Marijan, Les Mystiques musulmans, Paris : les Deux océans, 1982. 126 p. : couv. ill. en coul. ; 21 cm.
Sheikh Al-Sulamî, Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Traité de psychologie soufie, Archè Edit, 1990.
Skalli, Faouzi, docteur d'état en sciences des religions, Intervention dans l’émission Pour tout vous dire sur 2M de Samira Sitail dont le sujet est Le soufi est fils de son temps .
Michal- Albin, Les soufis de l'Andalousie, suivi de la vie merveilleuse de Dû-l-Nûn.
Plan de l’exposé
INTRODUCTION 1
1- PSYCHOLOGIE SOUFIE OU "SCIENCE DE L’ÂME" .....1
1.1- QU’EST CE QUE LA PERSONALITÉ ? .....1
1.2- DE LA CATÉGORIE SPIRITUELLE .....2
1.3- LES FACULTÉS DE L’ÂME .....3
1.4- LES FORMES ET LES DEGRÉS DE L’ÂME PARLANTE .....4
1.5- QUI INFLUENCE L’ÂME ? .....7
1.6- LES RÊVES, LES VISIONS, LES CONTEMPLATIONS ET LA VISION SPIRITUELLE .....8
2- LE SOUFISME .....9
2.1– ORIGINE ET DÉVELOPPEMENTS .....9
2.1.1- Le soufisme avant la lettre (Ie/VIIe s.-IIe/VIIIe s.) .....12
2.1.2- De l'apparition à l'intégration (IIIe/IXe s.-V/XIe s.) .....14
2.1.3- Théosophes, poètes et confréries (VIe/XIIe s. –VIIe/XIIIe s.) .....16
2.1.4- Continuités et assoupissements (VIII/XIV s.-XIIe/XVIIIe s.) .....17
2.1.5- Le réveil (XIIIe/XIXe s.) .....19
2.2- QUELQUES FIGURES DU SOUFISME – IBN ARABI – .....21
2.2.1- Présentation générale .....22
2.2.2- Apports .....23
3. LES MALADIES DE L’ÂME ET LES REMÈDES PROPOSES PAR LES SOUFIS .....27
3.1- EDUCATION DE L’ÂME .....27
3.2- PSYCHOLOGIE DE L’ÂME 27
3.3- QUICONQUE CONNAÎT SON AME CONNAÎT SON SEIGNEUR .....28
Les maladies de l´âme et leurs remèdes proposés par les soufis .....29
CONCLUSION .....40
BIBLIOGRAPHIE .....41
1- PSYCHOLOGIE SOUFIE OU "SCIENCE DE L’ÂME" .....1
1.1- QU’EST CE QUE LA PERSONALITÉ ? .....1
1.2- DE LA CATÉGORIE SPIRITUELLE .....2
1.3- LES FACULTÉS DE L’ÂME .....3
1.4- LES FORMES ET LES DEGRÉS DE L’ÂME PARLANTE .....4
1.5- QUI INFLUENCE L’ÂME ? .....7
1.6- LES RÊVES, LES VISIONS, LES CONTEMPLATIONS ET LA VISION SPIRITUELLE .....8
2- LE SOUFISME .....9
2.1– ORIGINE ET DÉVELOPPEMENTS .....9
2.1.1- Le soufisme avant la lettre (Ie/VIIe s.-IIe/VIIIe s.) .....12
2.1.2- De l'apparition à l'intégration (IIIe/IXe s.-V/XIe s.) .....14
2.1.3- Théosophes, poètes et confréries (VIe/XIIe s. –VIIe/XIIIe s.) .....16
2.1.4- Continuités et assoupissements (VIII/XIV s.-XIIe/XVIIIe s.) .....17
2.1.5- Le réveil (XIIIe/XIXe s.) .....19
2.2- QUELQUES FIGURES DU SOUFISME – IBN ARABI – .....21
2.2.1- Présentation générale .....22
2.2.2- Apports .....23
3. LES MALADIES DE L’ÂME ET LES REMÈDES PROPOSES PAR LES SOUFIS .....27
3.1- EDUCATION DE L’ÂME .....27
3.2- PSYCHOLOGIE DE L’ÂME 27
3.3- QUICONQUE CONNAÎT SON AME CONNAÎT SON SEIGNEUR .....28
Les maladies de l´âme et leurs remèdes proposés par les soufis .....29
CONCLUSION .....40
BIBLIOGRAPHIE .....41
LÉGENDES
[1] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[2] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985.
[3] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985.
[4] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[5] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[6] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[7] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[8] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[9] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[10] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[11] Faouzi SKALLI : La voie soufie. Edition 1985.
[12] Faouzi SKALLI : La voie soufie. Edition 1985.
[13] Autrement dit, l'exotérisme de l'ésotérisme. La difficulté lorsque l'on a affaire à un courant ésotérique, c'est d'abord le secret, bien sûr, mais aussi et surtout ce qui est secret par nature : la méditation des enseignements et l'expérience des états. On ne peut connaître la poire qu'en y goûtant, dit la sagesse.
[14] Cheikh Abū Sa'ïd, de Muhammad Ibn al-Munawwar, traduit par M. Achéna.
[15] Le disciple est souvent relié à une chaîne (silsila) de Maîtres spirituels remontant jusqu'au Prophète. Il fait partie d'une tarîqa, d'une confrérie initiatique dont le Cheikh lui communique le wird, la litanie spécifique qu'il devra dorénavant pratiquer régulièrement. Certaines silsila-s existent toutefois qui n'ont jamais donné naissance à une congrégation organisée : le disciple suivra alors son Maître sans que le lien qui les unit n'apparaisse extérieurement.
[16] Selon le petit Robert, "doctrine suivant laquelle des connaissances ne peuvent ou ne doivent pas être vulgarisées, mais communiquées seulement à un petit nombre de disciples, Ant. Exotérisme."
[17] On peut résumer le point de vue des spirituels désignés comme malāmātiyya en ces termes : si l'ésotérique devait être manifesté, le Prophète aurait été le premier à le faire ; or il ne l'a pas fait car l'ésotérique (bātin) est du domaine de ce qui est en soi intérieur et caché et doit donc le rester, tandis que l'apparence extérieure (zāhir) est le lieu de manifestation (mazhar) de la parure de la Sharī'a, de ce qui est en soi exotérique. Le terme de malāmātiyya est donc lié à l'origine à une volonté ou à un état de conformité à la norme spirituelle de l'Islam. Néanmoins, sa signification de gens du blâme a donné lieu, tout comme la notion de faqîr, à bien des glissements et des déviations – Le soufisme, al-tasawwuf et la spiritualité islamique, Christian Bnaud, page 47.
[18] Au nombre de ces exceptions remarquables on pourra citer l'œuvre du Palestinien 'Abd al-Ghan al-Nabulusi (m. 1143/1731).
[19] M. SIMIAN, Les confréries religieuses islamiques en Algérie p. 91.
[20] Ésotérisme : ensemble de doctrines secrètes.
[21] Ascète : qui tend à la perfection morale ou spirituelle.
[22] Théologie : science de la religion, doctrine religieuse.
[23] Expérience mystique : relatif au mysticisme (doctrine religieuse selon laquelle l’Homme peut communiquer directement avec DIEU).
[24] Esotérique : réservé aux initiés.
[25] Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Sheikh Al-Sulamî (Xe siècle), Arché Edit 1990, et Les soufis de l'Andalousie, suivi de la vie merveilleuse de Dû-l-Nûn, Michel Albin Sheikh Al-Sulamî (Xe siècle), Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Archè Edit 1990, traduit par Abdul Karim Zein.
[2] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985.
[3] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985.
[4] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[5] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[6] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[7] Faouzi SKALI : La voie soufie. Edition 1985
[8] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[9] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[10] Eric GEOFFROY : Initiation au soufisme. Edition 2003.
[11] Faouzi SKALLI : La voie soufie. Edition 1985.
[12] Faouzi SKALLI : La voie soufie. Edition 1985.
[13] Autrement dit, l'exotérisme de l'ésotérisme. La difficulté lorsque l'on a affaire à un courant ésotérique, c'est d'abord le secret, bien sûr, mais aussi et surtout ce qui est secret par nature : la méditation des enseignements et l'expérience des états. On ne peut connaître la poire qu'en y goûtant, dit la sagesse.
[14] Cheikh Abū Sa'ïd, de Muhammad Ibn al-Munawwar, traduit par M. Achéna.
[15] Le disciple est souvent relié à une chaîne (silsila) de Maîtres spirituels remontant jusqu'au Prophète. Il fait partie d'une tarîqa, d'une confrérie initiatique dont le Cheikh lui communique le wird, la litanie spécifique qu'il devra dorénavant pratiquer régulièrement. Certaines silsila-s existent toutefois qui n'ont jamais donné naissance à une congrégation organisée : le disciple suivra alors son Maître sans que le lien qui les unit n'apparaisse extérieurement.
[16] Selon le petit Robert, "doctrine suivant laquelle des connaissances ne peuvent ou ne doivent pas être vulgarisées, mais communiquées seulement à un petit nombre de disciples, Ant. Exotérisme."
[17] On peut résumer le point de vue des spirituels désignés comme malāmātiyya en ces termes : si l'ésotérique devait être manifesté, le Prophète aurait été le premier à le faire ; or il ne l'a pas fait car l'ésotérique (bātin) est du domaine de ce qui est en soi intérieur et caché et doit donc le rester, tandis que l'apparence extérieure (zāhir) est le lieu de manifestation (mazhar) de la parure de la Sharī'a, de ce qui est en soi exotérique. Le terme de malāmātiyya est donc lié à l'origine à une volonté ou à un état de conformité à la norme spirituelle de l'Islam. Néanmoins, sa signification de gens du blâme a donné lieu, tout comme la notion de faqîr, à bien des glissements et des déviations – Le soufisme, al-tasawwuf et la spiritualité islamique, Christian Bnaud, page 47.
[18] Au nombre de ces exceptions remarquables on pourra citer l'œuvre du Palestinien 'Abd al-Ghan al-Nabulusi (m. 1143/1731).
[19] M. SIMIAN, Les confréries religieuses islamiques en Algérie p. 91.
[20] Ésotérisme : ensemble de doctrines secrètes.
[21] Ascète : qui tend à la perfection morale ou spirituelle.
[22] Théologie : science de la religion, doctrine religieuse.
[23] Expérience mystique : relatif au mysticisme (doctrine religieuse selon laquelle l’Homme peut communiquer directement avec DIEU).
[24] Esotérique : réservé aux initiés.
[25] Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Sheikh Al-Sulamî (Xe siècle), Arché Edit 1990, et Les soufis de l'Andalousie, suivi de la vie merveilleuse de Dû-l-Nûn, Michel Albin Sheikh Al-Sulamî (Xe siècle), Les maladies de l'âme et leurs remèdes, Archè Edit 1990, traduit par Abdul Karim Zein.
Ceci est un exposé de:
- Bouchra Sbaï
- Mariam Al-Adouli
- Imane Al-mrabet
- Hasnae Bakach
- Koko Mawulé Agbegninou
- Atika Naciri
- Encadrant : Dr. S. Mssassi
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