Dans le calme de sa zaouïa, Cheikh Alawi, recevait jour et nuit ceux qui venaient chercher lumière et apaisement. Fidèle à la tradition de l’hospitalité, il gardait toujours devant lui un plateau avec une grande bouilloire et plusieurs verres, prêt à offrir le thé, symbole d’accueil mais aussi de transmission spirituelle.
Un jour, alors qu’il était entouré de ses disciples, le Cheikh remplit un verre de thé jusqu’au bord. Puis, il se tourna vers eux et demanda:
- "Pensez-vous que ce verre puisse contenir davantage de liquide ?"
Les disciples, surpris par la question, répondirent avec assurance:
- "Non, maître, il est déjà plein."
Le Cheikh sourit alors doucement, et, dans un geste délicat, déposa un pétale de rose à la surface du thé. Le liquide ne déborda pas. Un silence émerveillé s’installa. Puis, il dit :
- "De même que ce verre, l’homme peut croire avoir atteint la plénitude par l’acquisition des sciences apparentes. Mais il reste encore une place, subtile, pour la beauté et la finesse de la connaissance intérieure. C’est cela le rôle du soufisme : parfaire l’âme et illuminer le savoir par la Présence divine.".
L’apparente complétude ne signifie pas la perfection. Dans le monde du savoir, il est facile de croire qu’on a atteint le sommet dès lors qu’on maîtrise les sciences formelles. Mais la voie du cœur - la science de l’âme - ne s’apprend pas dans les livres seuls. Elle se goûte, se vit, se dépose en douceur, comme un pétale sur un verre plein.
Celui qui se croit complet, ferme la porte à la Réalité. Mais celui qui reste humble, même dans l’abondance de savoir, permet à Dieu de l’emplir davantage.
La vraie science est celle qui éclaire,
Purifie et rapproche du Créateur.
Ô cœur gonflé de lettres et de lois,
Sache que Dieu n’habite point les voix.
Quand tu te crois rempli, fais une pause,
Et laisse tomber le souffle d’une rose.
Car la science du cœur, douce et cachée,
Est un vin que seul l'Amour peut verser.
Inspiré du récit du Cheikh Būzīdī Bujrāfī, Maroc.

Commentaires
Enregistrer un commentaire