Un jour, dans la fraîcheur d’une matinée à la zaouïa, un jeune homme au visage encore doux de jeunesse se présenta devant le Cheikh Ahmed Alawî, maître spirituel et guide des cœurs. Le regard empli de détermination, il demanda :
- « Seigneur, autorisez-moi à pratiquer la retraite spirituelle pour invoquer le Nom Suprême (Dhikr). »
Le Cheikh, observant son jeune visage, lui répondit calmement :
- « Pars, tu es encore jeune. »
Le lendemain, animé par la même ardeur, le jeune homme revint. Il répéta sa demande avec la même ferveur. Le Cheikh, fidèle à son évaluation, réitéra :
- « Pars, tu es encore jeune. »
Mais cette fois-ci, le disciple ne céda pas. Le feu divin dans son cœur surpassait les limites de son âge. Il fixa respectueusement le Cheikh et dit :
- « Seigneur, ceux qui dorment dans les cimetières, sont-ils tous des adultes ? »
À cet instant, un silence profond enveloppa la zaouïa. Le Cheikh contempla longuement le jeune homme. Il reconnut dans ces mots une sagesse émanant d’un cœur éveillé. L’amour de Dieu, quand il brûle véritablement dans l’âme, ne connaît ni âge ni mesure. Il ouvrit alors ses bras, et dans un geste de reconnaissance spirituelle, accueillit le jeune homme en retraite.
Ce jeune homme devint l'exemple vivant de ce que le Cheikh disait:
À part ceux qui ont une croyance accrue
Et visités par la sainte inspiration.
Cette anecdote nous montre l’importance de la sincérité dans la quête spirituelle. L’âge biologique ne limite ni la profondeur de la foi, ni l’intensité de l’amour divin. Le Cheikh, par sa réponse initiale, éprouvait son disciple : il testait non pas sa connaissance, mais sa volonté intérieure.
La maturité spirituelle ne se mesure pas aux années, mais à la lumière du cœur.
Ceux qui cherchent Dieu avec vérité et persistance sont reconnus, même par les plus grands maîtres. Le véritable disciple est celui qui, malgré les refus ou les épreuves, persiste dans sa quête, car il sait que l’appel de Dieu en lui est plus grand que tous les obstacles.
"Le Cœur plus vieux que l’Âge"
Il était une fois, dans la lumière tamisée d’une zaouïa d’Algérie,
Un jeune au cœur vaste, brûlant d’envie,
D’entrer dans la retraite où l’on se perd en Dieu,
Et d’invoquer Son Nom, du plus profond de ses vœux.
Devant le Cheikh, maître au regard d’étoile,
Il demanda humblement :
- « Permettez que je m’enferme, que je m’abandonne au Nom Suprême. »
Mais le maître, d’un ton calme et sans détour :
- « Pars, tu es encore jeune, ce n’est pas encore ton jour. »
Le lendemain, même regard, même flamme,
Il revient, déterminé, sans ombre ni drame.
Mais le Cheikh encore :
- « Pars, ton heure n’est pas mûre. »
Alors le jeune, planté comme un chêne sûr,
Lança doucement, mais avec feu dans l’âme :
- « Maître… dans les tombes, ceux qui dorment, sont-ils tous des hommes mûrs ? »
Le silence tomba comme une rosée sur les cœurs.
Le Cheikh sourit, ses yeux pleins de lueurs.
Il vit alors non l’âge, mais l’éclat d’un feu sacré.
Le Cheikh ouvrit ses bras, et dans l’Amour, l’a élevé.
Et déclara : Ne sont admis dans l’intimité du Vrai,
Que ceux dont la foi perce la chair et la loi,
Ceux qui, bien que jeunes, sont visités d’en-haut,
Par l’inspiration sainte, dans l’ombre ou dans l’eau.
Derwish Alawi
Inspiré du récit de Khalifa Benhamou (disciple et Moqaddem du Cheikh al-Alawi à Meknès au Maroc, autorisé à guider), rapporté par son petit-fils Mohammed.

Commentaires
Enregistrer un commentaire