Récits - Cheikh Alawi, le Faqir et les verres d’Unité

Lors d’un cercle spirituel (Modhakara), le Cheikh Alawi fut troublé par le vacarme d’un disciple comptant des verres à thé. Interpellé, le disciple expliqua que les verres refusaient d’être réduits à des numéros : chacun proclamait son unicité en affirmant être "UN". Amusé et touché, le Cheikh déclara que cette perception contenait une sagesse profonde, peut-être plus profonde que son propre enseignement. 

Le Cheikh, interrompu par le vacarme 
- "Qui fait ce bruit ?" 
- Sidi, c’est moi… Je tentais de les compter, mais ils ne se laissent pas faire". 
Le Cheikh, surpris 
- "Comment ça, ils ne se laissent pas compter ? Ce ne sont que des verres, non ?" 
Le disciple, calmement 
- "Non, maître… Je commence : "un", tout va bien. Puis je dis : "deux", et là, le verre me répond : "Je ne suis pas deux… je suis UN !" Alors je passe au suivant : "trois", mais lui aussi s’exclame : "Je ne suis pas trois, je suis UN !" Et ainsi de suite, chacun crie : "Pas un nombre, je suis l’UN." Je n’arrive pas à finir… ils refusent d’être divisés". 

Le Cheikh, touché, lui répond avec tendresse 
- "Mon frère… Si tu m’avais dit cela plus tôt, C’est à ta Modhakara que je serais venu assister. Elle est plus profonde que la mienne..."

Chaque être, chaque chose, détient une part d’absolu. L’apparente multiplicité du monde n’est qu’un voile sur l’unité fondamentale de toute existence. Celui qui reconnaît cette unicité dans la diversité touche à la vérité de l’Être. Ainsi, même le plus simple geste peut porter une lumière mystique s’il est vécu avec conscience. 

Dans le bruit des verres, un secret s’élève,
"Je suis UN", chaque voix, sans trêve. 

Le multiple s'efface, le voile se déchire, 
Dans le reflet du thé, l'Unité inspire.

Le maître s’incline devant l’éveillé, 
Car la sagesse parfois vient du simple côté. 


Inspiré d'Al Morchid Nov 1949 n°31 p23.




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