Récits - Cheikh Alawi et le brigand chevaleresque

Un témoignage précieux d'un acte de résistance silencieuse par le Cheikh Alawi en protégeant l’honneur musulman à Mostaganem contre le projet colonial : briser l’identité arabo-islamique 

Parmi les nombreuses stratégies mises en œuvre par le pouvoir colonial en Algérie, l’une des plus sournoises fut l’attaque contre les fondements culturels et religieux du peuple algérien. 

Après avoir tenté de couper les Algériens de leur lien profond avec le Coran, les autorités s’en prirent à un autre pilier essentiel : la femme musulmane, et en particulier la jeune fille algérienne, dépositaire de l’honneur et des valeurs de la société. 

À Mostaganem, les autorités coloniales planifièrent un festival de chant et de danse à proximité de la plage de "Sidi El Mejdoub". Sous couvert de divertissement, cet événement avait un objectif inavoué : encourager la présence de jeunes filles musulmanes parmi les participants, en majorité européens. 

Ce projet visait subtilement à affaiblir les barrières culturelles et religieuses de la société musulmane en manipulant sa composante la plus vulnérable. 

La réaction du Cheikh : sagesse et stratégie :
Lorsque la nouvelle de ce festival parvint aux oreilles des fuqaras Alawis, ceux-ci s’empressèrent d’en informer leur maître, le Cheikh Alawi (qu’Allah soit satisfait de lui). Homme d’une intelligence rare, fin stratège et profondément lié à sa communauté, le Cheikh connaissait les habitants de Mostaganem comme un père connaît ses enfants, dans leurs qualités comme dans leurs défauts. Plutôt que de s’opposer frontalement aux autorités ou d'envoyer ses disciples, il prit une décision surprenante. Il demanda qu’on lui amène un homme tristement célèbre : un brigand notoire, craint de tous pour sa violence et sa marginalité. Les fuqaras furent stupéfaits. Ils s’exclamèrent :
- « Cet homme est un vaurien, un scélérat ! Aucun de nous n’ose lui parler ! » 

Mais le Cheikh insista. Lorsqu’ils retrouvèrent l’homme et lui transmirent le message du Cheikh, celui-ci, d’abord méfiant, fut profondément touché que le maître spirituel le réclame personnellement. Il se précipita alors chez lui. 

Une mission singulière :
Face à cet homme, le Cheikh lui dit calmement :
- « Je sais qui tu es, et je connais ton passé. Mais cela ne m’importe pas aujourd’hui. Je serai ton témoin et ton garant devant Allah si tu fais ce que je vais te demander. » 

Le Cheikh lui confia alors une mission simple, mais cruciale : empêcher l’entrée des jeunes filles musulmanes à la fête coloniale. Pour ce faire, lui et ses compagnons devaient bloquer l’entrée, revendiquer le droit d’y participer au même titre que les Européens, et refuser que des filles arabes y assistent si eux-mêmes en étaient exclus. Il conclut :
- « Si tu accomplis cela, tu es mon fils. Et un père n’abandonne jamais son fils. »

Un succès éclatant :
Selon le témoignage de Sidi Mohammed Sayeh, cet homme mena l’opération avec succès. Aucune jeune fille musulmane ne participa à la fête, et celle-ci fut finalement annulée. Le stratagème colonial échoua, non par la force des armes, mais grâce à l’intelligence spirituelle et sociale d’un homme de Dieu. 

Sidi Mohammed ajouta :
- « Regarde, mon fils, comment le Cheikh a su tirer le bien d’un homme perdu. Il a utilisé son courage et son autorité naturelle pour défendre l’honneur de la communauté. C’est une grâce qu’Allah accorde à qui Il veut. »

Conclusion : 
un fils du Cheikh À la fin du récit, une question demeure : qu’est devenu cet homme ? Ni moi, ni Sidi Mohammed Sayah ne pouvons y répondre avec certitude. Son nom fut prononcé, mais oublié. Pourtant, nous savons ceci : celui qui est devenu le fils spirituel du Cheikh Alawi ne peut avoir connu un destin ordinaire. Il a été choisi, guidé, et honoré d’une confiance que peu d’hommes reçoivent. 

Ce récit nous enseigne qu’un homme, même brisé, peut devenir un héros silencieux lorsque quelqu’un lui tend la main avec sincérité. La résistance n’a pas toujours l’apparence du combat : parfois, elle prend la forme d’un acte simple, porté par la foi, la sagesse, et l’amour du prochain.


Inspiré du récit de Mohammed Sayeh (disciple du Cheikh Alawi), rapporté par son fils Ali.

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