Récits - Cheikh Alawi et la noblesse de l’aide désintéressée

Parmi les récits qui illustrent la grandeur d’âme et la sagesse du Cheikh Alawi, figure l’histoire touchante d’un homme de la tribu des Medjahir, dans la région des "Tawahriyya" près de Mostaganem. Agriculteur prospère. Ruiné par une disette, il frappa à toutes les portes, cherchant secours auprès de ses proches, des notables et des gens influents. Mais nul ne daigna lui tendre la main. 

Un jour, un ami lui dit : « Il n’y a qu’un seul homme qui peut t’aider; le Cheikh Alawi ».

Il se rendit alors à la zaouïa du Cheikh, dans l’espoir, peut-être teinté de scepticisme, d’un dernier recours. Le Cheikh l’écouta avec attention, puis appela son moqaddem, responsable de l’intendance, pour qu’il donne à cet homme la somme nécessaire. 

Mais le moqaddem, pragmatique et loyal gestionnaire, objecta :
- « Sidi, la zaouïa n’a presque rien. Ce que nous avons sert aux besoins des fuqarâs... ».

Le Cheikh lui posa alors des questions incisives et pleines de sagesse: 
- « Cet argent, à qui appartient-il ? »
- « Aux croyants, Sidi. »
– « Et crois-tu que les croyants accepteraient qu’on le retienne au lieu de le donner à celui qui en a besoin ? »
– « Non, Sidi... »
– « Est-ce l’argent d’Allah ou celui de sidi « moqaddem » ? »
– « C’est l’argent d’Allah, Sidi. »
– « Alors donne le bien des pauvres aux pauvres ! »

Face à cette logique désarmante, le moqaddem obéit, et remit 70 francs à l’homme, une somme équivalente à plusieurs milliers d’euros aujourd’hui. 

Celui-ci retourna dans sa tribu avec l’argent, reprit ses activités, et deux ans plus tard, revint voir le Cheikh, reconnaissant. Il lui remit les 70 francs remboursés, et ajouta une modeste aumône. Mais le Cheikh, percevant que son invité était encore éloigné du sens profond de la générosité divine, lui répondit : 
- « Garde ton argent, car je ne prête pas ce que je ne possède pas. Si tu veux faire aumône pour la face de Dieu, qu’Il te récompense. Mais si tu veux venir nous voir dans l’amour de Dieu, tu es le bienvenu. »

Cette histoire met en lumière deux vérités profondes de la voie spirituelle. La zaouïa n’est pas une banque, mais une maison de Dieu. Elle ne donne pas pour attendre un retour ; elle donne parce que Dieu donne, et elle s’éteint dans cet élan. L’aide matérielle n’a de sens que si elle ouvre à une réalité plus vaste. Le Medjahri a été secouru, mais il n’a pas compris qu’au-delà de l’argent, c’est un appel au cœur qu’il recevait. Cheikh Alawî nous enseigne ici que donner, ce n’est pas simplement transférer un bien, mais honorer le lien invisible entre les âmes, dans le Nom de Dieu. Et que recevoir, ce n’est pas rembourser une dette, mais répondre à un appel d’amour. 

L’homme tendit la main en silence, 
Le Maître tendit le cœur en réponse. 

Non point pour peser un dû, 
Mais pour ouvrir un ciel perdu. 

« Garde ton or, je n’ai rien prêté, 
Si ce fut don, c’est Dieu qui a donné. » 

Ô toi qui crois devoir à l’homme, 
Sache que Dieu donne sans somme. 

Reviens non pour rendre, mais pour aimer, 
Car la zaouïa est porte de paix.

Inspiré du récit de Mohammed Sayeh (disciple du Cheikh Alawi), rapporté par son fils Ali.

Commentaires