Parmi les nombreuses villes chères au Cheikh Alawi, Relizane occupait une place particulière. Petite par sa taille mais grande par sa lumière spirituelle, elle accueillait chaque année, sous la direction du Cheikh, une assemblée de dhikr et de méditation. Ces moments étaient des haltes spirituelles précieuses, où les cœurs se nettoyaient et les âmes se rapprochaient de leur Seigneur.
Lors d’une de ces rencontres, alors que les cœurs baignaient encore dans la clarté du souvenir de Dieu, un faqir (disciple) arriva en retard, au lendemain de l’assemblée. Il se présenta devant le Cheikh, peut-être pensant pouvoir encore capter quelques bienfaits résiduels. Le Cheikh Alawi, d’ordinaire bienveillant et plein de douceur, exprima cette fois un profond regret. Il dit à ce faqir avec tristesse :
- « Tu as manqué une immense grâce. Tu as laissé passer ‘Arafat, tu as laissé passer ‘Arafah ! » (fatatka ‘arafah, fatatka ‘arafah !).
Ces mots, lourds de sens, faisaient référence à la journée de ‘Arafah pendant le pèlerinage, moment d’ouverture spirituelle où les portes du ciel sont grandes ouvertes. Le Cheikh ne parlait pas ici d’un simple rassemblement, mais d’un moment d’intimité spirituelle rare, un rendez-vous avec la miséricorde divine que l’on ne retrouve pas deux fois. Le faqir, par son absence, avait manqué un événement où les âmes étaient élevées, une perte qui ne se compense pas facilement.
Cette histoire rappelle la sacralité de certaines rencontres spirituelles et l’importance d’y être présent corps et âme. Ce n’est pas seulement un lieu que l’on rejoint, mais un moment unique où Dieu se rend particulièrement proche. L’absence à ces instants est une occasion manquée de transformation intérieure. Les moments de grâce ne préviennent pas. Ils apparaissent, souvent discrets, et repartent sans retour. Celui qui retarde sa marche vers Dieu risque de manquer les lumières destinées à son cœur. Il ne suffit pas de vouloir le bien : il faut être présent quand il descend. Comme pour ‘Arafah, certaines ouvertures sont ponctuelles, y assister, c’est renaître ; les manquer, c’est s’éloigner.
À Relizane, le cœur du maître battait,
Là, la lumière de l’âme s’abattait.
Une veillée, un moment, un secret s’ouvrit,
Mais un faqir absent n’en sut que le récit.
« Tu as manqué ‘Arafah », dit le Cheikh ému,
Un instant céleste, au parfum jamais revenu.
Car nul ne rattrape ce que l’instant offre,
Quand l’âme attend, et que le ciel s’ouvre.
Inspiré du récit de Mohammed Sayeh (disciple du Cheikh Alawi), rapporté par son fils Ali.

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