Cheikh Alawi - Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion !

Le Cheikh Alawi ® fut interrogé sur la signification du verset suivant : « Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion, et vous ai accompli Mes bienfaits, et vous agrée l'Islam comme religion » Mâïda : 3.

Il répondit après le préambule abrégé :
 
Il m’est obligé, mon frère, d’évoquer d’abord une chose qui est souvent mentionnée, et c’est le cas dans vos articles, comme d'autres écrivains contemporains d'ailleurs.
 
Vous avez mentionné cette chose en question dans votre dernier article dans un raisonnement de conclusion sur les innovations des Soufis, qu’elles n’ont rien de prescrit dans la religion en vous appuyant sur ce verset à ce sujet qui stipule, selon vous, que ce qui n’était pas dans le contexte religieux à l'époque, ne l'est point après, et ceci est une belle chose.
 
Si la compréhension du verset se limiterait à la votre, et désirez l’appliquer en abrogeant tout ce que les Soufis ont apporté ; comme les litanies et bien d'autres formules cultuelles… de notre coté cela ne nous aurait guère satisfait que lorsque vous abrogez en même temps l’ensemble des efforts réfléchis (ijtihâd) sur des questions juridiques qui constituent une source du droit attestées par des hommes de la jurisprudence, et retirer dans la foulée les paroles des savants agissants. Il ne fait aucun doute que ce verdict est irrévocable pour l’ensemble des lois religieuses qui ont été affirmées par des efforts réfléchis (ijtihâd) sur l'interprétation des textes à l'énonciation de la loi, en les écartant ainsi de la religion par le seul argument qu’elles ont été rajoutées après le parachèvement de la religion et l’accomplissement des bienfaits sur les musulmans, et c’est ce qui semble dire ce verset pour vous, mais les compréhensions varient. Il n’y a aucun doute que votre article nous a produit une croyance qui n’a été dite par aucune des fractions déviées de l’Islam, ni par la communauté de la tradition « Ahl Sunna » dont vous faite partie.
 
Si nous nous penchons de près sur ce que les Soufis ont établi dans les fonctions des litanies et le nombre bien précis des formules, et bien d’autres choses que vous avez rejeté, puis nous examinons ce que les législateurs ont établi et codifié de lois, nous constatons que les soufis ne sont pas si excessifs par rapport à ces derniers.
 
Cependant, les législateurs ont tant ratifié de lois, ce qui est licite et ce qui ne l’est pas, ce qui est obligatoire et ce qui est préférable de faire, chose qui est non-dit en comparaison à des lois que les Soufis ont instaurés, et tout cela après le parachèvement de la religion et l’accomplissement des bienfaits.
 
Alors, que dit Monsieur le Cheikh à tout ceci ? Lui est-il possible de dire que la nation (musulmane), depuis l’époque que les législateurs ont établi et codifié des lois jusqu’à aujourd’hui, était dans l’erreur en adoptant une religion autre que celle du Prophète (§), cette religion qui a conclut son message divin par : « Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion » ?
 
Mais la question est loin de s’arrêter là, elle va au-delà de l’ensemble des législations retenues des récits des Compagnons et leurs héritiers, les suiveurs, et sans oublier les législations inspirées des actes des Califes bien-guidés, alors que toutes ces lois ont été ratifiées après la révélation du verset.
 
Ne manquez pas aussi, Monsieur le Cheikh, ces questions juridiques ; sur la prière du Taraweeh (en groupe) à la mosquée qui fut adoptée que pendant la succession d'Omar et sur son ordre, alors qu’au vivant du Prophète (§) elle l’était autrement. Quant au divorce, où la répudiation se formulait à la seule fois en citant la rupture par trois fois consécutives était considérée comme une seule répudiation à l'époque du Prophète (§), et lors de la période de succession d'Abou Bakr et au premier temps de la succession d'Omar. Dans un deuxième temps, Omar décida de la considérer comme un divorce définitif une fois la formule prononcée trois fois d’un coup, et son opinion fut approuvée par les Compagnons, et c’est toujours la règle jusqu’à aujourd’hui ! Quant à la condamnation du délit d'alcoolisme, elle était de quarante coups de fouet à l'époque du Prophète (§) et lors de la période de succession d'Abou Bakr, elle passa ensuite à quatre-vingts coups sur ordre d’Omar et c’est devenu la règle, et c’est ainsi du reste des autres questions juridiques. La situation est que tout ceci est apparu après la révélation du verset. Pouvez-vous dire que cela n'est pas lié à la religion ? Non ! Vous ne pourrez pas, pas plus qu'un autre croyant ne le pourrait.
 
Je pense que vous réalisez que cela ne va pas s'arrêter là, mais s'étend aux autres questions juridiques que comprennent les traditions prophétiques (Hadith) qui sont postérieurs à la révélation du verset en question, je veux dire après le parachèvement de la religion et l'accomplissement des bienfaits, car l'existence de ces Hadith sont venus après le verset et sont dans le même ordre que les autres questions juridiques compte tenu de l'exigence du verset.
 

Combien même de Hadith postérieurs à la révélation du verset, il est inconcevable de les protester. Il nous faut prendre du temps afin d’examiner l’ensemble des Hadith que nous ignorons leur datation, et Dieu sait qu’ils sont nombreux. Nous devons le faire pour ne pas célébrer une religion qui soit différente de celle qui finit par « Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion », bien que les narrateurs des Hadith n’ont pas cité les circonstances historiques des Hadith, car il ne fait aucun doute qu’une telle question nous expose, ainsi que tous les musulmans, à un désastre que des gens comme vous, devez le savoir.
 
Comme si je vous vois penser que la question va s’arrêter là, et c’est la raison pour laquelle il m’est nécessaire de vous rappeler ce qui est plus énorme.
 
Je dis qu'il est essentiel pour cette croyance (de rejet) de retirer un certain nombre de lois religieuses stipulées dans les versets coraniques, et les considérer hors de la religion, et vous avez le droit à une clarification sur ce que vous devez examiner, ne serait-ce qu'un peu, pour que vous sachiez la crédibilité de mes arguments dans ce contexte.
 
L'imam al-Soyouti a dit dans son livre « Itqân » : parmi les difficultés à saisir le sens qui tourne autour du verset « Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion… », est qu’il a été révélé à Arafât, l'année du pèlerinage d'adieu, son sens apparent stipule le parachèvement de toutes les obligations et les lois le concernant, comme l'a déclaré un groupe de savants, bien que les versets concernant l’usure, l’endettement et l’héritage concernant un mort qui n’a laissé ni enfants ni parents ont été révélés bien après le verset susmentionné. Ibn Jarîr, a trouvé des difficultés à saisir le sens de ce verset, mais a conclu qu'Il (Allah) avait parachevé leur religion par leur retour à la terre sacré (la Mecque) et le départ des polythéistes.
 
Donc, abroger du cercle de la religion ces lois religieuses révélées, est chose impossible, et par Dieu qu’un musulman puisse penser chose pareil, et c’est ainsi que les exégètes ont donné des interprétations de ce verset différemment que celles portées par les commentateurs de notre époque.
 
Je vois que le mieux pour vous est que vous devriez comprendre ce que l'on entend par le parachèvement de la religion, cela désigne ses principes et ses bases fondamentaux. Pour ce qui est au-delà comme les sections dérivées (far'iyat), nous ne le percevons pas du point de vue législatif, mais vous Monsieur le Cheikh, vous ne le voyez que par le biais du retour des rameaux à leurs origines, car pour vous, ils sont implicites en elles comme le palmier renfermé dans le grain du noyau. Que Dieu nous inspire, ainsi que vous, de la science sur la base de la piété.
 
C’est ce que nous avons compris de la religion et du sens du parachèvement et de l’accomplissement des bienfaits accordés à sa communauté. Si cela vous convient tant mieux, sinon guidez-nous vers une compréhension plus élevée et Dieu vous gratifie de ses rétributions.

Soyez certain, Monsieur le Cheikh, que votre précédente compréhension du verset n'a aucun lien avec la science religieuse, ni avec la bonne croyance. Je ne dis pas que vous avez été convaincu par votre sentence suite à une analyse avec assiduité, ou que vous l'aviez construite sur des arguments et des preuves, mais je crois que vous vous êtes précipité sans vous approfondir sur la question, et vous avez été encouragé par votre confiance en vous même par rapport à votre position religieuse.

Et la situation est que nous, ainsi que vous, sommes dans la catégorie de ceux qu'on doit leur dire : « si vous avez su une chose, d'autres choses vous sont méconnues », même si le meilleur pour nous est avant tout l'aveu de notre négligence, et ceci concerne ce que nous savons, et la question est plus risquée sur ce que nous ne savons pas.

Donc, le devoir de conseil m'oblige à vous dire ce qui a été rapporté dans le livre « Rissala Kharoubiya », selon lequel l'auteur dit : « le juriste doit être vigilant vis-à-vis de lui même, qu'il soit conscient de sa position religieuse, qu'il ne tend pas sa main vide au-delà de sa limite aux stations de la connaissance gnostique et des états spirituels des hommes de Dieu, jusqu'à ce qu'il connaitra la saveur (de la gnose) que les hommes de Dieu ont connu. Je prie Dieu qu'il ne nous en prive pas ainsi que vous des flux de leurs connaissances.

Enfin, je vous prie, Monsieur, de ne pas envoyer vos lettres d'inférences avant d'en approfondir sur le sujet, car la chose n'est pas si facile qu'il y paraît, et c'est ce que j'ai choisi pour moi-même, et je l'ai choisi pour vous, et que la paix soit.

 
Source : Journal Balagh Jazaïri. N°119. 17/05/1929. Aujourd'hui, Je vous ai parachevé votre religion !
Pour lire le texte en arabe, cliquez sur ce lien.
Traduit de l'Arabe par Derwish al-Alawi, Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawi

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