Fanatisme - A la manière de Raspoutine - La Dépêche de Constantine –30/07/1927

Cette partie de l'Article porte un regard critique vis-à-vis du Cheikh Alawi, à la manière des réformistes Badissites, l'auteur n'a pas eu le courage d'écrire son nom en entier, ce qui nous fait penser que c'est un adepte francophone qui prit partie des réformistes.

A la manière de Raspoutine,  par N.L

L’histoire de ce personnage (Cheikh Benalioua) s’inspire, à l’origine, de celle du moine tristement célèbre de la Sainte Russie.

Écoutez plutôt…

Il y a quelques années, dans Mostaganem la pieuse, parmi les plus fidèles musulmans, un pauvre et obscur cordonnier, Benalioua se faisait remarquer par l’ardeur et la régularité de sa dévotion. Il gagna le cœur du Moqaddem (Cheikh Bouzidi) de l’endroit, si fort que lorsque celui-ci se sentit sur le point de mourir il exprima le dernier vœu que son successeur ne fut point un autre que le cordonnier Benalioua.

Il y eut bien quelque surprise dans le clergé musulman, mais puisque telle était la volonté du défunt, conforme à la loi coranique, Benalioua fut nommé Moqaddem. Quo non ascendam ?

Pasteur régulier de la grande religion musulmane il ne tarda pas à se distinguer. Intelligent, psychologue, et surtout, suprêmement ambitieux, il exalta le mysticisme des croyants. Sa méthode lui était particulière. Il ne demandait pas seulement à ses fidèles de grandir leur foi pour Allah, parce que « Allah est Allah », mais aussi de vénérer ses représentants sur terre. Il leur démontra en opérant de soi-disant miracles, qui n’étaient que de l’illusionnisme, que Dieu était en lui. Doué d’un fort pouvoir magnétique et d’une grande puissance de suggestion, Benalioua soumettait ses coreligionnaires (on pourrait dire ses clients) aux effets de sa volonté. Et alors, les « messelimine » en virent de drôles. Le prestige du charlatan devint immense.

Comprenant tout le parti qu’il pouvait tirer d’une pareille spécialité, Benalioua décida de se perfectionner. Il avait entendu dire que dans le lointain Orient des maîtres enseignaient les sciences occultes. Il partit trois années durant, il fut un élève assidu et attentif. Complètement et définitivement initié aux secrets des faqirs, il réintégra son poste de Moqaddem.

Il vint se fixer à Bordj-Bou-Arreridj. Il fonda une secte et les « khouan » ne tardèrent pas à affluer. Choisissant les meilleurs « sujets » comme parlent les hypnotiseurs, il les enfermait séparément dans une salle, leur faisant répéter à haute voix mille fois le nom d’Allah, en les obligeant à fixer un point désigné, leur promettant qu’ils sentiraient Dieu descendre en eux. C’est une de ses pratiques, d’autres fois, dans un cabinet obscur, il faisait apparaître l’image de Dieu aux regards éblouis de ses fidèles. Par ces méthodes, dans l’exercice desquelles il apporte un art et une habileté parfaites, il ne tarda pas à s’imposer à l’admiration générale.

Benalioua, répètent ses prosélytes, est l’expression de Dieu sur la terre. Benalioua peut, nouveau Josué, arrêter la marche du soleil. Benalioua ouvre le ciel. Benalioua tarit les sources. Benalioua peut faire pleuvoir... des douros.

Le nouvel apôtre a converti des milliers et des milliers de musulmans à sa doctrine. Maintenant, il rêve d'atteindre à la gloire du Prophète dans l'orthodoxie. Voici, en effet, qu’il crée un journal : la REFORME.

 

Partie de l’article intitulé : FANATISME - La tentative d’assassinat d’un journaliste indigène (BENBADIS A). La Dépêche de Constantine –30/07/1927.

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