Lettre de Mohammed ben Habîb Fâsî au cheikh Alawî - 1923

Au nom de Dieu, Clément et Miséricordieux !

Louange à Dieu qui fait circuler l’essence spéciale de Son Prophète dans certains hommes de sa communauté à toute époque, et leur accorde, à l’exclusion de leurs contemporains, la connaissance des secrets de Son Essence, des lumières de Ses Attributs, des lieux de manifestation de Ses Noms et des manifestations extraordinaires de Ses Actes ! C’est alors qu’ils informent leurs contemporains sur la base d’un goût, d’une contemplation et d’une expérience directe, et c’est alors que ceux qui sont destinés à la félicité en présence du Miséricordieux bénéficient de leurs sciences, connaissances, visions et idées.

Que la grâce et la paix soient sur notre suzerain Muhammad, première des déterminations et lumière à partir de laquelle Il a manifesté tous les êtres existenciés, sur sa famille, ses compagnons, ses lieutenants (khulafâ’), tant qu’il y aura quelqu’un dans le ciel ou la terre pour chanter Ses louanges.

L’un de ses plus grands lieutenants - et Dieu l’a fait venir et se manifester à notre époque, par Sa grâce et pour guider Ses serviteurs à notre époque, ce qui nous a réjouis, les croyants et nous, en notre for intérieur et à l’extérieur - est le plus grand cheikh (al-shaykh al-akbar), le modèle célèbre, le cheikh des connaissants et l’éducateur des aspirants, notre suzerain et maître Ahmad b. Mustafâ b. ‘Alîwa - que Dieu prolonge ton existence pour le bénéfice des serviteurs et qu’Il fasse de toi une source suave pour abreuver les chercheurs, afin que tous bénéficient de toi, le citadin comme le campagnard ! Que la paix soit sur toi et ceux qui se rattachent à toi, d’un salut élevé et aussi multiple que les théophanies de la Vérité dans l’ensemble des jours et des nuits !

Ta lettre, revêtue de tes lumières fulgurantes, tes souffles parfumés et tes magnifiques illuminations, m’est parvenue. Nous l’avons reçue avec vénération et respect ; nous l’avons lue avec attention et l’avons méditée et nous sommes appliqué à la comprendre. Nous avons trouvé qu’elle répondait parfaitement à son objectif. Elle nous a dévoilé des secrets subtils auxquels nous n’avions pas prêté attention. Que Dieu te rétribue de notre part et qu’Il t’accorde la perfection de Sa sollicitude et de Son agrément !

Sache, Sîdî, que j’ai rencontré plusieurs maîtres de cette communauté muhammadienne et que j’ai reçu d’eux la part spirituelle qui me revenait.

Lorsqu’apparut Sîdî Muhammad b. ‘Alî de Marrakech, je suis allé le voir et il m’a reçu à bras ouverts. Il m’a dévoilé la Présence du Bien-Aimé et m’a enseigné le Nom suprême selon une technique particulière. Il m’a autorisé à guider les serviteurs et à leur indiquer Dieu. Je me suis conformé à son ordre et il en a résulté un grand bien par sa baraka. Lorsqu’il mourut, j’interrompis cela jusqu’au jour où je vis en rêve le Prophète qui m’ordonna de guider les créatures comme je le faisais avant. Je me suis conformé à son ordre et, à chaque fois que quelqu’un est venu me voir pour être guidé, je lui ai parlé de ce qui le rapprocherait de Dieu.

Lorsque fut bien confirmée par Dieu la connaissance que j’avais de vous et que me fut dévoilée par Dieu votre élection (khusûsiyyatikum) - d’autant que se passer de Dieu, c’est encourir la privation, et se contenter d’autre chose que Dieu, c’est courir à son égarement et à sa perte -, il me vint en mon for intérieur l’idée de vous demander, Sîdî, de nous écrire un traité expliquant la voie et la réalisation, qui intègrerait le sujet de la khalwa et de ses conditions, ainsi que les convenances dans l’invocation du Nom suprême et l’intérêt de se limiter à ce Nom à l’exclusion des autres, qui intègrerait également ce qu’expérimente le cheminant au début, au milieu et à la fin de la khalwa, les signes qui témoignent de son succès spirituel, les causes qui peuvent le faire sortir de la voie et les moyens qui lui permettent de se fortifier spirituellement. Tout cela permettrait au lecteur d’un tel traité d’être parfaitement certain de son affaire. Pourrais-tu alors - que Dieu te bénisse - me donner une ijâza pour faire cheminer les disciples selon cette méthode spécifique que tu décrirais dans ce traité ?

À part cela, nous aimerions que tu nous fasses l’honneur de venir nous voir dans cette heureuse ville [de Fès], car ses habitants ont forte envie de te voir.  Ta venue répondrait à mes attentes et à celles de Sîdî Muhammad, Sîdî ‘Abd al-Rahmân et Sîdî al-Habîb b. Mansûr, et elle permettrait que la voie se diffuse et que le nombre des frères augmente. Je demande à Dieu qu’Il nous permette de nous voir bientôt.

Le serviteur des gens de Dieu, celui qui se tient à leur porte, Muhammad.

Ben al-Habîb ben al-Sâdîq, le passionné de Dieu, 

 le 11 Rabî‘ II 1342 (21 novembre 1923) [1].

 

1 Citée en note dans Ibn ‘Abd al-Bârî, Shahâ’id, op. cit., p. 216-217.

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