Cheikh Alawi - Pourquoi nous marchons en arrière ?

Chacun de nous sait bien ce qui est contenu dans le Livre d’Allah et dans la Sunna du Messager d’Allah (§), qui sont nécessaire pour notre vie religieuse et notre spécificité communautaire, mais malheureusement nous trouvons que beaucoup d’entre nous, sinon tous, agissent contrairement à ce qui a été révélé et démontré : qu’un musulman ne l’est formellement qu’à certaines conditions qui sont nécessaires pour qu’il le soit. 

Ici, la pensée est épuisée et la perception affectée par notre incapacité à savoir ce qui nous empêche de choisir ce que Dieu a préféré et approuvé pour nous comme condition indispensable afin de préserver notre gloire et honneur, mais avec notre réticence, nous œuvrons à révoquer ce qu’il a préféré en prenant le contre-sens.

Alors, sommes-nous ennemis de nous-mêmes ?  Avons-nous atteint un tel point de stupidité qui nous fait perdre la conception des choses, de sorte que nous ressemblons à une machine muette qui est à sa juste valeur, mais fabriquée et utilisée au profit des autres ?

Je ne sais pas réellement quel est désormais notre statut parmi la création, ou quelle est notre place parmi les personnes de valeur, bien que je ne nie pas que nous faisons partie des êtres sensibles, mais il est loin de considérer notre niveau de sensibilité pareil à ceux qui sont pleinement impliqués et conscients de leurs droits et devoirs. Nous sommes parfois confus sur la question de sorte que nous ne savons pas si nous entendons et voyons par nos propres sens ou si d’autres entendent et voient à notre place. La fonction de ces sens (la vue et l’ouïe) ne nous a donc pas profité pour que nous reconnaissons le bien et le suivons et évitons le mal et l’esquivons. Certes, ces sens sont bien en nous mais nous les empêchons d’exercer utilement leurs fonctions. Il est donc évident que nous devons admettre que l’usage de nos sens sont aux ordres d’autrui et il me semble que nous faisons partie de ceux que le Tout-Puissant a dit : « ils ont des yeux qu’ils ne voient pas avec, et ils ont des oreilles qu’ils n’entendent pas avec » (Al-A’râf : 179) …

Mais si nous avions fait la différence entre le bien et le mal, ce qui est douceur et ce qui est amer et bien les distinguer, nous pouvons alors soit prendre soit laisser, sinon nos perceptions resteraient sans effet et profiteraient aux autres. Je me demande si nous sommes concernés par la parole du Tout-Puissant : « Celui qui a créé pour vous tout ce qui est sur la terre » (Baqara : 29). La réalité des choses indique que nous ne sommes pas concernés par le verset : « Celui qui a créé pour vous » mais en revanche nous sommes plutôt concernés par le verset suivant qui mentionne ceux qui ne sont pas réellement possesseurs des organes qu’ils ont : « Ils ont des cœurs qu’ils n’en conçoivent pas avec » (Al-A’raf :179), sinon nous n’aurions pas manqué notre bonheur dans cette demeure ici-bas et il est plausible que nous manquons notre bonheur dans l’au-delà, à moins que Dieu nous touche par Sa grâce et nous fait profiter de nos vues et nos ouïes.

Quoi qu’il en soit, le verset cité ne nous inclut pas : « a créé pour vous », en revanche, nous sommes concernés par ce qui suit, je veux dire le mot « tout », ainsi nous faisons partie de « tout » ce qui est sur terre comme pur héritage pour leurs destinataires : « a créé pour vous ». Peu importe si nous sommes satisfaits de cela ou pas, et après avoir considéré la réalité des choses, nous devons alors reconnaitre notre inaptitude à entendre, à voir et à raisonner.

Tout cela ne nous empêche pas d’avouer qu’il existe encore ceux qui voient et entendent dans cette nation, mais ils sont peu par rapport à l’écrasante majorité des opposés. Dans le verset suivant, Allah met en garde cette catégorie de consciencieux en disant : « craignez une calamité qui n'affligera pas exclusivement les injustes d'entre vous » (Al-Anfâl : 25), le sens est que le châtiment touchera tout le monde, peu importe la quantité importante des justes. Ainsi, le châtiment divin a touché beaucoup de nations antérieures qui ont choisi l’égarement au lieu du droit chemin. En adoptant le système corrompu, au final Allah a changé leur situation glorieuse et triomphante, car ils ont délaissé autant qu’ils ont pu et négligé autant qu’ils ont pu : « Telle est la règle établie par Allah envers ceux qui ont vécu auparavant et tu ne trouveras pas de changement dans la règle d'Allah » (Al-Ahzâb : 62).

J’ai mentionné ici en écrit le peu qui me préoccupe, car à chaque fois que je veux rédiger un texte d’orientation pour éclairer ceux qui sont doués de raison afin de renforcer leur foi et motiver leurs aptitudes, je me retrouve inopinément dans le désespoir comme si j’avais les mains et les pieds liés, parfois je fais un saut et parfois je trébuche, c’est à dire lorsque j’observe les principes de notre religion et le but de notre loi (Chari’â), je fais un saut tel un lion, et lorsque j’observe notre condition désolante et la déchéance de de notre puissance, je trébuche et me retrouve au sol honteux d’appartenir à une religion à laquelle nous avons causé tant de tort et lui faisons plus de mal que de bien. 

Par cette occasion, il me vient à l’esprit un entretien que j’ai eu avec un européen que j’avais rendu visite, mon intention était de lui faire découvrir l’authenticité de notre religion et lui mentionner de ses qualités ce dont j'en suis certain. Après lui avoir étalé le plus important avec simplicité, cet homme m’a dit : « Je suis satisfait de ce que vous m’avez démontré, mais je ne puis penser du bien des musulmans ou envier leurs comportements, et je constate que leurs faits et gestes ne proviennent que de celui qui n’obéit à aucune religion ». Je lui ai dit : « Je voudrai que tu aimes l’islam, pas les musulmans, car l’islam est une chose et les musulmans autre chose, et c’est ce que je veux que tu distingues ». À ce moment-là il s’est engagé à aimer l’islam et a souhaité que Dieu lui fasse rencontrer ceux qui incarnent ses nobles qualités.

Je te supplie, ô Seigneur, de lever la brume de nos yeux et nos cœurs, de nous faire profiter de ce que tu as déposé en nous, et de ne pas nous blâmer pour notre négligence ou pour ce que les insensés d’entre nous ont fait, « et si tu ne nous pardonnes pas et n’aie pas pitié de nous, nous serons certes parmi les perdants » (Al-A’raf : 23).


Source : Pourquoi nous marchons en arrière ? Journal Al-Balagh al-Jazairi, n° 70 du 18-05-1928.

Pour lire le texte en arabe, cliquez sur ce lien

Traduit de l'Arabe par Derwish al-Alawi, Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawi.

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