Cheikh Ben Alioua, par Fançois Berge (extrait) - Notre temps 01/12/1929

Les villes indigènes de la côte sont peut-être restées plus pures que les autres, mieux séparées des villes européennes qui 
leur ont été accolées. J’ai été, à Mostaganem, rendre visite au cheikh Ben Alioua, fondateur d’une confrérie, donc a priori l’un des plus pieux parmi les musulmans d’Algérie.

Ce n’est pas le lieu de développer ici la grande impression de paix qui régnait dans le petit couvent (zaouia) où je l’ai trouvé parmi ses disciples. Mais voici un homme dont les premières œuvres exprimaient la mystique la plus ardente et la plus traditionnelle, et qui, à cinquante ans passés, rajeunissant sa pensée et son style, publie, sous le titre de "Problèmes Allawiya" (nom de sa confrérie), un véritable essai de religion naturelle, l’Islam étant cette religion naturelle.

"Peu importe la façon dont vous vous représentez Dieu, me dit-il. Une seule chose compte, c’est que vous croyiez en Dieu, quel qu’il soit". 

Tous les marabouts d’Algérie n’ont pas une vision aussi large que le cheikh Ben Alioua, ni aussi élevée.

Mais cet homme n’est pas un isolé, les couvents (zaouias) dépendant de sa confrérie sont nombreux, et même hors d’Afrique; il y en a deux aux environs de Paris et un aux États-Unis, dans l’État d’Ohio.  

"L’Islam, me dit-il encore avec une certaine insistance, l’Islam est une religion moderne. L’Islam n’impose pas beaucoup de règles, sa croyance est simple. Quelques interdictions alimentaires... Cinq prières, cela vous paraît beaucoup, mais guère à celui qui en a l’habitude"....

C’est d’ailleurs par un retour à la tradition la plus primitive et à la pureté des dogmes effectivement très simples, que les musulmans modernistes de tous pays veulent insérer leur religion dans la civilisation contemporaine.

Cependant, il doit rester encore, dans le sud surtout, quelques familles de grands chefs dont les membres sont détenteurs d’une culture plus ou moins étendue et vivent à l’arabe. Je rapprocherai d’eux des personnalités telles que le cheikh Ben Alioua bien qu’il vive à la mode arabe, dans un décor arabe, et qu’il ait même une connaissance incomplète de la langue française, nous ne saurions en aucune manière le déclarer moins évolué que nous, moins avancé en civilisation, ce que je rapporte à une certaine attitude déliée de l’esprit et de l’intellect, et à la connaissance des contingences humaines.






























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