Récits - un vrai ‘alawî, ne boit plus jamais de café !

En 1930, l’Algérie fut frappée par une grave crise économique, qui se répercuta clairement sur les marchés, lesquels commencèrent à se vider progressivement des denrées alimentaires de base. 

Parmi les produits devenus les plus rares à cette époque figurait le café, cette plante magique qui n’était pas simplement une boisson, mais un rituel sacré quotidien partagé avec passion par les Algériens. 

Au cœur de Mostaganem, la grande zawiya ‘alawiyya traversait des temps difficiles. La pénurie alimentaire atteignait son paroxysme, et le café -symbole d’hospitalité et compagnon des méditations spirituelles- avait disparu des tables de la zawiya. 

Un jour, alors que la crise étouffait les âmes, le Cheikh Ahmed Al-‘Alawî sortit de sa retraite spirituelle. Il marchait lentement à travers les couloirs de sa zawiya, observant les visages fatigués et les cœurs alourdis de soucis. Il remarqua quelque chose d’étrange dans les traits des présents : les initiés, les disciples, même les visiteurs affichaient des expressions d’agacement, de dégoût, comme si un bien précieux leur avait été arraché. 

Le Cheikh s’approcha et demanda calmement mais fermement au moqaddem de la zawiya : 

- "Qu’arrive-t-il aux disciples ?" 

Le moqaddem répondit avec une gêne palpable : 

- "Sîdî… ils se plaignent de l’absence du café." 

À ce moment-là, le Cheikh Al-‘Alawî s’arrêta un instant, leva la tête, puis s’adressa à tous d’une voix forte, empreinte de puissance et de détermination : 

- "Que quiconque se considère comme un ‘alawî, qu’il ne boive plus jamais de café à partir de maintenant !".

Ces paroles résonnèrent comme un décret spirituel, indiscutable et irrévocable. Ce n’était pas un simple appel à l’austérité, mais une épreuve de sincérité, un test du détachement des attachements matériels. Car, aux yeux du Cheikh, être véritablement "‘alawî", c’est s’élever au-dessus des besoins, discipliner l’âme pour qu’elle ne désire pas ce qui lui manque, et puiser sa force à l’intérieur de soi, non dans une tasse de café éphémère. (Le thé, lui, a échappé à l’interdit du Cheikh, que Dieu l’agrée !)

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