L’Assemblée constituante de l'AOMA - Alger Républicain 18-08-1945

Voici un article qui mentionne la présence du Cheikh Alawi (Benalioua) lors de l’Assemblée Constituante des Oulémas musulmans d'Algérie en  juillet 1931.



 

Étant un des fondateurs de ce groupement, ayant été son premier secrétaire général, ayant occupé ce poste, le plus important après la présidence, pendant cinq années entières et consécutives, ayant pris une part "active à toutes les luttes qu’il eut à soutenir contre ses redoutables adversaires et à toutes les démarches qu’il dut faire auprès des autorités pour se défendre contre les accusations dont il était l’objet, et étant enfin la première victime des représailles qu’il eut à subir, je me crois qualifié pour en parler en toute connaissance de cause, ce qui ne veut point dire que j’en parlerai en partisan.

Je ne veux à aucun prix donner à la mise au point que je crois nécessaire de faire, aujourd’hui, le caractère d’une polémique. Je désire qu’elle soit considérée comme un simple témoignage sur ce que je sais, ce que j’ai vu et ce que j’ai entendu. Cette mise au point est d’ailleurs destinée moins au public musulman, pour qui la cause est depuis longtemps entendue, qu’au public européen qui ignore presque tout du rôle et de l’œuvre des « Oulémas » et à M. Marc Rucart lui-même qui, s’il ne doute pas de ma bonne foi comme je n’ai jamais douté de la sienne, finira par se rendre compte que le jugement qu’il a porté sur le groupement en question est d’une terrible sévérité et doit être dans une large mesure, révisé.

En mai 1931, un groupe d’intellectuels musulmans (journalistes et professeurs), dont le cheikh Abdelhamid Benbadis, fils d’une grande famille constantinoise dont l'administration française connaît les membres les plus marquants, cheikh Taïeb El Okbi, cheikh Bachir Brahimi, cheikh Mobarek El Mili, tous trois Oulémas algériens, et le signataire de ces lignes, ancien élève de la Médersa de Constantine, fier de sa double culture et ayant une égale admiration et une égale vénération pour le maître qui lui apprit l’alphabet sur le tableau noir et pour le modeste Taleb qui lui traça les premiers versets du Coran sur la planchette, ces intellectuels dis-je, émus par la lamentable situation dans laquelle se débattaient leurs coreligionnaires, se réunirent à Alger et créèrent une association à laquelle ils donnèrent le nom d’ « Association des Oulémas d’Algérie ». Le but de l'association, est-il dit dans ses statuts dont nous publierons prochainement le texte intégral, est de « poursuivre l’éducation morale et sociale des populations algériennes, dans le cadre des lois vigueur, et de combattre l’ignorance, l’obscurantisme et tous les fléaux sociaux ».

A l’Assemblée constituante qui fut tenue au Cercle du Progrès assistèrent, non seulement les « Oulémas » ci-dessus nommés, considérés comme « Oulémas » modernes, mais aussi d’autres lettrés de toute obédience, venus de tous les coins d’Algérie, même du Sud et de l’Oued M’Zab. Il y avait non seulement des lettrés laïques, mais aussi des marabouts, dont le célèbre Cheikh Benalioua, fondateur de la Zaouïa de Mostaganem.

Le premier conseil d’administration, élu en mai 1931, comprenait, en plus des intellectuels cités plus haut, des marabouts et des lettrés des trois départements connus pour leur fidélité et leur dévouement à l’Administration française.

La première année tout alla bien, nos oulémas déposèrent leurs statuts à la préfecture, allèrent présenter leurs hommages au directeur des Affaires indigènes qui les reçut avec courtoisie, et après un échange de vue sur le programme et le but de l'Association, leur promit de bienveillant concours de l’Administration, puis ils se répandirent dans les trois départements pour prendre contact avec la population et faire la propagande nécessaire à leur ouvre.

Partout, non seulement la population musulmane mais aussi les autorités locales, leur réservèrent le meilleur accueil. Parmi les représentants de l’autorité : sous-préfets, maires et administrateurs des communes mixtes, ils se trouvaient des arabisants distingués qui assistèrent aux conférences de nos « Oulémas », eurent avec eux des entretiens privés, se déclarèrent enchantés par l’œuvre entreprise par les « Oulémas », et dirent publiquement à ceux-ci qu’ils pouvaient compter sur tout leur appui.

Moi-même je garde encore le plus agréable souvenir de ces cérémonies d’inauguration de mosquées ou d’écoles coraniques au cours desquelles j’entendis de la bouche du maire ou de l’administrateur, les paroles les plus réconfortantes.

Mais, dès la seconde année, le démon de la discorde fit son apparition et exerça des ravages dans les rangs des « Oulémas ». Ce sont d’abord les « Oulémas » d’obédience maraboutique qui firent défection et se retirèrent en bloc du conseil d’administration parce qu’ils se sentirent menacés dans leurs privilèges. Voici exactement ce qui s’est passé.

Les « Oulémas » qui, comme nous l’avons dit, poursuivaient « l’éducation morale et sociale des masses », préconisaient dans leurs prêches, entre autres moyens, de lutter contre l’obscurantisme et le fanatisme, le retour au pur dogme coranique, aux vrais préceptes du livre saint et de la Sounna. Ils combattirent les superstitions, les préjugés, les fausses croyances, vestiges d’un paganisme condamné par le Coran et encore exploité par certains marabouts. Ils (les Oulémas) déclarèrent ouvertement la guerre au fanatisme (M. Rucart voudra bien me croire) et aux pratiques fétichistes qui faisaient le profit d’un nombre respectable de sorciers. Craignant autant pour leur prestige que pour leurs petits commerces, ces sorciers, ces marchands d’amulettes, ces vendeurs de « baraka » comme on les appelait alors, s’allièrent avec les grands chefs des Zaouïas ou plus exactement, se mirent sous leur protection. Ceux-ci qui, pourtant, représentaient des écoles mystiques et d’importantes traditions islamiques, réagirent immédiatement contre l’action des « Oulémas », dont leurs progrès étaient, surtout dans certaines régions, véritablement foudroyants.

La réaction des marabouts fut d’une violence Inouïe. La défense des « Oulémas » fut non moins énergique. Les hostilités avaient d’ailleurs déjà commencé dès octobre 1932, lors de la deuxième assemblée générale annuelle. Elles allaient se poursuivre avec le dernier acharnement.

 

Après l'orage (Fanatisme-Panarabisme-Oulémas) par Lamine Lamoudi Alger Républicain 18-08-1945

Il y a une suite à cet article du 21-08-1945

Un autre article plus détaillé du journal L'Ikdam : L'Islam, Le Rachidi : 01-07-1931



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