Sa naissance et son éducation (1824)
Mohammed Ben Habib El Bouzidi, est né
dans le sud de la ville de Mostaganem dans la vallée des jardins, connue sous
le nom de "Debdaba" et plus précisément à "Jenane Tekarli"
en 1824.
Il reçut les bases de l'enseignement
de son père Habib, qui était un éminent savant de la région, puis il se déplaça
quelques années plus tard, au village "Bou Guirat" dans la périphérie
de Mostaganem à la zaouïa Senoussia et devint l'élève de l'éminent Cheikh Charef
Ben Tekkouk où il apprit le Coran et ses sciences, la jurisprudence (Fiqh) et
la grammaire.
L’exil et la rencontre du maître (estimé
en 1844)
Lors de cette période d'apprentissage,
Mohammed El Bouzidi, qui n'avait pas encore vingt ans, retournait de temps en
temps à la ville de Mostaganem pour rendre visite à sa famille. Un jour, alors
qu'il était chez ses parents, il accompagna son père au marché et fut arrêté
par les autorités coloniales françaises l'accusant d'être un informateur de l'Émir
Abdelkader, en venant au marché s'informer et transmettre les nouvelles à la
résistance. Le responsable de cette accusation était un agent (musulman)
qui collaborait avec l'autorité militaire française. Il resta quelques jours en
prison sous la torture, puis relâché sur l'intervention de l'un de ses oncles
maternelle de la famille "Ben Yakhou", qui lui conseilla de quitter la ville car
sa vie serait en danger.
Il quitta sa ville natale et prit la
direction de l'ouest algérien jusqu'à ce qu'il arrive à Tlemcen. Comme il ne
connaissant personne dans cette ville, il se dirigea tout naturellement vers le
tombeau du secoureur "El Ghaouth" Abou Medienne Choaïb El Andaloussi, qui se
trouve sur la colline de "El Obbâd".
A ce propos, Ahmed al-Alawi, avait
rapporté que son maître El Bouzidi avait narré les détails de sa visite au
tombeau d'Abou Medienne : "je passai une nuit auprès de sa tombe et après
avoir récité du Coran, je m‘endormis. Il vint alors vers moi avec l’un de mes
ancêtres (Bouzid "El Ghaouth" le secoureur), ils me saluèrent puis il dit : va
au Maroc, j’ai aplani la voie pour toi, je répondis : mais le Maroc est plein
de serpent venimeux, je ne puis habiter là-bas. Alors il passa sa main bénie
sur mon corps et dit : va et ne crains rien, je te protègerai contre tous les
malheurs qui pourraient t’arriver ! Je me réveillai tremblant d’une crainte
révérencielle, puis immédiatement quittant sa tombe, je me dirigeai vers
l’ouest et ce fut au Maroc, que je rencontrai le Cheikh Mohammed Ben Kaddour El Ouakili." Sa zaouïa se trouvait au "Djebel Kerker" dans la région du Rif,
chez les "Béni Bou Yahya". C'est alors que sous son obédience que Dieu lui
favorisa le dévoilement spirituel (Fath) et devint par la suite
très proche de son maître où il passa plusieurs années à son service (33 ans
selon Cheikh al-Alawi). C'est pour cette raison que Cheikh El Bouzidi ordonnait souvent
à ses disciples de visiter souvent le tombeau d'Abou Medienne et mentionnait
ses grâces.
Il avait l'habitude de dire à son
maitre, lorsqu’il fut témoin de ses bénédictions, de son étonnant secret et du
dévoilement si rapide : "maitre, notre pays est dépourvu de cette
science". Il lui répondit : "Les gens de votre pays sont nos
enfants, ils auront un étrange secret, et les gens n’auront pas une bonne
opinion sur eux. A ce moment là alors, vous serez soulagés".
Cheikh El Bouzidi, fut interrogé sur
la bénédiction, qu'est-ce que c'est ? Il a dit: C'est la sobriété et le
contentement, c'est un trésor indestructible, donc quiconque en a, il n'aura
besoin de personne. Lorsque nous étions avec Cheikh Mohammed ben Kaddour, pendant
certains jours, nous mangions des herbes, buvant de l'eau d'e "Ain Zorah", nous
dormions sur des nattes et vivions dans des grottes. Lorsque le maitre nous
envoyait récolter ce que la terre fournissait,
mes condisciples choisissait seulement ce qui est consommable, quant à
moi, je ramassais ce qui se présentait à moi, alors ils me réprimandaient en me
disant qu'il y a des herbes non comestibles. Le maitre Mohammed ben Kaddour leur
disait : "Laissez El Bouzidi, il est la chamelle de Dieu, il mange sur la
terre de Dieu ou bon lui semble". Et nous étions dans un confort et un
contentement que leur volupté n'a pas d’égal.
Les premières années du nouveau
Cheikh Derkaoui (1867)
Lorsque Mohammed Ben Kaddour El Ouakili
senti l'heure de la mort approcher, à de nombreuses reprises, faisait l'éloge
de son élève en disant : "El Bouzidi a pris la gourde avec ses liens
!" (À l'époque, la gourde était faite avec la peau de chèvre et on la
maintenait fermée par des cordes ou des ficelles). Cette allusion ne peut être
plus claire, elle indiquait qu'il était son successeur et l'héritier du dépôt.
Il autorisa par la suite à plusieurs de ses disciples la transmission des
enseignements de la confrérie Derkaouia, de guider et leur permis de retourner
auprès de leurs familles. Parmi eux :
- Abdelkader Ben Adda El Bouabdelli (Relizane, Algérie).
- Mohammed Ben Massoud (Razaouet ou Ghazaouet, Algérie).
- Mohammed El Hibri (Ahfir, Maroc)
Ensuite il chargea Mohammed El
Bouzidi de le succéder, à gérer sa zaouïa et veiller à l'éducation de ses
enfants encore jeunes et le maria à sa servante, et lui ordonna de ne point
quitter la zaouïa jusqu'à ce qu'il ait la permission (sous forme de signe qui
est l'hostilité des gens de Kerker à son égard).
Après le décès de Mohammed Ben Kaddour, Mohammed El Bouzidi mena à bien son rôle de maitre éducateur et
guide spirituel. Il usait avec sagesse dans la méthode de son éducation. Plus
fréquemment, et à mesure que le nombre d'adeptes augmentait et ne trouvaient
pas d'endroit pour s'asseoir lors des cérémonies spirituelles, par manque de
tapis, il ordonnait qu'on coupe de grandes feuilles épaisses et les étaler sur
le sol de sorte qu'elles forment un tapis vert et leur disait :
"asseyez-vous ! Ce sont des étoffes de soie fine et de brocart !", faisant ainsi allusion à un passage du Coran : "Voilà ceux qui auront les
jardins du séjour (éternel), sous lesquels coulent les ruisseaux. Ils y seront
parés de bracelets d'or et se vêtiront d'habits verts de soie fine et de
brocart, accoudés sur des divans (bien ornés). Quelle bonne récompense et
quelle belle demeure !" (S. Kahf, 31).
Il resta quelques années à remplir sa
mission de maître spirituel en plus de son rôle de tuteur des enfants de son maître.
Jusqu'au jour ou l’un des enfants manifesta de l'hostilité envers lui, il fut
trompé par un ancien disciple atteint de jalousie envers Mohammed El Bouzidi
l'accusant des plus odieux des actes immorales et les incita à le tuer, car
d'après lui, il s'est emparé de la zaouïa de leur père et occupait leur place.
Lorsque Mohammed El Bouzidi fut
alerté de ce qui se passait dans les coulisses par l'un de ses fidèles adeptes,
il prit la décision de partir et dit: "ceci est le signe et la permission
de décamper et aller là où la volonté divine a décidé, et grâce à Dieu, j'ai
mené jusqu'au bout ce que m'a chargé mon maître dans l'éducation de ses enfants,
et maintenant, je suis convaincu qu'ils ont atteint l'âge adulte, donc je n'ai
plus rien à craindre pour eux".
Son séjour à Ouardana et début de sa
célébrité (estimé entre 1873 et 1880)
Ainsi Mohammed El Bouzidi quitta le
mont "Kerker" et la zaouïa de son maître et alla chez les Béni Saïd. Il fut
rejoint peu de temps après par ses disciples de la zaouïa de "Kerker" et pu
reprendre son enseignement. Mais la menace grandissante de le tuer devint de
plus en plus sérieuse, ce qu'il le poussa à partir de nouveau par une nuit en
direction de l’est cette fois-ci, en marchant seulement pendant la nuit et
évitait de le faire de jour, afin qu'il ne soit repéré par ceux qui demandaient
sa mort. Jusqu'à ce qu'il arriva à l'heure de la prière du soir à "Ouardana", un
petit village de la tribu des "Béni Oulichek". Il se dirigea vers sa mosquée et
demanda l'hospitalité. On lui demanda de se présenter, il leur répondit :
"J'enseigne le Coran et l'éducation religieuse aux enfants." Ils lui
offrirent à manger, puis dirigea la prière du soir. A la fin de la prière, ils regrettèrent
de ne pouvoir l'héberger dans leurs foyers par crainte -pour lui- des attaques
des autres tribus avoisinantes. Certains lui ont demandé de passer la nuit à la
mosquée, mais l'ont mis en garde contre un sournois démon (Jinni) qui hantait
la mosquée et qui aurait causé la mort à une grande partie des enseignants de Coran,
puis ont rajouté : "Si vous êtes tel que vous le dites, vous voilà libre
dans la mosquée, sinon partez". Il leur répondit par ces mots :
"Personne ne peut mourir que par la permission d'Allah". (S. Âl Imrân, 145), moi-même, ainsi que cet injuste, n'échapperons au décret
de Dieu".
Après que les personnes se
dispersèrent et rejoignirent leurs foyers, Mohammed El Bouzidi resta assis en
méditant en la compagnie du Très-Haut, jusqu'à ce qu'apparut le démon sous une
forme redoutable et une voix horrible, il crachait du feu et la fumée de sa bouche
et de son nez. Cheikh El Bouzidi récita sourate de l'Unicité (Ikhlâs). C'est
alors que Dieu raffermit son cœur et lui apporta son soutien. Il répéta en
boucle la récitation, tout en pointant son index vers le démon qui ne cessait
de se déplacer, jusqu'à ce que la lumière de la sourate le brûla et le
transforma en poignée de cendres. Le Cheikh put par la suite se reposer et
dormir. Avant l'aube, il se leva pour lire ses litanies (awrâd) et faire la
prière du matin (Fajr) en solitaire.
Quelques moments après, la population
du village est venue voir le cheikh (El Fqîh), on le trouva dans la
quiétude et le réconfort, psalmodiant ses litanies. Étonnés, ils lui demandèrent
ce qu'est devenu l'injuste (Jinni), il leur répondit : "Dieu a purifié la
mosquée de sa présence" et pointa son index vers la poignée de cendres en
disant : "enterrez-la !". Leurs pupilles alors grandissantes et
devenaient rondes devant ce fabuleux prodige. Ayant manifesté le désir de
prendre congé, et devenu désormais digne de considération à leur yeux ébahis,
ils l'empêchèrent de partir et fut prié de rester, en évoquant la nécessité
d'éduquer leurs enfants, et insistèrent longtemps. Leur intention était de
faire en sorte qu’il fût détourné de son voyage, pour parvenir à cette fin,
leur illustre notable Mohammed Ben Yahya El Ouardani lui proposa de le marier à
sa fille Fatima, sans condition aucune ; ce qu’il accepta et finit par rester
parmi eux.
La nouvelle du prodige s'est répandue
dans tout le nord du Maroc et arriva tout naturellement aux oreilles des disciples
de la zaouïa de "Kerker", qui ne tardèrent pas à rejoindre leur maître, mais
Cheikh El Bouzidi leur a ordonné de repartir en disant : "Je ne vais pas
rester ici, je suis déterminé à retourner à mon pays".
Le village de "Ouardâna" devint un
centre spirituel qui attira des personnes assoiffés de science et de vérité.
Cheikh Mohammed El Bouzidi prodiguait ses enseignements et forma des Oulémas dans le droit (Charia) et le soufisme, dont un grand
nombre d'entre eux sont devenus des imminents savants et des gnostiques. C'est
ainsi que, dans ce village, Cheikh Mohammed El Bouzidi, fut surnommé "Sidi Hammou Cheikh", car dans le nord du Maroc, dans la région du Rif, la
population rurale prononce le nom de Mohammed par "Hammou".
Le retour au bercail et diffusion de
la voie Derkaouia (1880)
Lorsque Cheikh El Bouzidi s'aperçut
que l'appel à Dieu fut accepté et qu'il toucha à sa fin, que les cœurs des
croyants baignèrent dans la lumière et que la bénédiction se déploya dans le
pays. Il prit conscience que sa mission est terminée dans cette région.
En compagnie de son épouse, il se
dirigea en direction de l'Algérie, à sa ville natale Mostaganem. Arrivé à
Melilla, il passa deux jours dans la mosquée de Moulay Idris puis prit le
bateau pour Mostaganem.
Sa nouvelle résidence était une
maison qui se trouvait à coté de la mosquée de "Sidi Yakoub". Au début il
n'invita personne à la voie et se contenta seulement d’enseigner le Coran aux
enfants et resta pour un certain temps assez discret. Beaucoup de gens
s'attachèrent à lui et se rassemblaient dans son école où il enseignait le
Coran qui faisait office de zaouïa.
Mais pour l’éprouver, Allah mit sur
son chemin un homme (qui était cheikh de zaouïa), qu’il lui fit si grand tort
qu’il se trouva en butte à toutes sortes de difficultés. Sur l’injonction du
Prophète (§) vu en vision onirique, il l’ordonna de rester silencieux. Il fut forcé
malgré lui de ne plus inviter les gens à l'appel à Dieu jusqu'au point qu'il se
sentait se consumer, mais continua toutefois à enseigner le Coran aux petits,
et rendait visite de temps en temps à ses disciples à leurs lieux de travail
pour s’informer de leurs états spirituels et leur cheminement. Ce mutisme dura plusieurs
années. Une autre vision onirique l’encouragea à propager de nouveau les
enseignements Derkaoui, il vit une grande assemblée d'adeptes et chacun portait
au cou son rosaire et le Prophète (§) l'autorisa à l'appel à Dieu de nouveau en lui
disant : "parle sans gêne!".
La rencontre avec Ahmed Ben Alioua
1893-94
Cheikh El Bouzidi ne tarda pas alors
à croiser le chemin de son futur disciple Ahmed Ben Alioua, plus connu plus
tard par "al-Alawi" et son cousin maternel et associé dans le commerce Benaouda
Benslimane entre 1893 et 1894, ce dernier, fût le premier à s'attacher au
maître El Bouzidi deux mois avant son associé lorsqu'il reconnu en lui les
signes du guide à Dieu. "Bien que Cheikh El Bouzidi vivait certes effacé,
mais sa droiture d’âme, ses vastes connaissances sur le plan soufique, sa
douceur malgré les adversités, tout semblait le désigner comme seul guide
spirituel valable dans Mostaganem", c’est du moins ce que pensait Benaouda
Benslimane et qui en parlait longuement à Ahmed Ben Alioua avec une emphase
sincère.
Un jour, Cheikh El Bouzidi passait
devant la boutique des deux associés, il tenait comme à ses habitudes sa canne
dans la main et son chapelet autour de son cou, et voilà que, Benaouda s’avança
vers lui, l’invita à entrer dans la boutique et à s’asseoir, le Cheikh ayant
accepté l’invitation, ils s’entretinrent un moment, tandis que Ahmed était
absorbé par son travail. Cheikh El Bouzidi, ayant manifesté le désir de prendre
congé, fut prié de retourner auprès des deux cousins et de ne plus interrompre
ses visites. "Ses propos sont d’une teneur plus élevées que ce qu’on lit
dans les livres", fit remarquer Benaouda. Le Cheikh revint voir les deux associés
assez fréquemment. Deux mois plus tard, Ahmed fut affilié à la confrérie Derkaouia
(1894). De nuit Cheikh El Bouzidi prodiguait des enseignements aux disciples
qui affluaient de plus en plus nombreux dans la boutique des deux associés, qui
revêtait plus le cachet d’une zaouïa que celui d’un lieu de commerce. De jour,
ils s’y adonnaient au dhikr.
Un jour, un imminent savant de Sfax en Tunisie, fût invité à Mostaganem, c'était en Novembre 1895. A l’époque, la
population de cette ville accueillait avec joie les hommes de Dieu, de science
et se rassemblait autour d'eux au point qu'elle fut surnommée "la petite
Egypte". L'appel fût donc lancé que "le Cheikh Mohammed Zafer El Madani El
Sfaxi est l'hôte de la zaouïa du Cheikh El Harrag Benkritly située à "Tijditt"
près de la tombe de Sidi Senoussi, venez nombreux, venez tirer profit (des enseignements)".
Au cours de la réception dans la zaouïa
du Cheikh El Harrag, qui était encore en vie, c'était un saint homme,
charitable ; a dépensé tout son argent dans des projets de charité pour l'amour
de Dieu. Toutes les dépenses de ces jours de manifestations spirituelles avec les
obligations d'hospitalité envers son hôte tunisien et le public, étaient à ses
frais. Il a du s'absenter quelques moments aux yeux des invités pour formuler
des directives concernant quelques services pour ses hôtes, Cheikh El Madani
l'appela à haute voix : "Sidi El Harrag!", à trois reprises, (Harrag
: littéralement brûleur). Cheikh El Bouzidi, qui était présent, et assis au
dernier rang, lui dit aussitôt : "El Harrag (le brûleur) ne l'est vraiment
dans notre voie, que seulement, lorsqu'il brûlera tout l'univers du trône
jusqu'à son étendue !". Cheikh El Madani fut surpris par ces paroles et
demanda qui était l’homme qui vient de parler ? Les Oulémas qui étaient à ses
cotés lui répondirent : "il se nomme El Bouzidi, c'est un enseignant du Coran
pour les enfants", Cheikh El Madani répondit : "C'est plutôt un
maitre pour les adultes, appelez le !" Cheikh El Bouzidi avança près de
lui et tous deux discutèrent des sciences de la communauté des soufis (ilm
Qawm).
Lorsque Cheikh El Madani s'aperçut
très clairement du véritable statut du Cheikh El Bouzidi, il se mit debout et
s'adressa au public en exprimant son admiration pour Cheikh El Bouzidi et finit
son allocution par ceci : "Frères, pour demain, si Dieu le veut, chacun de
vous notera sur un feuille tout ce qu'il l'inspire en mentionnant son nom et me
l'apporte." Cheikh El Bouzidi chargea son disciple Ahmed Ben Alioua de
notifier ce qui l'inspire. Le lendemain, beaucoup de personnes apportèrent avec
eux des bouts de papiers et les posèrent devant Cheikh El Madani qui s'est mis
à les lire et fut interpellé par une feuille qui comportait ces vers :
Selon ton désir, par un regard,
Tu abreuveras toute l'humanité
Sinon, par un simple coup d'œil,
Tu effaceras le monde entier
Il l'a saisit et dit : "Prenez
ces papiers et brûlez-les !", puis demanda à son entourage : "qui a
écrit ceci ?", ils lui répondirent : "Il est le disciple de l'homme
qui a parlé hier (Ahmed Ben Alioua)". Il s'étonna alors du cas particulier de la population
de Mostaganem, puis prit publiquement la parole. Après avoir loué et glorifié
Dieu et adresser ses prières et ses salutations au Prophète, il déclara ceci :
"Ô gens de Mostaganem, comment avez-vous négligé un homme qui est le guide
contemporain, et unique en son temps. Je le jure par Dieu l'Unique, si j'avais
su qu'un homme tel que lui se trouvait dans cette ville, je ne serai pas venu,
et s'il en était indispensable, je ne viendrai pas sans sa permission !".
Puis finit en disant : " Ô gens de Mostaganem, si votre désir est Dieu,
votre ville est pleine d'hommes de Dieu, quand à moi, ne m'attendez plus après
ce jour ! " Il quitta Mostaganem et n'est plus revenu depuis
En cette nuit, et au milieu de cette
vaste assemblée, la célébrité du Cheikh Mohammed El Bouzidi est réapparue, et
s'attacha à lui certains individus des plus éminentes et illustres familles de
Mostaganem connues pour la pureté de leurs éthiques morales.
Cheikh El Bouzidi put s’acquérir
d’une zaouïa à Tijditt à l'endroit connue aujourd'hui grâce à la générosité de
ses disciples et en particulier Ahmed Ben Ismaïl (Bensmaine), et on vit arriver
les grands maitres en particulier Cheikh Mohammed Benyelles de Tlemcen, qui fût
un Cheikh Derkaoui et s'exila par la suite en Syrie, ainsi que Cheikh Larbi Techouar
de Tlemcen également et la notoriété du Cheikh El Bouzidi a atteint divers endroits
de l'ouest du pays et du nord du Maroc et jusqu'au Moyen-Orient. Beaucoup ont
obtenu par la grâce le dévoilement spirituel (Fath), et grâce à eux, combien de
fois ont rejoint la confrérie Derkaouia les tribus tels que les Béni Zeroual et
les Ouled Ahmed, les Selatni's et les Sedaïri's et Âl El Otbi et beaucoup de
gens s'y attachèrent que ce soit individuellement ou en groupes.
Son enseignement
Quant à la manière dont le Cheikh
guidait ses disciples d'étape en étape, elle était variable. A certain, il
aurait parlé de la forme dans laquelle Adam fut crée, a d'autres des Qualités
divines ; chaque enseignement étant particulièrement approprié à chacun. Le
cheikh veillait sur le disciple, l'interrogeait sur ses états et le fortifiait
dans le dhikr de degré en degré, jusqu'à ce que, finalement, il parvint à un
terme où il fut conscient de ce qu'il voyait par son propre pouvoir et sans
l'aide d'autrui. Le Cheikh n'était pas satisfait tant que ce point n'était pas
atteint et il avait l'habitude de citer les paroles Dieu qui concernent :
"Celui que son Seigneur a rendu certain et dont Il a fait suivre la
certitude d'une évidente directe" (S. Houd, 17).
Quand le disciple avait atteint ce
degré de vision indépendante, qui était puissant ou faible selon sa capacité,
le Cheikh le ramenait vers le monde des formes extérieures qu'il avait quitté
et celui-ci lui apparaissait comme l'inverse de ce qu'il était avant,
simplement parce que avait lui la lumière de son œil intérieure. Il le voyait
comme "Lumière sur Lumière" et ainsi qu'il était avant, en réalité.
Il disait que : "le mieux pour
le disciple qu'il se préoccupe de la purification de son cœur avant la
réception de la Lumière divine, jusqu'à ce qu'il soit irradié de la lumière de
son seigneur. (Takhlia qabl Tahlia). C'est alors seulement qu'il connaîtra le
sens de l'unicité".
Il disait aussi : "le disciple
ferait mieux d'interrompre provisoirement ses cours de théologie (Fiqh),
jusqu'à ce qu'il soit irradié de la lumière de son seigneur, car c'est un
devoir que de privilégier l'important par rapport aux choses secondaires".
Sa doctrine "Chadhili" consistait en
ses propos : "L'infini ou monde de l'Absolu, que nous concevons extérieur
à nous, est au contraire universel et existe tel aussi bien en nous-mêmes qu'au
dehors. Il n'y a qu'un monde : c'est celui-là.
Ce que nous considérons comme le
monde sensible, le monde du fini ou temporel, n'est qu'un ensemble de voiles
cachant le monde réel. Ces voiles sont nos propres sens qui ne nous donnent pas
la vision exacte des choses, mais qui, au contraire, en empêchent et limitent
la pleine perception : nos yeux sont les voiles de la vraie vue ; nos oreilles
un voile de l'ouïe véritable, et ainsi des autres sens. Pour se rendre compte
de l'existence du monde réel, il faut faire tomber ces voiles que sont les sens
; il faut en supprimer tout fonctionnement, fermer les yeux, se boucher les
oreilles, s'abstraire du goût, de l'odorat, du toucher. Que reste-t-il alors à
l'homme ? Il reste une légère lueur qui lui apparaît comme la lucidité de sa
conscience. Cette lueur est très faible à cause des voiles qui l'entourent ;
mais il y a continuité parfaite entre elle et la grande lumière du Monde
infini. C'est dans cette lueur que se concentre alors la perception du cœur, de
l'âme, de l'esprit, de la pensée.
Le "dhikr" du Nom divin, du Nom de
l'Infini "Allah" est comme le va-et-vient qui affirme la communication de
plus en plus complète jusqu'à l'identité (entre) les lueurs de la conscience et
les éblouissantes fulgurations de l'Infini. Cette continuité étant constatée,
notre conscience peut, par le "dhikr", couler en quelque sorte, se répandre
dans l'Infini et fusionner avec lui au point que l'Homme arrive à se rendre
compte que seul l'infini est, et que lui, l'Homme conscient, n'existe que comme
voile.
Une fois cet état réalisé, toutes les
lumières de la Vie Infinie peuvent pénétrer l'âme du soufi et le faire
participer à la Vie Divine ; il est en droit de s'écrier "Le divin est en moi !".
L'opération qui lui reste à poursuivre est si subtile, tellement délicate, qu'il
est nécessaire que l'esprit soit dégagé des préoccupations de tous genres et
que le cœur reste vide.
Son comportement et ses éthiques
morales
La morale de Cheikh El Bouzidi était exemplaire
dans le sens le plus large du terme. Il était le thérapeute des cœurs et des
corps. Ainsi que ses prodiges relatifs à l’assujettissement des djinns, qui
assistaient à ses rassemblements (spirituels) et sollicitaient ses bénédictions,
et s’enrôlaient dans sa voie, et lui rendaient visite dans les nécessités.
Une de ses qualités assez
exceptionnelle, pour un homme pieux comme lui, est de se rendre dans les
maisons closes pour instruire et persuader les prostituées de se remettre dans
le droit chemin. Il exhortait ses disciples célibataires à épouser l’une d’elles,
en leur disant, qu’ils ont un grand mérite et une grande récompense auprès de
Dieu pour cette action. Il disait : il y a plus de mérite à sortir les
créatures de l’enfer qu’à prêcher les hommes de vertu.
Une de ses autres qualités, est qu’il
ne tenait pas rancune et pardonnait toutes les offenses subies. Il avait même refusé
de poursuivre le tueur de son fils et de percevoir la compensation financière
due par la famille du tueur.
- Cheikh El Bouzidi était très connu
pour son penchant à l'ascétisme, Un jour, un de ses disciple Ahmed Ben Ismail (Bensmaine)
lui dit : "le préfet demande à vous voir", Cheikh El Bouzidi lui
répondit : "qu'ai-je à faire avec le préfet français, que me veut-il
?" Il lui répondit : "une rencontre amicale, il voudrait savoir
comment vous allez seulement." Cheikh El Bouzidi recueillies ses forces et
son souffle et alla non sans difficulté. Une fois devant le bâtiment de
l'administration, il trouva un fonctionnaire qui l'attendait et l'invita à
entrer dans le bureau du préfet. Après une courte discussion, le préfet lui
présenta un cadeau comportant deux Burnous. Lorsqu'il sorti du bâtiment, il
aperçût un homme déshérité, presque nu, il prit l’un des deux Burnous et le
posa sur ses épaules, puis avança quelques pas et vit un autre homme qui était
dans le même état que le premier, il prit le deuxième Burnous et le posa aussi
sur ses épaules puis retourna à sa zaouïa. Quelques jours plus tard, le
fonctionnaire vint voir ce que le cheikh a fit des Burnous et s'aperçut qu'il
était habillé comme à ses habitudes. Il demanda des explications aux disciples,
qui lui racontèrent ce qu'a fait avec les deux hommes et ce qu'il dit à ce
sujet : "les deux Burnous nous sont venus de la part de Dieu et Lui sont
retournés, et Dieu ne néglige jamais de récompenser les bienfaiteurs !".
- Cheikh El Bouzidi ne possédait
qu'une seule Jubba (robe pour homme). Un jour quelques uns de ses disciples se rendirent
chez lui. Il les accueillit habillé d'une robe de femmes qui était celle de son
épouse. Surpris et perplexes, ils demandèrent la raison de ce déguisement, il
leur répondit : "j'ai lavé ma Jubba et je n'ai rien d'autre à mettre,
seulement ce que vous voyez." Les disciples se lamentèrent d'avoir négligé
leur père spirituel qui ne possède qu’un seul habit, alors qu'eux, possèdent
une multitude de vêtements raffinés puisqu'ils font partie de la bourgeoisie de
la ville de Mostaganem. Ils se pressèrent tous, et retournèrent vers leur
maitre avec des habits raffinés et d'une bonne qualité. Cheikh El Bouzidi leur
restitua leurs vêtements et n'en garda qu'une seule Jubba et leur ordonna de
donner le reste à leurs familles et leurs proches parents défavorisés.
- Un jour, Cheikh El Bouzidi fut
invité à une cérémonie du mariage, il accepta l'invitation. Un autre cheikh de
zaouia accompagné de ses élèves, faisait partie des invités, mais juste avant
d'entrer, on l'informa que Cheikh El Bouzidi était présent. Il jura de ne pas
entrer que si Cheikh El Bouzidi et ses disciples sortaient. Le père du jeune
marié perplexe, consulta son épouse, qui lui suggèra ceci : "je préparerai
un repas pour Cheikh El Bouzidi et sa famille, comme cela, tu peux le faire
partir avec délicatesse." Lorsque le père du jeune marié apporta un plat
de couscous au Cheikh El Bouzidi, celui-ci l'accepta de bon cœur et pria Dieu
pour les jeunes mariés de les lier par l'amour et la bonne cohabitation, et au
père la bénédiction, puis s'en alla. Mais il ne se dirigea pas à sa maison pour
partager le couscous avec sa famille, car Dieu lui a dévoilé un différent qui a
engendré de l'hostilité entre le père du jeune marié et une de ses sœurs, qui ne
fut pas invitée à la cérémonie de l'heureux mariage de son neveu. Donc, il alla
la voir et ce fut son mari qui lui ouvrit la porte, le Cheikh présenta le plat
et lui dit : "Votre beau frère, présente ses excuses pour cet oubli et
vous invite immédiatement à la cérémonie de mariage." Lorsque la femme
entendit ce que dit Cheikh El Bouzidi, elle fut inondée de joie et lança des
youyous et se pressa à participer à la fête de mariage. Les parents du jeune
marié se demandèrent qui les a invités ? Et ils ne le surent que par le plat
qu'ils donnèrent au Cheikh El Bouzidi, revenu plein de gâteaux. Ils reconnurent
en lui la cause de ces retrouvailles entre frère et sœur et de leur réconciliation
si soudaine.
- un jour, Cheikh El Bouzidi,
marchait dans une rue, d'où la plupart des magasins appartenaient à des Juifs.
Un des leur, assez âgé, tomba par terre, Cheikh El Bouzidi courut à lui et
l'aida à se relever tout en le débarrassant de la poussière qui s’est posée sur
ses vêtements et lui remit sa coiffure, en lui disant : "il n'y a pas de
mal, il n'y a pas de mal". Les commerçants Juifs furent surpris du bon comportement
par un porte-étendard de la loi prophétique, et depuis ce jour-là, lorsque
Cheikh El Bouzidi passait devant eux, ils le saluèrent avec vénération et
respect.
- Un jour, un des cheikhs de zaouïa
dit au Cheikh El Bouzidi : "J'ai vu en rêve le Messager de Dieu (§), et m'a
dit qu’El Bouzidi est destiné à l’enfer". Par un sourire chaleureux qui
incarne à la fois jovialité et tolérance, Cheikh El Bouzidi répondit par ces
mots : "que Dieu vous récompense, je pensais que les gens de mon espèce
n’étaient pas mentionnés par le Prophète (§), et qu’il ne se souciait pas d’eux.
Mais louange à Dieu que je sois mentionné par lui (§) et qu'il s’intéresse à mon
cas et s’en rappelle de moi, il est l’intercesseur des pêcheurs comme moi, que
Dieu vous récompense et soyez en paix ".
- Mustapha Benkritly, un des
disciples du Cheikh El Bouzidi, qui était membre du Conseil national de
l'époque coloniale française, se mit un jour dans son uniforme officiel à
l’occasion d’une réception du gouverneur général français en visite à
Mostaganem. Cheikh El Bouzidi alla le voir et lui dit : "porte pour moi
ceci !", il lui donna à porter les intestins et les entrailles de mouton et
le sang qui en coulait attirait les mouches qui grésillaient autour d'eux. Mustapha,
avec toute son élégance et son prestige et le confort de son statut social, se
laissa faire et ne brancha pas et suivi son maitre qui le faisait marcher dans
les grandes rues de Mostaganem. Lorsqu’ils sont arrivés à "El Matmar"
ou la "porte d’El Majahir" qui sépare la zone européenne des
quartiers populaires arabes, le Cheikh l’arrêta et lui dit : "cela suffit
mon fils, je te remercie et je t’apporte la bonne nouvelle que Dieu t’a guéri
de la vanité et de l'égoïsme, de l’arrogance, de toute fierté et de la
notoriété. Qu'est-ce qu'un grand serviteur de Dieu es-tu ! Le Tout-Puissant a associé
pour certains prophètes; la prophétie et le pouvoir, et à certains de ses
saints le statut de sainteté et le pouvoir, et cela les a rendu aussi humbles
devant Dieu qu’ils ne l’étaient. Par leur dépouillement, ils demandant ainsi le
flux de Sa miséricorde et Sa protection dans le reste de leurs jours, jusqu’à
ce qu’ils reviennent à Lui, en étant les plus méritants à la miséricorde et la
grâce de Dieu. Ce grand don donné par Dieu mon fils, est réservé à l’élite de
l’Amour Divin qui n’accepte pas l’arrogant et l'égoïste. Tu as satisfais ton
Seigneur mon fils, que Sa Majesté soit Glorifiée, heureux sois-tu d'avoir
obtenu la félicité dans les deux demeures, ce monde ici-bas et celui de
l’au-delà, que Dieu te préserve et prend grand soin de toi de ce qui reste de tes
jours".
- Un jour, un disciple habitant la
compagne vint rendre visite au Cheikh El Bouzidi, il était avide pour les
délicieux repas qu'il allait prendre chez son maitre. Cheikh El Bouzidi procéda
à son éducation, en élevant son niveau de conscience. Il lui apporta un plat
d'haricots et lui dit : "avance mon fils et mange !". Puis posa sa
main sur son estomac, et lui dit : "ceci n'est qu'un intestin fétide ;
comble-le avec ce qui se présente, et lève-toi à la quête de Dieu, en
mentionnant Son Nom jour et nuit, peut être que Sa miséricorde t'englobera, et
te ravira de ton inconscience et insouciance, et te transportera à l'éveil de
la connaissance, et à la contemplation des lumières de ton Seigneur par ton œil
intérieur. Lorsque l'obscurité de ta nuit se dissipera, la lumière de ton jour
apparaitra, et rayonnera en toi ton soleil. Ne fléchi pas, et ne fuis pas, et
ne t'écroule jamais, jusqu'au jour où tu retourneras vers Dieu en le trouvant
pleinement satisfait de toi".
- Cheikh El Bouzidi parlait à ses
disciples au sujet de l’Ego (Nafs) et ses ruses afin de parvenir à ses fins, et
qu’il est surtout conseillé au disciple de ne pas se mettre en confiance s’il
voit en lui les signes positifs de la soumission et à l'obéissance à Dieu. Car
l’Ego est rusé soixante-dix fois plus que le Satan, et de ce fait, la ruse du Satan
est faible par rapport à l’Ego. Satan est pour l'homme, un ennemi déclaré,
alors que l’Ego est un ennemi caché. Il leur dit, se donnant lui-même en
exemple : " mon Ego continue à m’en parler sur des sujets de jeunesse,
alors que j’ai atteint les quatre vingt ans, et je vois bien que Satan use de
stratagèmes pour me faire piéger, comme le fait le voleur dans la nuit pour
s’introduire dans la maison".
- Un événement très douloureux est
arrivé au Cheikh El Bouzidi lors de la célébration de la naissance du Prophète
Mohammed (§). Son fils a été tué par erreur lors des tirs de feu. Lorsque Cheikh El
Bouzidi arriva sur les lieux du drame, et vit son fils gisant sur le sol,
saignant abondamment, un des participants lui dit : " venez, je vais vous
montrer le meurtrier de votre fils." Le Cheikh lui répond : "va t'en
aberrant ! Le meurtrier de mon fils, je le connais, il est Celui qui a condamné
toute âme à mourir!". Il emmena le cadavre de son fils et l’enterra et ne
déposa pas plainte contre le responsable, se soumettant à la parole du
Tout-Puissant : "Et fais la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand
un malheur les atteint : Certes nous sommes à Allah, et c'est vers Lui que nous
retournerons. Ceux-là reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la
miséricorde; et ceux-là sont les biens guidés " (Âyah [156, 157] de la
Sourate [2] (Baqara).
Ses prodiges (grâces miraculeuses)
Mustapha Benkritly, l'un des
disciples du Cheikh El Bouzidi, était en Voyage en France en compagnie d’un
autre disciple, Ahmed Bensmaine. Mustapha tomba gravement malade et Ahmed
faisait le va et vient à son chevet accompagné à plusieurs reprises de
médecins, et à la dernière fois, il entra accompagné d'un médecin pour lui
prescrire un traitement qui soulagerait sa douleur et trouvèrent Mustapha
debout sur ses jambes et en bonne santé. Le médecin lui demanda : "où est
ce donc ce malade mourant dont vous m’avez parlé ?" Ahmed lui répondit :
"par Dieu je ne sais quoi vous dire, quelques instants avant, il était à
l'agonie et sa température était élevée et gémissait, et maintenant, je suis
surpris de le voir sain". Mustapha intervient et dit à Ahmed :" Paye
le médecin et laisse le s’en aller, et je te dirai ce qui s'est passé." Il
lui raconta avec une grande joie et dans un état de paix intérieure ce qui lui
est arrivé en faisant l’éloge du Cheikh El Bouzidi : "Sais-tu qui est venu
me voir peu de temps avant que tu reviennes ? Imagines-tu sur quelle monture
a-t-il traversé la distance qui est entre nous et Mostaganem ? C’était mon
maitre, mon guide, ma volupté dans l’aisance et les difficultés, c’était cet
inerte plein d’humilité, qui a réalisé en lui-même la servitude à Dieu, et que
notre lien spirituel avec lui est désormais certain, c’était Sidi Mohammed El
Bouzidi, il entra alors que la porte resta fermée, il passa sa main bénie sur
ma tête et tout mon corps et me dit : "que Dieu te guérisse, il n'y a pas
de mal ! ", puis son image a soudainement disparue lorsqu’il prononça son
dernier mot, et je me suis levé comme tu m’as vu en compagnie du médecin".
Lorsque les deux voyageurs
retournèrent à Mostaganem, ils racontèrent à leurs condisciples le prodige et
la guérison miraculeuse. Tous furent étonnés et déclarèrent que le Cheikh n'a
pas quitté Mostaganem et qu’il avait participé avec eux à toutes les prières
quotidiennes pendant leur voyage. A ce moment là, un disciple du nom de Hammadi
Ben Kara, qui était l'un des plus grands négociants en tissu et de
l'habillement, posa à Mustapha une question bien précise : "c’est arrivé
quel jour et à quelle heure ?". Lorsqu’il lui répondit, Hammadi dit
aussitôt : "à cette heure, mentionnée par Sidi Mustapha, Cheikh El Bouzidi
est venu nous voir dans le magasin dans un état inhabituel, son visage était
ferme et transpirait du front. Il était dans un état d’effervescence et me dit
: donnes-moi rapidement un verre d'eau ! Mon fils est malade, mon fils est
malade, mon fils est malade. " Lorsqu’il finit de boire l'eau, il dit :
Dieu merci, il n’a pas de mal".
- Cheikh El Bouzidi avait un disciple
du nom de Mouaffak Ben Omar, qui habitait le village d’El Mahafid du
département de Relizane, il se rendait souvent à Mostaganem afin de rendre
visite à son maitre et passait quelques jours dans sa zaouïa. Une nuit alors
qu’il était en visite dans la zaouïa, Cheikh El Bouzidi vint le voir et
l’ordonne de rentrer immédiatement chez lui. Il retourna dans son village, en
se demandant pourquoi le Cheikh lui a ordonné de repartir ?, alors qu’il
passait auparavant des nuits et des jours sans que le Cheikh ne soit dérangé
par sa présence. Peut être qu’il n'est plus chanceux d’être en compagnie des vertueux
?, ou peut être que le Cheikh est informé de sa misère dans l'avenir", et
ainsi de suite de ce genre de conjectures qui hantaient son âme. Lorsqu’il
arriva à son domicile le matin, sa femme s’est mise à lui parler à haute voix,
en disant : "Comment te permets-tu de me laisser seule? Des voleurs sont
venus la veille au soir et ont ouvert la porte de la bergerie et ont pris certains
de nos moutons. J’ai alors crié espérant du secours. Un des voleurs a pris une
pierre pour me frapper, et là, un homme âgé est apparu et lui a ôté la pierre
de sa main et a remis les moutons à la bergerie et m'a dit : "n'aie pas
peur, je suis avec toi !", puis a fermé la porte et a emmené les trois voleurs".
Les bandits étaient du même village et la femme les a reconnus. Mouaffak a
remercié Dieu et compris la raison qui a poussé le Cheikh de lui ordonner de
revenir.
Lorsque Cheikh El Bouzidi sorti en
tournée spirituelle au printemps et arriva au village d’El Mahafid, et fut
entouré par les habitants du village, Mouaffak se plaignit à lui des bandits,
qui faisaient partie de l’assistance. Cheikh El Bouzidi demanda aux trois
personnes s’ils approuvaient l'accusation ou la contestaient-elle ? Ils répondirent
que l'accusation ne se reposait sur aucun fondement et qu’il n’y avait aucune
preuve. Le Cheikh leur dit : " C'est vrai ! juridiquement, l'accusateur
doit faire valoir ses arguments, mais celui qui nie doit jurer solennellement.
Jurez-vous solennellement par Dieu que vous êtes innocents de ces accusations ?
" Ils ont répondu tous les trois par : " oui nous le jurons ! ".
A ce moment là, le Cheikh les démasqua et leur dit : "repentez-vous à Dieu
!", puis pointa son doigt vers l’un d’eux et lui dit : "toi, je t’ai
retiré la pierre que tu tenais dans ta main et par laquelle tu voulais frapper
l'épouse de Sidi Mouaffak, et je vous ai emmené aveuglés jusqu’au lever du
matin ... Parjurer ; c’est mentir délibérément en prêtant serment par Dieu, il
est pour Dieu chose grave que le délit lui-même, car elle pourrait conduire à
l'apostasie et le blasphème, et Dieu annulera toutes les bonnes actions.
Laquelle des violations est moins dangereuse ? Désobéir à Dieu ou blasphémer ?
Blasphèmes-tu si tu commets le péché ? Et le péché s’efface par la repentance
devant Dieu. Demandez pardon à votre frère Sidi Mouaffak, (Et demandez pardon à
Allah. Car Allah est digne de Pardon et Miséricordieux.)" (Âyah [199] de
la Sourate [2] (Baqara).
Tous les trois reconnurent leur
culpabilité et tous se repentissent à Dieu et demandèrent pardon à Sidi Mouaffak,
puis se sont engagés dans la voie Derkaouia du Cheikh El Bouzidi. Ils vécurent
le reste de leurs jours par la grâce du Tout-Puissant en mentionnant Son Nom
divin.
- un jour de printemps ou d'automne, Cheikh
El Bouzidi sortit en tournée spirituelle, accompagné de Bouzid Ben Moulay, son
représentant (moqaddem) au village d'Otba. Ils entrèrent dans un village et
furent accueillis par des jets de pierres, puis des chiens ont été lâchés sur
eux pour les empêcher d'entrer dans le village. Cheikh El Bouzidi et son
compagnon s'éloignèrent d'une petite distance du village et se reposèrent sous
un arbre. Lorsque le soleil se coucha, Bouzid Ben Moulay retourna au village
portant avec lui une grande boîte en fer comme moyen dérisoire à utiliser en
percussion.
Lorsqu'il arriva, il éleva haut la
voix en chantant. Les villageois rassemblés en masse autour de lui, ne se
doutaient de rien, ils pensaient qu'ils avaient affaire à l'un de ces maitres
qui chantent des poèmes de romance qu'ils aiment tant. Bouzid imposa une mise
en scène et investit le lieu de sa prestation avec un talon qui en vaut la
chandelle. Il posa la boîte à côté de son oreille droite et leva ses yeux vers
le ciel en traversant le cercle de son auditoire de long en large, et chantait
avec une voix large en utilisant des airs mélodiques qui leur sont favorites.
Une fois séduits, leur grand dignitaire prit la parole et dit :"je vous
prie de nous pardonner du mauvais accueil, nous pensions que vous étiez de ceux
qui arnaquent les gens et prennent leur argent injustement au nom de la
religion. Nous ignorions que vous étiez des maîtres du chant. Je vous prie de
passer quelques jours parmi nous, nous avons plusieurs cérémonies à célébrer,
mariage et circoncision". Puis ils lui offrirent un repas copieux. A la
fin du repas, il leur demande la permission de prendre de la nourriture à son
compagnon.
Lorsque Cheikh El Bouzidi finit de
manger, Bouzid lui raconta ce qui s'est passé, puis demanda la permission d'y
retourner, Cheikh El Bouzidi lui dit : "retourne, parce qu'ils t'ont bien
accepté", Bouzid lui dit : "que Dieu m'en garde maitre, ils ont
accepté une boite en fer vide".
Bouzid retourna au village et se mit
à chanter en suscitant les émotions de son auditoire par des chants de romance
bédouins. Lorsqu'il se rendit compte qu'il s'est emparé de leurs cœurs, il
cessa de chanter et leur dit : "n'est-il pas malheureux et insolite pour
vous d'avoir expulsé un Cheikh gnostique, parmi les grands réalisés (en Dieu),
porte étendard de la loi (Charia) et la Vérité (Haqiqa), et tout celui qui
s'attache à lui, lui sera susceptible de rendre ses invocations plus recevables
auprès de Dieu, et sera enveloppé par le bonheur dans les deux demeures ? Alors
que vous avez accepté une boite vide avec un chanteur qui est aussi vide
qu'elle. Préfériez-Vous le vide qu'au comblé ?, le mal qu'au bien?, l'obscurité
qu'à la lumière?, le malheur qu'au bonheur et l'illusion qu'à la vérité ?".
Les villageois avaient le sentiment d'avoir commis un si grand péché qu'il ne
serait possible de l'effacer que par la repentance à Dieu. Ils lui demandèrent d'aller
chercher le Cheikh, il leur répondit : "par Dieu je ne le ferai pas ! Mais
vous, allez le voir et présentez lui vos excuses". Apres avoir demandé son
pardon, ils retournèrent au village, à leur tête Cheikh El Bouzidi, qui devint
désormais leur guide vers Dieu, et ont pu rejoindre la communauté que Dieu a si
bien bénie.
- Lors d'une discussion dans la ville
de Tlemcen entre Ahmed Bensmaine de Mostaganem et son beau père, Mohammed Lachachi
de Tlemcen, un des disciples du Cheikh Mohammed El Hibri d'Ahfir au Maroc, et chacun
faisait l'éloge de son maître, Ahmed Bensmaine, absorbé par l'amour pour son
maitre, en l'occurrence Cheikh Mohammed El Bouzidi, introduisit dans le cœur de
son beau père le désir de voir le Cheikh afin de vérifier par lui même.
En effet, Mohammed Lachachi se
déplaça à Mostaganem en compagnie de deux grands représentants (moqaddem) du
Cheikh Mohammed El Hibri. Au cours de la route et avant d'arriver à Mostaganem,
l'un d'eux dit : "notre visite à ce Cheikh est juste à titre amicale, cela
nous permettra de vérifier la véracité du statut de sa sainteté. S'il fait partie
des hommes agrées par Dieu et soutenus par son assistance, il apportera à
chacun d'entre nous, lors du repas, un plat selon le désir de chacun". Tous
les trois formulèrent le désir de ce qu'ils souhaiteraient manger.
A l'arrivée; ils furent accueillis
par Ahmed Bensmaine qui les amena chez Cheikh El Bouzidi, et ce dernier les reçut
à son tour, et se pressa vers son épouse en lui disant: "Sidi Mohammed Lachachi
de Tlemcen et ses deux compagnons sont ici, as-tu quelque chose à offrir pour
nos invités ?", elle lui répondit à haute voix, de sorte que les hôtes l'avaient
entendu, en disant : "comment invites-tu les gens de Tlemcen, alors qu'il
n'y a pas un seul oignon dans ta maison ?".
Pendant qu'ils étaient assis en
compagnie du Cheikh El Bouzidi, qui leur parlait des merveilles de la Capacité
(Qodra) de Dieu ; et que rien, que ce soit sur terre ou dans les cieux ne peut
l'empêcher de se manifester, comme s'il leur reflétait ce qu'ils cachaient dans
leurs intimes secrets. Quelqu'un frappa à la porte. Le Cheikh alla ouvrir. En
revenant il porta un plat contenant le souhait de l'un des trois invités. Le
Cheikh le posa entre ses mains et lui dit : "ceci est pour vous comme vous
l'avez demandé". Puis pour la deuxième fois on frappa à la porte, et le
Cheikh apporta un plat contenant également le souhait de l'un d'eux, il le posa
entre ses mains et lui dit : "ceci est pour vous, comme vous l'avez
stipulez". Puis pour la troisième et la dernière fois, on frappa à la
porte et le Cheikh apporta un plat contenant également le souhait du troisième
hôte, il le posa entre ses mains et lui dit : "ceci est pour vous, selon
votre souhait". Tous avaient requis le plat désiré, et fussent convaincus
que le cheikh Mohammed El Bouzidi faisait partie des maitres accomplis,
solidement implantés dans le Savoir, soutenus par les soins divins, et lui demandèrent
de prier pour eux, puis la permission de repartir.
- Cheikh El Bouzidi, avait un jeune
disciple de sa famille qui se nommait Taïeb Ben Taha, et qui était encore novice
dans l'apprentissage du Coran. Une nuit, lors d'une célébration d'une grande
cérémonie spirituelle, les étudiants et les enseignants du Coran se sont
rassemblés pour le réciter en groupe. Taïeb Tâha, qui n'avait pas encore apprit
par cœur l'ensemble du Coran, sortit du cercle formé par les Taleb's et rejoignit
le reste des croyants qui ne récitaient pas. C'est alors qu'ils se mirent à le
blâmer et à le réprimander : "toi, un noble, descendant du Prophète (§), petit
fils de Sidi Bouzid, tu ne t'efforce pas à apprendre le Coran comme untel et
untel ? (en indiquant ceux de son âge), tu es vil et paresseux, tu déteste
apprendre et on ne peut rien espérer de toi !". Il fut affligé, chagriné
et triste. Lorsqu'il retourna au domicile de ses parents, il dit à sa mère le
lendemain matin : "Je voudrai rendre visite à ma sœur (qui habitait dans
un village loin de Mostaganem), as-tu un cadeau ou quelque chose qui lui fera
plaisir ?". Sa mère lui remit des provisions. Au lieu de prendre le chemin
du village où habitait sa sœur, il prit un chemin opposé, se dirigeant au
Maroc, et atterrit à Tanger où il passa plusieurs années et coupa tout contact
avec sa famille au point qu'elle désespéra de le retrouver.
Huit années passèrent. Taïeb envoya
une lettre à son frère Mohammed, qui était le représentant (moqaddem) du Cheikh
El Bouzidi dans le village de Sidi El Khattab, l'informant que : "Dieu lui
avait permit l'apprentissage du Coran avec les sept versions de lecture (riwayat
sab'a) ainsi que la jurisprudence (Fiqh), et qu'il ne lui reste plus qu'à
rentrer au pays, donc il est tenu de lui envoyer les frais du retour". Mohammed
pris la lettre et la présenta au Cheikh El Bouzidi en lui disant : "je
mettrai mon cheval en vente et je lui envoie l'argent pour qu'il puisse revenir",
mais Cheikh El Bouzidi lui répondit : "ne le fais pas ! Sidi Taïeb sera
pris en charge par Dieu, et il reviendra sain et sauf !".
Taïeb raconta plus tard ce qui lui
est arrivé à Tanger : "j'étais dans la mosquée dans laquelle j'ai fais mes
études, soudain j'eu une forte volonté, comme si j'étais attiré par une force,
à visiter le port de Tanger. Alors que je me promenais dans le port, j'entendis
une voix m'appeler par mon nom. Lorsque je me suis retourné, j'ai vu un homme
assis sur une grande chaise, habillé à la façon Turque. Il me demanda le nom de
mon ancêtre, j'ai répondu : "Sidi Bouzid", puis m'a demandé de
nouveau : "veux-tu aller à Oran ?", j'ai répondu par l'affirmatif, en
ayant du mal à croire si j'étais dans la réalité ou dans un rêve. Il m'a alors
dit : "Le bateau s'est rendu à Oran, et sera de retour le mercredi. Tu le
prendras !, ainsi tu rentreras dans ton pays, par la Volonté de Dieu". Je
suis retourné à la mosquée plein de joie, rendant plus d'une louange à Dieu, le
remerciant pour la grâce d'avoir rencontré cet homme.
Je suis retourné au port mardi soir,
j'ai trouvé le même homme tel qu'il était et me dit : "Taïeb, je t'avais
promis pour le mercredi, que fais-tu ici ?", je lui ai répondu : "je
craignais de venir en retard et rater le bateau". Il prit ma main et
m'emmena chez le boulanger, et m'acheta deux grands pains, puis m'emmena chez
un autre commerçant et m'acheta du miel et du beurre, puis m'emmena chez le
vendeur de thé et lui demanda de me servir en le payant à l'avance. J'ai bu et
mangé, jusqu'à ce que je fusse rassasié, puis me prépara un endroit où je
puisse dormir.
Le mercredi au matin, j'ai vu le même
homme occupé à négocier avec le commandant du bateau. Apres l'avoir payé, il
lui dit : "prenez le à Oran !". J'ai pris mes affaires et je suis
monté sur le bateau, inondé de joie au point d'avoir oublié de me retourner
vers le généreux bienfaiteur pour le remercier, que lorsqu'il m'appela et me
dit : "Taïeb, tes ancêtres et les miens, sont de la même lignée !". Lorsque
le bateau accosta au port de Ghazaouet, et croyant que c'était Oran, je suis
descendu rapidement par joie d'être arrivé".
Lorsqu'il arriva à destination et
raconta à son frère Mohammed l'histoire de celui qui prit en charge les frais
de son voyage et les autres dépenses, son frère lui dit : "cet homme
généreux n'est autre que Sidi Cheikh Mohammed El Bouzidi, que Dieu le
récompense pour ce qu'il ait fait. J'ai voulu vendre le cheval et t'envoyer
l'argent, mais m'a ordonné de ne pas le faire en disant : "Taïeb sera pris
en charge par Dieu, et il reviendra sain et sauf !"
- Un représentant (moqaddem) d'un des
cheikhs de zaouïa hostiles au Cheikh El Bouzidi, s'est mit devant lui dans au
marché et lui parla avec obscénité, puis cracha sur son noble visage. Cheikh El
Bouzidi essuya son visage et s'en alla. Une nuit après seulement, Dieu infligea
à l'injuste un cancer au visage, et au même endroit que le crachat. Il ne
trouva aucun traitement approprié jusqu'à sa mort en ayant le visage déformé.
- Lorsque Cheikh El Bouzidi se
trouvait dans l'un des quartiers de Tijditt "souiqa" connu pour ses
multiples magasins, et passait devant l'un des commerçants qui, à chaque fois,
lui jetait des pétards et que, suite à l'explosion, Cheikh El Bouzidi
mentionnait le Nom de Majesté "Allah", ce qui faisait amuser le
commerçant et le distrayait et éclatait de rire se moquant du Cheikh, qui ne
lui disait jamais rien. La dernière fois qu'eut ce genre de plaisanterie
pendant la journée, son magasin brûla la nuit même, transformant en fumée tout
ce qu'il y avait à l'intérieur.
Quand aux prodiges qui eurent lieu
après sa transition vers l'au-delà, elles sont innombrables. Ce qui suit en est
un parmi d'autres.
- Ahmed Bensmaine, était l'un des
grands commerçants de Mostaganem, et possédait des magasins et des entrepôts de
marchandises. Lors d'une nuit, une bande de voleurs tenta de pénétrer dans l'un
des entrepôts qui se trouvait à "El Matmar". Ils essayèrent de forcer
la porte lorsque soudain elle s'est grande ouverte et l'image du Cheikh El
Bouzidi apparut aux voleurs, telle qu'il fut connu de son vivant, et leur dit :
"ne craigniez-vous pas Dieu en trahissant votre frère ?" En la
répétant à trois reprises. Les bandits embarrassés, fermèrent la porte et s'en allèrent.
Le lendemain matin, leur chef vint voir Ahmed Bensmaine. Après l'avoir salué,
et au cours de la discussion, lui dit : "je voudrai t'annoncer une bonne
nouvelle à condition que tu me garanti le salut". Ahmed lui répondit :
"tu as ma parole !". Alors il lui dit : "ton maitre est veillant
sur tes biens dans la mort comme c'était dans la vie", et lui raconta
l'histoire. Ahmed lui dit alors : "Louange à Allah qui nous a guidés à
ceci. Nous n'aurions pas été guidés, si ce n'est Allah qui nous avait guidés",
(Âyah [43] de la Sourate [7] (A'râf), puis jura par Dieu : "je n'ai jamais
douté au sujet de mon maître qu'il était à l'exemple même du Prophète (§) (Mohammedi)
et un Homme du Divin (Rabbâni)."
Son décès en 1909
Peu de temps avant son décès, Cheikh El
Bouzidi tomba malade, et la maladie s'intensifia annonçant la disparition et
l'inévitable fin, et laissait apparaître les signes du voyage vers l'au-delà.
Il était incapable de parler sans que cela touche à ses facultés de
compréhension, et fut paralysée de la moitié de son corps (AVC). Quelques jours
seulement après, Cheikh El Bouzidi fut emporté par la miséricorde de Dieu ne
laissant qu'un seul fils ; Sidi Mustapha, plus ou moins proche du ravissement (jadb).
Le Cheikh l'aimait intensément, avant sa mort, il ne cessait de le regarder
craignant qu'il ne soit négligé. Lorsque Cheikh al-Alawi su cela, lui dit :
"chargez vous maître de ce qui nous préoccupe envers Dieu, et nous, nous nous
chargeons de ce qui vous préoccupe envers Sidi Mustapha !". Cheikh El
Bouzidi ému, son visage rayonna de joie. Il rejoignit le "voisinage du
Compagnon Suprême" le lundi 25 Octobre 1909 à l'age de 85 ans. Disciples, Cheikhs et Oulémas
affluèrent de tout parts et assistèrent aux funérailles. Cheikh Ahmed al-Alawi effectua
la toilette mortuaire et dirigea la prière en commun, le corps fut transporté
dans la zaouïa du Cheikh, où il reposera pour l'éternité. Son décès fut annoncé dans le journal de l'époque L'Écho d'Oran 30/10/1909 sous le titre suivant : Les obsèques du Cheikh Bouzidi : Avant-hier (28/10/1909) ont eu lieu, a Tigditt, à 11 heures du matin, les obsèques de Bouzid Mohammed ould Habib, dit Cheikh Hamou, marabout de la secte des Derkaoua. Le défunt, âgé de 85 ans, était très vénéré à Mostaganem. Le corps du Cheikh Hamou a été inhumé dans sa zaouïa, au faubourg Tigditt.
Il laissa une femme, une fille et un fils que le Cheikh al-Alawi prit en charge. Il n’avait pas légué d’autres, écrits que son Diwan
(recueil de poème), et un opuscule, où il relate l’histoire de sa vie.
Puisse Dieu faire
déborder sur sa tombe Sa miséricorde et Sa bénédiction.
Un hommage au Cheikh El Bouzidi par
Cheikh al-Alawi :
À Dieu se plaint ma tristesse
De la mort du Roi,
Une vraie perte
Pour ces temps et toute l'humanité
***
Un disparu qui fut proche
Englouti sous terre,
Alors qu'il englobait le tout,
Et le tout était lui
***
Un disparu qui fut
Au dessus de Tout,
Est ce possible
Qu'il soit entouré d'une tombe ?
***
Non !
Le tombeau ne l'a pas entouré,
Mais reçu par faveur
L'honneur en le humant
***
Que les yeux coulent de sang
Regrettant sa perte,
Sans qu'on dise
Qu'ils ont commis de pêché
***
Car le pêché serait
Que l'œil soit asséché
Des larmes qui sont
Si généreusement rétribuées
***
Et qu'il le pleure
Le trône de Dieu et le ciel,
Et que la terre, devenu son atout,
Puisse-elle survivre
***
Oh Ciel quel regret !
Ton altitude ne t'a nullement
profité,
La fierté t'aurais sied
Si terre tu étais
***
Il n'est point surprenant
Qu'il n'y ait de semblables,
Nul ne peut supporter
Ses éthiques illustres
***
Tolérant, généreux,
Indulgent, ascète, souriant,
La jovialité sur son visage
Est un aspect permanent
***
Pardonneur aux détracteurs,
Même après sa mort
Nul ne le diffama
Ou l'accusa d'arrogance
***
Veillait sur l'humanité,
Son don abondait en secrets,
Ne demandait pas de gloire
Ne demandait point de rétribution
***
Jamais en colère,
Le mécontentement ne connaissait pas,
Avait toujours d'excuses
Pour ses intimes amis
***
Nul ne peut prétendre vu
Ou aperçu de semblable,
Par Dieu,
Il est l'unique réceptacle du Secret
***
Il est mon désir, mon souhait,
Mon soutien puis mon but,
Sa protection me suffit
Dans les difficultés
***
Mohammed El Bouzidi
Reçu de Mohammed,
Ce que le fils hérite du père,
Et nous eûmes une part d'héritage
***
Que la miséricorde de Dieu
Soit sur vous
La douloureuse séparation règne
Après notre heureuse réunion
***
Une paix exhalée de parfum,
D'aromate et d'ambres,
Vous est adressée
De tous mes viscères,
***
Je vous ai appelé car,
Mon cœur est éprouvé par
l'éloignement,
Et mes larmes sont ;
L'encre de ces lignes
***
J'ai écris avec mes larmes
Mélangés de tristesse,
Je manque de patience
Je n'ai pu ressaisir mon courage
***
Je ne pleure pas
En raison de la séparation,
Mais votre image
À mon œil, a de l'estime
***
Que Dieu du trône vous récompense
Par la proximité et l'agrément,
Et que la vénération vous entoure,
La bénédiction et la félicité
***
Pour préserver la Voie,
Vous avez laissez des hommes tels des
fleurs
Alors que vous,
Étiez la pleine lune
***
Mon ami,
Ne pense pas que la mort a emporté
son secret,
Mais elle lui a préparé
Le terrain du déploiement
***
Nous a fait hériter des sciences
Car nous en sommes dignes de les
préserver,
Et lorsque le temps nous
affectionnera,
Il nous est tenu de les manifester
***
O vous, Ses biens aimés,
Vous avez gagné Sa proximité,
Vous êtes les rois
Des blancs et des rouges sur terre
***
O Seigneur, Dieu de toute l'humanité,
Toi, en qui j'ai confiance,
Couvre sa tombe
Par des voiles de Ton pardon
***
Et adresse Tes prières
Sur la principale source, notre
refuge,
Mon soutien et protecteur
Au jour du jugement.
***
Bibliographie :
- La photo est celle de Abdelkader, frère jumeau de Mohammed El Bouzidi. On ne peut qu'imaginer la ressemblance avec son frère Mohammed. (Source : Le Soufisme, l'héritage commun du Cheikh Khaled Bentounès).
- Les lumières sanctifiées éblouissant la présence Bouzidite, (El Anouâr El Qodsia assâti'a 'ala El Hadra El Bouzidia) d'Abdul-Qâdir Ben Tâha, connu par Dahhâh al-Bûzîdi.
- La preuve de l'élite dans la voie Bouzidite (Bourhan El Khossoussouia fi El Tariq El Bouzidia) du Cheikh Ahmed al-Alawi.
- Cheikh Ahmed al-Alawi par lui-même. Martin Lings.
- Le sentier d'Allah d’Abdelkarim Jossot.
- Diwan du Cheikh Ahmed al-Alawi.
- Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50 de Salah Khelifa.
- A propos du Cheikh El Bouzidi.
Note importante :
- Cheikh Ahmed al-Alawi a laissé un manuscrit sur la vie du Cheikh Muhammad El Bouzidi sous le nom "la preuve de l'élite dans la voie bouzidite" (Bourhan El Khossoussouia fi tariq Bouzidia), écrit après le décès du Cheikh El Bouzidi 1909 suite à la demande des ses condisciples et disciples, Il s'est sans doute inspiré de l'opuscule de son maitre El Bouzidi où il relate sa propre vie, a pu être édité en 2022, le manuscrit se trouve dans les archives de la bibliothèque de la zawiya de Mostaganem sous le n° 0056 A, voir lien : La voie Bouzidia (1912/14)
Traduit de l'Arabe par Derwish al-Alawi, Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawi
Biographie revue et corrigée avec ajout de nouveaux éléments le 31/03/2024.
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