Congrès de la confrérie Aliouite - Le Petit Courrier, 06/12/1929

Les musulmans se réveillent : 
Sous ce titre, l’agence Fides publie une correspondance de l'Afrique du Nord, qui rend compte du Congrès que vient de tenir à Alger la Confrérie des Aliouites, secte musulmane, fondée et dirigée par le Cheikh Ben Alioua.

Ce Congrés ne fut, comme beaucoup de congrès, que prétexte à longs discours, entrecoupés de récitations du Coran.

La mosquée de Sidi Ramdan fut choisie pour la première journée. La séance fut ouverte par un discours qui fut suivi de sept autres, prononcés en Arabe par divers orateurs, appartenant ou non à la Confrérie-

Le vrai congrès se tint à la grande mosquée d’Alger, dite "El Djedid" (La Neuve).

De nombreux musulmans, de tous les rites et quelques Français, prirent part à cette séance solennelle. Une dizaine de discours arabes y furent prononcés et deux ou trois en français. N’oublions pas que nous sommes aux rivages méditerranéens et que l’on sait y être excellemment disert. Puis il y eut une séance de chants arabes, en vers ou en prose, donnée par les élèves "Le Salam" et un discours fut encore prononcé par un indigène, revenu à la religion musulmane après avoir été pasteur protestant.

En bref, on fit à ce congrès tout ce qu’il fallait faire, pour entretenir et réchauffer le zèle religieux des Aliouites et leur amener de nouveaux adeptes.

Le fait est déjà assez curieux de ce réveil à forme religieuse d’un islamisme endormi depuis des siècles ; mais la question religieuse n’est pas de ma compétence et je ne vous en aurais pas parlé si elle n’était doublée d’une idée nouvelle, vraiment surprenante chez des disciples de Mohammed (§).

En effet, la fondateur de la secte ou, pour employer sa propre expression, de la Confrérie des Aliouites, n'est pas un de ces chefs religieux, comme nous en avons si souvent rencontré depuis un siècle dans l’Afrique du Nord, et qui commencent à prêcher la loi et le prophète (§), pour grouper autour d’eux des partisans qu’ils entraîneront bientôt à la guerre sainte. Le cheikh Ben Alioua n’est ni un Abdelkader. ni un Abdelkrim ; c’est un simple ouvrier cordonnier, originaire de Mostaganem, qui prêche une doctrine toute moderne de rapprochement entre la religion Mohammadienne et les religions chrétiennes. Il est doué, dit-on, d’une prodigieuse activité et a déjà réuni plus de 100.000 adeptes ; cent mille musulmans, jusqu’à présent isolés dans leur fanatisme farouche, vivant entre eux dans un monde à peu près impénétrable à notre civilisation et à nos mœurs et qui vont rechercher désormais les points de contact qui peuvent le mieux les rapprocher des rouis de toute confession, pour lesquels ils ne devaient avoir que du mépris.

Aussi, ne vous étonnez pas si le Congrès d’Alger dont je viens de vous raconter l’histoire, a eu toute la faveur du Gouvernement de M. Bordes. On y a parlé et chanté en arabe, c’est entendu et c’est, du reste, fort bien ainsi, car enfin ce sont les Arabes qui sont musulmans ; mais on y a aussi parlé en français, et, dans les deux langues, on a exalté le rapprochement des deux religions et, partant, des deux races.

Aucune action, aucune initiative ne pouvait être plus heureuse, plus prometteuse de résultats féconds pour l’avenir de notre belle France africaine. A la veille du centenaire de l’occupation où, par toutes les manifestations que l'on préparé notre action bienfaisante et civilisatrice s’imposera aux esprits les plus prévenus, il est d’une indéniable importance de trouver dans la nouvelle école islamique, des auxiliaires déjà convaincus.

A un autre point de vue, les fanatiques d’Alioua (car ils sont fanatiques et il les tient dans sa main, dit-il. "comme le mort entre les mains du laveur"), à un autre point de vue, ces musulmans français sont appelés à rendre à leurs compatriotes le plus éminent service en les détournant des excitations bolcheviques des stipendiés de Moscou. Dans ce terrain truste, le communisme déjà avait fait des ravages et comptait sur de rapides progrès. C’en est fait de son influence, s’il se heurte à une propagande religieuse qui sache capter la faveur des foules, comme il semble que c’est le cas.

Et remarquez bien que la propagande Aliouite ne se cantonne pas outre-mer. Elle a des colonies importantes dans la métropole, a Paris, à Douai et dans d’autres villes et elle s’exerce active et continue dans tous les centres d’ouvriers arabes, si nombreux sur le continent depuis la démobilisation.

Ses effets, dans ces milieux plus intimement mêlés à notre vie nationale, ne seront pas moins heureux et peut-être n’aurait-on pu trouver meilleure solution du grave problème qui s’est posé si anxieusement par instants de l’assimilation des indigènes.

J’avais donc raison de vois dire que le Congrès d’Alger des partisans du cheikh Ben Allioua était une date heureuse pour les relations entre les Algériens et la mère patrie et que l’on peut sans hésiter la marquer d’une pierre blanche.

Raphaël Gayraud











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