A Mostaganem, le 4 septembre 1950, dans une ambiance d'extrême piété et de profond recueillement, la confrérie Allaouia a tenu son congrès annuel.
Située face à la mer, en bordure de la cité musulmane du Tidjditt, loin du tumulte de la vie moderne, la zaouia Allaouia, dans un décor simple et modeste avec pour symbole le tombeau de son premier cheik et sur les murs de son infirmerie une gravure représentant le visage hiératique de Jésus, prodige depuis des années, le riche et difficile enseignement d'aimer Dieu et son prochain en toute sérénité.
Fondée en 1911 par le grand et vénéré cheikh Sidi Ahmed El Alaoui, plus connu en Afrique du Nord sous le nom de cheikh Ben Alioua et que l'histoire considère titre comme un des plus apôtres de la philosophie la secte des Allaouis a su sans prosélytisme aucun, rayonner et s'imposer partout à travers le monde, uniquement par le magnifique exemple de fraternité sincère qu’elle donne autour d'elle.
C’est ainsi qu’à l'heure actuelle, les zaouias soufistes existent en Amérique, en Angleterre, au Canada, en Belgique et dans d'autres nations européennes, avec pour adeptes des éléments venus de tous les horizons religieux, politiques et sociaux.
A Mostaganem, par exemple, source de lumière mystique, la grande famille des Allaouis compte parmi ses membres les plus dévots, le très connu sculpteur Izard, qui faisant fi de tous préjugés, a épousé la religion et les mœurs musulmanes, pour ne s'appeler désormais qu'Abdellah Redha, humble disciple dans la masse des fidèles.
Ce fait, puisé parmi tant d'autres, prouve combien nombreux sont ceux qui troublés et attirés par Ia conception d'un Dieu unique pouvant être arrivé sans intermédiaires, sont venus se réfugier dans le havre doux et paisible qu'offre la demeure du cheikh actuel, le pieux Sidi Hadj (Adda) Bentounès, digne et sage continuateur du cheikh El Alaoui qui mourut le 14 juillet 1934.
Cette année et peut-être avec plus d'éclat que les années précédentes, malgré l'incompréhensive interdiction faite par les autorités franquistes aux Allaouis du Maroc espagnol de franchir la zone française, le rassemblement traditionnel du mois de septembre s'est effectué en présence d'un nombre considérable de pèlerins. L'origine de ce congrès fort simple en elle-même n'est que la célébration de l'anniversaire de l'inauguration de la zaouia qui, comme tout le monde le sait, et avec le même élan qui fit surgir les cathédrales du Moyen-Age, fut construite par des artisans bénévoles venus de tous les coins de l'Orient.
Depuis jeudi donc, réunis par pays, groupés par régions, les Allaouis prient, méditent, rentrent en transes offrant un merveilleux spectacle de foi profonde et de pureté mystique.
Agrémenté de réjouissances essentiellement spirituelles, le congrès se poursuivait vendredi et samedi pour se terminer en apothéose dimanche en présence des autorités civiles et militaires locales parmi lesquelles MM. Adrien Lemoine, maire et délégué à l'Assemblée algérienne ; Greck, administrateur remplaçant M. le sous-préfet absent ; le colonel Moyen, commandant la subdivision ; Gibaud et Khoussa, conseillers généraux; Lusinchi, procureur de la République; Lucien Lemoine, président de la Chambre de Commerce; le commandant Comte, commandant d'armes; le capitaine de gendarmerie Rabaseda; Brial, faisant fonctions de commissaire central;: de nombreuses dames et bien d'autres personnalités de la ville, auxquelles s'étaient jointes des notabilités musulmanes choisies parmi l'élite intellectuelle et religieuse du pays.
Au cours de la réception des officiels, après les instructives causeries faites par le cheikh Bentounès à la grande masse des pèlerins, des discours furent prononcés par divers orateurs, notamment par l'Américain Théodore Com-Rindollad, acquis à l'Islamisme ; Abdellah Redha, secrétaire des « Amis de l'Islam », qui parla de sa conversion; Bensmaïn Habib, chevalier de la Légion d'honneur et président du comité des fêtes et enfin par le jeun Abdellah Benmansour qui, parlant au nom du cheikh se plut à faire, avec des accents d'éloquence certaine, le panégyrique de l'iman Ab-Ghazali, pionnier du soufisme. A toutes ces allocutions imprégnées de foi religieuse et d'amour ardent pour la France, nation de tolérante et généreuse par excellence ; en réponse aussi aux souhaits de bienvenue exprimés par le cheikh Bentounès, il fallait un acte de foi digne des propos prononcés, M. Adrien Lemoine, avec son sens profond de l'improvisation dicté par une longue expérience d'homme averti aux problèmes de l'Islam, s'en chargea, à la grande satisfaction générale.
Un diner intime et fort simple| réunissait, à 21 heures, autour du cheikh et de ses adeptes les plus fidèles, les autorités qui emportèrent de cette charmante réception la réconfortante impression que l'union franco-musulmane, basée sur une identité religieuse, n’est pas une utopie, mais une réalité palpable.
R. LOPFZ.
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