Abderrahmane Bouaziz

Abderrahmane Bouaziz (m.1954) s'exprime ainsi : "J’allais trouver un Cheikh [khalwatî] à Bougie (Bejaia à l’est de l’Algérie), et je reçus de lui l’initiation après qu’il m’eut prescrit, comme condition, la récitation quotidienne d’un nombre considérable de litanies. J’eus la persévérance de les réciter régulièrement, et après un certain temps, il m’ordonna de jeûner chaque jour en ne mangeant que du pain d’orge trempé dans de l’eau. J’observais aussi cette règle, alors il me transmit les sept Noms spécialement utilisées pour l’invocation dans cette Tarîqa…Au bout de quelques jours, il me donna l’ordre de partir pour servir de guide à d’autres. En attendant cela, je fus aussitôt accablé de découragement et de déception, car je savais que ce n’était pas là ce que j’étais venu chercher. J’avais seulement reçu de lui quelques vagues indications dont je n’avais pas saisi le sens et lorsque je lui en fis part, il m’interdit sévèrement de renouveler un tel aveu devant lui ou devant mes condisciples, de crainte de susciter en eux des doutes (1).

Je quittai ce Cheikh [khalwatî] et me mis en quête d’un autre qui fût plus digne d’attachement, jusqu’au jour ou, par la grâce de Dieu, je rencontrai le maître suprême, le Cheikh Sîdî Ahmad al-Alawî, en dhû l-hijja 1337 [septembre 1919] par l’intermédiaire d’un de ses plus proches disciples, Muhammad ben al-Hasan al-Ja‘fârî al-Zwâwî, qui m’avait donné auparavant à lire les Minah al-qudusiyya. Puis, quand le maître lui-même vint en notre province (le Constantinois), je renouvelai avec lui mon pacte. Il me demanda ce qu’étaient mes précédentes pratiques [khalwaties] et je lui expliquai tout ce que j’avais fait auparavant. Il me dit : « Tout cela te bénéficiera si Dieu veut, parce qu’avec ces œuvres tu visais le Seigneur des mondes. Après cela, il me transmit alors l’invocation du nom suprême telle qu’elle est pratiquée par ses détenteurs et me dit que je pouvais faire cette invocation partout ou cela était possible, dans le secret de la solitude ou bien ouvertement avec d’autres. Il resta treize jours dans notre pays et pendant ce temps près de deux milles personnes, hommes, femmes et adolescents entrèrent dans la tarîqa. Après qu’il fut retourné à Mostaganem, je me rendis auprès de lui et il me mit en retraite spirituelle (khalwa). J’y restai six jours et j’obtins là tout ce que j’avais antérieurement souhaité, accédant à la perspective qui était celle des plus grands parmi la communauté élue.

Je louai Dieu pour cette grâce, et de la même manière, y accédèrent un grand nombre de personnes de notre région, les Zwâwâ, c’est-à-dire plus de 6000 personnes (2), sans compter ceux qui limitèrent leur rattachement à un pacte de bénédiction sans demander plus à Dieu. Et jusqu’à aujourd’hui, les gens continuent d’entrer dans cette tarîqa en masse, et le nombre de ceux qui sont ouvertement établis dans la station de la guidance (irshâd) parmi nos frères est impossible à connaître (3). Il est rare qu’il n’y ait pas dans un village quelconque des membres de cette nisba, nous voulons dire des membres qui sont des murshidûna établis. Et si je n’étais pas tenu de faire bref, je mentionnerais une quantité très importante de noms, ceux que je connais, sans même parler de ceux que je ne connais pas. La pratique du Cheikh al-Alawî est de ne pas autoriser quelqu’un à guider les autres tant que son intérieur n’est pas purifié et sa vue intérieure dessillée.

Source principale de ces textes : (Shahaid & Fatawî)
Abdel-Rahmân Bou'Azîz Ja’afrî (Moqaddem du Cheikh al-‘Alawî à Ja’âfra - Kabylie, Algérie, 
décédé en 1954).

Notes : 

1. Traduction de Salah Khelifa (thèse).
2. Affirmer que 6000 personnes ont réalisé « ce qu’ont atteint les plus grands » est tout de même un peu osé, et aucun autre disciple ne dit cela. Cheikh al-Alawî explique lui-même vers la même époque au docteur Carret que seul un « petit nombre » de disciples pratiquant la khalwa arrivent à « se réaliser en Dieu » (Lings, op. cit., p. 25, qui cite l’ouvrage de Carret). D’ailleurs, cette affirmation d’Oubouaziz lui vaut une note « rectificative » de Al-Jarîdî, qui précise : « Il veut dire par là ceux qui ont réalisé ce pour quoi la tarîqa a été établie, et ce n’est rien de plus que la connaissance de Dieu selon la voie de l’élite accompagnée de l’acquisition des nobles caractères, d’un caractère sain et de l’application des pratiques traditionnelles les plus recommandées. C’est donc bien une grâce dont doit être conscient celui qui la reçoit, et c’en serait déjà une s’il n’en recevait qu’une partie. Voilà pourquoi tu peux voir que les gens de cette confrérie sont très emphatiques dans leur façon de reconnaître ses bienfaits. » (Les contours de la sainteté dans la figure de l’algérien Ahmad al-Alawî (1874-1934)
3. Ce témoignage, à lui seul, ne laisse aucun doute sur le nombre très élevé de représentants nommés par Cheikh al-Alawî pour « guider » spirituellement des disciples, ce qui inclut la pratique de la khalwa. » (Les contours de la sainteté dans la figure de l’algérien Ahmad al-Alawî (1874-1934)


CONSTANTINE (BORDJ-BÔU-ARRERIDJ) du 1er au 31 août 1930

Construction d'une Zaouïa (Alawiyya), route de la Remonte. Estimation, 50.000 francs. M. Bouaziz Abderahman, propriétaire. M. Barbet, ingénieur T.P.E. Source : Gallica

En attente d'un complément de son témoignage dans le livre "Shahaid & Fatawî"....

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