Confrèries religieuses en Algérie jusqu'en 1890

Le regard extérieur du Colonel NIOX (qui sera plus tard Général) renvoie aussi bien au spectacle qu’à l’inspection, surtout on peut regarder sans être vu, la glace sans tain ne fut- elle pas l’outil idéal d’une psychologie qui se voulait scientifique et objective ? 

L'idée de nationalité et la notion de patrie font défaut dans la société musulmane; comme nous l'avons dit, l'Arabe, en particulier, ne conçoit pas nettement une collectivité d'intérêts supérieure à la tribu; dans certains cas et momentanément, à une confédération de tribus. C'est ce qui explique pourquoi la conquête française, comme les conquêtes antérieures, a été relativement si facile. Abd el-Kader a échoué lorsqu'il a voulu constituer le royaume arabe, dont nous lui avions en quelque sorte donné l'idée; ainsi échoueront sans doute toujours, fort heureusement pour nous, les tentatives qui pourront être faites dans l'avenir pour réunir dans une même pensée de révolte les populations de l'Algérie.


Le seul lien qui solidarise les tribus, c'est le lien religieux, mais là encore se manifeste pourtant l'esprit de division qui semble être une des caractéristiques de la race. Le Coran est bien le livre commun de tous les musulmans; mais il a eu ses commentateurs, qui ont plus ou moins altéré la pureté et la tolérance de la doctrine; il s'est formé non seulement des sectes, mais encore de nombreuses petites sociétés religieuses.



Tout comme le christianisme, l'islamisme a ses saints. A diverses époques et dans divers lieux, certains hommes ont acquis un grand renom de sagesse, de science, et de piété. On les a considérés comme les élus de Dieu, désignés par lui pour diriger les autres hommes, intermédiaires de ses faveurs, ayant le privilège de ses bénédictions. On les honore, on vénère leurs tombeaux, on les prie d'intercéder pour obtenir des grâces ; mais on croit en outre que leur descendance hérite de la bénédiction céleste, de la baraka, et c'est ainsi que certaines familles jouissent d'une influence religieuse considérable qui leur donne une grande autorité. Ce sont les familles de marabouts.



Les marabouts sont fort nombreux en Algérie. Quelques-uns, dont les ancêtres avaient une grande réputation de sainteté, ont groupé autour d'eux un chiffre considérable de fidèles ou serviteurs religieux. Ceux-ci se mettent sous la protection spirituelle du saint, observent certaines pratiques particulières, portent quelquefois un chapelet qui est un signe de reconnaissance, obéissent avec dévouement aux chefs, qui sont les héritiers de la baraka.



Ces associations ne sont point des sectes, bien que chacune ait son rituel spécial; elles ne sont ni ennemies, ni divisées au point de vue du dogme, bien qu'elles se jalousent mutuellement.



Les adeptes, ou khouan, reçoivent un chapelet et une formule de prière djirk; ils payent une redevance sous forme d'aumône, ou ziara, aux mokaddem, qui chaque année parcourent les tribus. Ces redevances accroissent les richesses de la confrérie, mais elles sont, généreusement aussi, employées en bonnes oeuvres. On peut être affilié à plusieurs ordres. Entrer dans un ordre religieux, se dit prendre la rose (ourd).



Le centre religieux de ces confréries est la zaouïa. « La zaouïa est à la fois une chapelle qui sert de lieu de sépulture à la famille qui a fondé l'établissement, et où tous ses serviteurs religieux viennent en pèlerinage ; c'est un lieu de prière, souvent une école, un centre littéraire. C'était aussi un lieu d'asile, et c'est toujours une maison hospitalière, où les voyageurs, les pèlerins, les malades, les infirmes, et les incurables trouvent un gîte, des secours, des vêtements, de la nourriture ; c'est aussi un bureau d'esprit public, où s'échangent les nouvelles, où l'on écrit l'histoire des temps présents; enfin, une bibliothèque qui s'accroît tous les jours par les travaux des hommes qui y sont attachés et où l'on conserve la tradition écrite des faits passés. » Mais c'est surtout un foyer de propagande religieuse dont le rayonnement s'étend au loin.



Un chef avec le titre de cheikh, quand il appartient à la famille propriétaire de la zaouïa, avec le titre de mokaddem (gardien) ou d'oukil (fondé de pouvoir), quand il est étranger à cette famille, dirige l'établissement. De nombreux serviteurs (khoddam) sont attachés à chaque zaouïa, soit pour cultiver les terres qui en dépendent, soit pour assister le nombreux personnel d'écoliers, de marabouts, d'infirmes, et de voyageurs fréquentant l'établissement.



Une zaouïa est quelquefois un village de vingt à trente maisons, comme celle de Moulaï Taïeb, chez les Traras ; quelquefois un bourg considérable; composé d'une centaine de maisons, cabanes ou tentes, comme la zaouïa de Sidi Mahi ed-Din sur l'oued el-Hammam ; d'autres fois une réunion plus ou moins considérable de tentes, comme la zaouïa de Sidi Mohamed ben Aïssa,



chez les Flittas. Toujours, il y a dans la zaouïa un lieu d'assemblée, de réunion ou de prière, une mosquée.
Les zaouïas avaient autrefois de nombreux biens (habbou), provenant de donations, dont les revenus leur étaient acquis, mais qu'elles ne pouvaient vendre, véritables biens de mainmorte. L'administration française a procédé, en Algérie, comme on l'a fait en France en 1790. Elle s'est approprié ces biens, mais à charge de pourvoir aux dépenses des zaouïas et du culte, engagement qui n'a pas été partout respecté. Cette mesure a été considérée comme la pire des spoliations, et le mécontentement qu'elle a provoqué en Algérie est comparable à celui que les mesures de même nature ont provoqué en France dans la société religieuse .



On comprend que les dispositions personnelles des chefs religieux intéressent au plus haut point la sécurité de l'Algérie. L'expérience prouve que toutes les révoltes sont fomentées par des prédications religieuses, et si certains marabouts sont animés de sentiments hostiles, des tribus entières, ordinairement fort paisibles, ne donnant aucune inquiétude, heureuses et bien administrées, peuvent faire inopinément défection pour suivre le marabout dont elles sont les serviteurs religieux. L'influence favorable d'un marabout peut, au contraire, utilement s'exercer pour maintenir dans le devoir des fractions prêtes à s'insurger.



Il existe une certaine analogie entre l'organisation des confréries musulmanes et celle des ordres religieux du christianisme. Dominicains, Franciscains, Jésuites, Bénédictins, etc. sont certainement des catholiques orthodoxes, mais ils suivent cependant une règle religieuse spéciale à leur ordre et leur orthodoxie commune n'exclut pas une certaine rivalité dans leurs intérêts temporels et dans leurs propagandes religieuses. Chacun de ces ordres groupe ses institutions en province sous l'autorité d'un provincial et reconnaît l'autorité supérieure d'un général. Il en est à peu près de même des confréries musulmanes. Des zaouïas de différentes sectes se trouvent parfois rapprochées, absolument comme des maisons de jésuites ou de dominicains dans nos villes; mais il arrive aussi que tel ordre est prépondérant dans une région. Les Tedjâna dominent en Tunisie et dans la province de Constantine; les khouan de Moulaï Taïeb au Maroc et dans la province d'Oran ; les Senousiâ en Tripolitaine. Il en est de même dans nos sociétés chrétiennes où, par exemple, les franciscains sont plus nombreux en Autriche, les lazaristes, en France, etc.



Cette impressionnabilité des tribus est particulièrement vive chez les nomades du Sud, que l'influence française pénètre peu et qui ont de grandes facilités pour s'échapper et mettre hors d'atteinte leurs richesses, c'est-à-dire leurs tentes et leurs troupeaux.



Les Arabes ne pouvant se passer de marabouts, on ne saurait tenter de les supprimer pour supprimer leur influence; il est donc utile au contraire de les ménager, de les tenir dans la main, d'opposer les uns aux autres, et de grandir ceux-ci pour diminuer l'importance de ceux-là. Cette question d'équilibre religieux est fort délicate; elle réclame un grand tact et une attention suivie.



Parmi les doctrines, qui sont la base de l'islam, une des plus importantes est celle de l'imamât, qui établit la suprématie du pouvoir spirituel ou religieux sur le pouvoir temporel, de telle sorte que, sans réputation de sainteté, aucun chef ne pourra acquérir un pouvoir efficace et durable dans la société musulmane.



L'imâmat est la perpétuité du gouvernement religieux de Mahomet, représenté par des hommes avec lesquels le Prophète reste toujours en communication. L'imam est un saint.



Pour les musulmans fidèles, le pouvoir temporel n'a aucun prestige; il doit toujours être soumis au contrôle religieux. Cette doctrine était aussi celle des chrétiens aux époques de ferveur religieuse; elle limitait alors heureusement le pouvoir tyrannique et absolu que les chefs de nation étaient trop facilement tentés de s'arroger en s'appuyant sur la loi du plus fort. Elle était une garantie de justice et de liberté pour le plus faible, qu'elle protégeait, dans une certaine mesure, contre les abus de la force ; mais elle donnait elle-même naissance à d'autres abus en mettant les chefs religieux au-dessus de tout contrôle et en substituant un absolutisme à un autre.



C'est ainsi que les khouan d'une confrérie doivent être " entre les mains du cheikh, comme le cadavre entre les mains du laveur des morts ; " sicut ac cadaver, disent aussi les règles de certains ordres chrétiens.



Les ordres religieux sont nombreux dans le monde musulman et la plupart ont des adeptes en Algérie. Nous devons nous borner à donner quelques indications sur les plus importants d'entre eux.



Ordre des Seddikya. - Cet ordre est le plus ancien, puisqu'il a été fondé par Abou Beker (el-Seddik, le certificateur) père d'Aïcha (la Vierge) femme de Mahomet. Ce sont ses préceptes qui se retrouvent comme base des doctrines de tous les autres.



Ordre des Chadelya. - Fondé en 1258 au Maroc. Il dérive de l'ordre des Madanya, fondé par Sidi bon Midian, né à Séville en 1126, qui importa dans l'ouest les doctrines du soufisme, c'est-à-dire la recherche d'un état de sainteté par la vie mystique et les pratiques pieuse.

El-Chadely, né près de Ceuta, en 1196, a donné pour précepte : " Obéis à ton cheikh avant d'obéir au souverain temporel ". Le centre principal d'action de cet ordre est en Tripolitaine. Ses doctrines ont été accentuées par el-Derkaoui.



Une étude détaillée de l'organisation des confréries religieuses de l'Algérie a été faite par le commandant Rinn : Marabouts et Khouans, étude sur l'islam en Algérie. Voir également Note sur la religion musulmane en Algérie, par Kiva, Spectateur militaire, 1886.



Ordre des Derkaoua. - Fondé en 1823 au Maroc. Le chef de l'ordre est le chérif de Madaghra, frère d'un prétendant au trône du Maroc. Sa résidence est à une journée de marche de Tafilalet. Pendant les troubles de 1881, les tribus du Sahara marocain l'avaient reconnu pour chef et avaient secoué l'autorité de l'empereur du Maroc. C'est ainsi qu'elles prêtèrent momentanément assistance contre nous aux Oulad Sidi Cheikh et à Bou Amama.



Les Derkaoua sont une sorte d'ordre mendiant; ils comptent de nombreux adeptes dans le Sud-Oranais et ont pour centre principal les montagnes de l'Ouarsenis; ils ont pour doctrine de refuser l'obéissance à toute puissance temporelle, Dieu étant le seul maître; aussi, du temps des Turcs, le nom de derkaoua était-il synonyme de révolté. Ils ont été les instigateurs les plus dangereux du fanatisme musulman contre notre occupation. Les fidèles ne doivent séjourner dans les villes qu'en cas de nécessité absolue, ou pour accomplir quelque acte de piété. Ils doivent peu parler, peu manger, peu dormir, marcher à pied dans le désert, etc.



En 1845, une bande de Derkaoua pénétrant, en mendiants, clans le fort de Sidi bel Abbès, tenta de l'enlever par surprise. On peut, en quelque sorte, les considérer comme les précurseurs ou les initiateurs du senousisme, bien que beaucoup de leurs khouan paraissent réellement inoffensifs.



Un grand nombre de confréries marocaines dérivent des Derkaoua. Parmi les plus exaltés sont les Aïssaoua.

Ordre de Sidi Mohammed ben Aïssa. Fondé en 1525, à Meknès, dans le Maroc. Cet ordre est peu répandu en Algérie; il y a cependant une zaouïa importante au nord de Tagdemt, chez les Flittas. On trouve beaucoup d'Aïssaoua au Maroc; ses khouan sont connus par les pratiques étranges auxquelles ils se livrent. Ils mangent, dit-on, impunément du poison, guérissent les piqûres des bêtes venimeuses, broient du verre dans leur bouche, marchent sur des tisons enflammés, manient le fer chauffé au rouge, etc. Ils sont les seuls à se servir de tambours de basque et de timbales.



Ordre des Kadria ou de Sidi Abd el-Kader el-Djilani. - Abd el-Kader el-Djilani ou el-Ghilani, est le plus grand saint de l'islam. Ses doctrines sont remarquables par leur esprit de tolérance et de charité. » Il y a lieu de croire que ses khouan sont des agents très actifs de la propagande islamique, et qu'ils reçoivent, le cas échéant, le mot d'ordre de Constantinople même. « Le centre de cet ordre est à Bagdad où il fut fondé vers 1165; nul n'a plus d'adhérents, soit dans le Sahara, soit dans le monde musulman tout entier. Tous les princes musulmans s'honorent d'en être membres. Ses sectateurs sont nombreux au Touat, au Gourara, dans l'oued Messaoura, dans toute l'Algérie, où ses koubbas sont innombrables. C'est un africain d'une zaouïa de cet ordre qui désigna, dit-on, Abd el-Kader, deuxième fils de Mahi ed-Din, comme sultan de l'Ouest, en 1828.



Les ordres de Moulaï Taïeb, de Tedjini, et d'Abd er-Rahman sont les plus répandus en Algérie. Leurs chefs vivent en bons termes avec l'autorité française. Ils peuvent être des auxiliaires précieux contre la propagande des mokaddems de l'ordre de Senousi; celui-ci est radicalement hostile, fort dangereux, et se donne pour mission. l'expulsion. des Français et le rétablissement de l'imâmat arabe.



Ordre de Sidi Moulaï Taïeb. - Fondé au Maroc en 1678, par un des membres de la famille impériale, Moulaï ed-Dris. Son chef, el-Hadj Abd es-Selam, a sa résidence ordinaire à Tanger. Son frère habite Ouezzan, où se trouve la zaouïa mère. Il se montre actuellement assez sympathique aux Français, qui l'ont reçu d'ailleurs avec de grands honneurs dans un voyage qu'il a fait, il y a quelques années, à Oran et à Alger, et qui permettent à ses mokaddems de venir percevoir les ziaras dans les tribus algériennes, où il a de nombreux adhérents. Depuis 1883 il jouit au Maroc des prérogatives de protégé français. Il a épousé une dame anglaise. Il est regardé comme le premier personnage du Maroc après l'empereur.



Lorsqu'un nouveau souverain monte sur le trône, il doit recevoir une sorte d'investiture du chérif d'Ouezzan. Par suite d'un pacte ancien, la famille de Moulaï Taïeb ne doit pas monter sur le trône; sa devise est : " Personne de nous n'aura l'empire, mais personne ne l'aura sans nous. " Son influence est très grande dans toute l'Algérie, dans le Tafilalet, dans l'Adrar, dans le Haut-Sénégal. Il existe une zaouïa importante à Tamentit, dans le Touat.
On reconnaît son chapelet à un anneau de cuivre.



Ordre de Sidi Ahmed Tedjini. - Fondé en 1781. La zaouïa centrale et le tombeau du marabout ancêtre se trouvent, comme nous l'avons dit, à Aïn Madhi, oasis située au pied méridional du Djebel-Amour, à 50 kilomètres à l'ouest de Laghouat. Cet ordre a été autrefois très puissant, et son influence religieuse, bien que diminuée, est encore grande dans toute l'Afrique du Nord . La plupart des Tunisiens et la famille du bey sont ses serviteurs religieux. Ahmadou, le roi de Ségou, sur le Niger, porte le chapelet de l'ordre et entretient des relations avec Aïn Madhi. Les Toucouleurs des rives du Sénégal y sont affiliés, ainsi qu'une partie des Touareg.



Il existe des zaouïas de l'ordre à Tichit dans le Taganet, à Chinguit dans l'Adrar (Sabatier, La question du Sud-Ouest, Alger, 1881).



En 1883, Sidi Ahmed était en correspondance avec Ahmadou, auquel il avait écrit au sujet du massacre de la mission Flatters. Il s'est fondé à Temassin, dans l'Oued-Righ, une zaouïa de l'ordre, devenue aussi puissante que la zaouïa d'Aïn Madhi et qui tend à s'en rendre indépendante; elle est gérée par un des membres de la famille, mais elle porte néanmoins grand ombrage à Aïn Madhi.



Cet ordre a été en luttes armées avec les Turcs; « non seulement il leur avait résisté, mais il était venu leur livrer bataille sous les murs de Mascara. Les Tedjâna furent défaits, et la tête de Si Ahmed Tedjini, apportée aux pieds du bey Hassan, fut payée 500 pièces d'or ». Plus tard, Abd el-Kader n'ayant pu les attacher à sa cause, attaqua le ksar d'Aïn Madhi. Il dut en faire le siège, et, après une résistance qui dura neuf mois, le ksar ne fut pris que par trahison.



L'ordre professe actuellement que Dieu, ayant donné l'Algérie aux Français, il est permis de vivre avec eux et qu'il ne faut pas les combattre. Les bonnes dispositions du chef de l'ordre se sont manifestées en plusieurs circonstances. M. Duveyrier, lors de son voyage dans le Sahara, avait reçu, des mains du marabout, le chapelet comme sauvegarde. Plus récemment, lors de l'expédition du colonel Flatters, un mokaddem accompagnait la mission pour la protéger. On sait que cette assistance fut malheureusement inefficace contre les Touareg, qui obéissaient, sans doute, à l'impulsion des Senousiâ. Le mokaddem fut également massacré.



Le chef de l'ordre est (1890) Sidi Ahmed, homme d'une cinquantaine d'années. L'autorité française, se méfiant de son attitude, l'avait fait venir en France en 1871. Il y épousa morganatiquement une femme française qui l'a suivi en Algérie. Cette alliance, des dissensions de famille, d'autres causes, l'ont déconsidéré vis-à-vis des Arabes. Son prestige personnel est fort diminué, mais l'attachement des Arabes à leurs traditions est assez puissant pour conserver encore à l'ordre, dont il est le chef, une influence considérable qu'il est de notre intérêt de ne pas laisser amoindrir. C'est un auxiliaire utile contre les Senousiâ, qui ne peuvent prospérer et grandir en Tunisie et dans le sud de l'Algérie qu'à la condition de désagréger les Tedjàna. Le chapelet de l'ordre porte un grain de corail.



Ordre de Sidi Mohammed ben Abd er-Rahman. - Fondé en 1793. Le fondateur de l'ordre, originaire de l'Algérie, avait longtemps étudié au Caire. On l'appelle aussi Bou Koubrin, c'est-à-dire des deux tombes, parce que, suivant la légende, son corps s'est dédoublé et qu'il repose à la fois à el-Hamma près d'Alger et dans sa koubba chez les Beni Ismaïl en Kabylie. Ce qui est vrai, c'est que son corps fut enlevé par les Arabes qui le transportèrent à el-Hamma.



Ses sectateurs sont fort nombreux dans toute l'Algérie, particulièrement en Kabylie et dans la province de Constantine. On compte en Algérie plus de 200 zaouïas. L'ordre a joui autrefois d'une grande importance politique; l'émir Abd el-Kader s'y était affilié. C'est en quelque sorte l'ordre national de l'Algérie. Il réunit sous la même bannière Kabyles et Arabes, et c'est le seul lien commun entre ces deux races.



Le cheikh de la partie kabyle, Si Aziz, a été interné à la Nouvelle-Calédonie après l'insurrection de 1871. Il s'en est évadé et vit à La Mecque, d'où peut se faire sentir encore son influence très hostile. Cet ordre s'est partagé en quatre rameaux principaux dont les zaouïas sont : deux à Nefta près du Djerid, à Tolga dans le Zab, et à Cherfat el-Amel, près de Bousaâda.



Parmi les ordres moins importants, on peut encore citer :

Ordre de Sidi Ahmed ben Youcef. - Fondé en 1526. La koubba de son protecteur est à Miliana. Ses partisans sont nombreux dans le Tell, comme dans le Sahara, où ils ne nous ont jamais fait d'opposition. Il existe une zaouïa importante au Gourara; l'oasis de Tiout en a également une dont l'influence s'étend sur les ksour du Sud-Oranais. Le chef, qui, nous servait fidèlement, a été assassiné en 1881, au moment de l'insurrection. On peut tirer un utile parti de l'appui de cet ordre contre les Oulad Sidi Cheikh, qui en sont les ennemis. La tribu des Amour, ainsi que celles des Hamian Djembaâ et Chefaâ, reconnaissent son autorité religieuse.



Ordre de Sidi Mohammed ben Bouzian, surnommé Kendousi, le converti (au pluriel Kenadsa).- Fondé en 1732. Sa zaouïa principale est au Maroc, à l'est de Figuig, au ksar de Kenadsa. Le général Wimpfen l'a visitée en 1870 et a noué des relations amicales avec son chef, qui a, du reste, intérêt à ce que nous facilitions la perception de ses ziaras chez ses nombreux adhérents d'Algérie. Les opinions sont très partagées, sur les dispositions de cet ordre; mais, peu sympathique aux Oulad Sidi Cheikh, il doit, si on sait le manier, nous être de quelque utilité. Les Douï_Menia, les Beni Guil, les Oulad Djerir, les Mahaïa, et les Angad sont, en grande partie, ses serviteurs.



Ordre des Cheikya. - Fondé en 1615. Les Oulad Sidi Cheikh prétendent descendre d'Abou Beker, le beau-père de Mahomet; ils vénèrent leur ancêtre Sidi Cheikh, saint personnage qui est mort au commencement du XVIIème siècle. Sidi Cheikh avait acquis une grande réputation de sainteté. Son corps reposait à la zaouïa d'el-Abiod, qui était devenue un lieu de pèlerinage très fréquenté. Pendant l'insurrection de 1881, les restes du marabout furent enlevés par la colonne du colonel Négrier et transportés à Géryville. La koubba fut rasée. Elle a été reconstruite depuis et les ossements du marabout y ont été rapportés. La zaouïa était administrée par une tribu d'africains, descendants d'esclaves affranchis par Sidi Cheikh, dont le dévouement à la famille est sans bornes, et dont le fanatisme dépasse celui de leurs maîtres. Ce sont eux qui parcourent les tribus pour recueillir les ziaras. On peut donc les considérer comme de dangereux agents de propagande.



Les tribus payent les ziaras avec plus ou moins de plaisir; elles désirent toutes, plus ou moins, ne pas se trouver à portée des marabouts et de leurs exactions; mais le respect religieux qu'ils inspirent est tel qu'elles se soumettent à tout ce qu'ils exigent d'elles plutôt que de réclamer la protection de l'autorité française contre leurs abus. Les Trafi, comme les Chambaâ, l'ont maintes fois déclaré eux-mêmes.



Bien que marabouts, les chefs des Oulad Sidi Cheikh reconnaissent la suprématie religieuse d'autres marabouts d'une réputation de sainteté supérieure à la leur. C'est ainsi qu'ils sont serviteurs de l'ordre de Sidi Abd er-Rahman, dont une koubba se trouve à une journée à l'ouest de Bou Kaïs au Maroc.



Les principales, tribus soumises à l'influence religieuse des Oulad Sidi Cheikh sont :

Les Amour........................ Cercle d'Aflou.
Les Rezaigat....................... - id.
Les Oulad Moumen................. - id.
Les Laghouat du Ksel .............. - de Géryville.
Les Oulad Ziad............... - id.
Les Akerman...................... - id.
Les Trafi.......................... - id.
Les Harar......................... - de Frenda.
Les Angad........................ - de Sebdou.
Les Hamian........................ - d'el-Aricha.
Les Djafra......................... - de Saïda.
Les Rezaina................. - id.
Les Zenagra................... - de Boghar.
Les Beni Guil............ Au Maroc.
Les Mehaïa................. - id.
Les Douï Menia........... - id.
Les Oulad Djerir ............... - id.
Les Meharza Gharaba.,.......... Au Gourara.
Les Khenafsa Cheraga............... - id.
La grande tribu des Chambaâ du Sud de la province d'Alger.
(Spectateur militaire, sept. 82, capitaine Wachi.)



Abd er-Rahman avait été le patron de Sidi Cheikh, et ses descendants viennent, chaque année, recevoir à el-Abiod une ziara traditionnelle : un tapis, un chameau, et une africaine . Sidi Cheikh eut une nombreuse postérité. Son fils aîné : Hadj Bahout, est le premier chef de la branche des Cheraga. Hadj Abd el-Hakem, le frère du précédent, est le père de Bahout el Hadj, le premier chef des Gharaba. Tous deux ont leur tombeau à el-Abiod.



Une lutte s'étant engagée entre les descendants d'el-Hadj Bahout et de Bahout el-Hadj pour le partage des richesses accumulées à cette zaouïa, les habitants du ksar de l'est entamèrent les premières hostilités contre ceux du ksar de l'ouest. Toute la tribu prit les armes et se divisa, dès ce moment, en Cheraga et Gharaba. Ceux-ci, moins nombreux, furent battus et se retirèrent du côté de Figuig. Depuis cette époque, les Cheraga ont toujours eu une supériorité marquée; mais les Gharaba ont également une zaouïa à el-Abiod.



Quelques renseignements sur les personnalités marquantes de ces familles peuvent être intéressants.

Les Cheraga ont eu pour chef Sidi Hamza, notre kalifa; on lui avait constitué un grand commandement qui s'étendait de Géryville à Ouargla; il est mort du choléra à Alger en 1861 ; il a eu sept fils.

Sidi Hamza, notre khalifa, mort du mort du choléra en 1861, a eu pour fils ............

1. Bou Beker, mort à notre service en 1862
2. Sliman, chef de la révolte de 1864, tué à khalifa, mort du Aïoun bou Beker (affairé Beauprêtre).
3. Mohammed, mort de ses blessures en 1865.
4. Ahmed, mort du choléra en 1867.
5. Kaddour ben Hamza, fils d'une africaine, chef militaire des Cheraga.
6. Ed-Din.
7. Abd el-Kader.
2. Mohammed.
3. Bou Beker.



Sidi Hamza, né en 1860, a passé quelque temps au collège d'Alger; il est l'héritier légitime de l'influence religieuse de la famille. C'est lui qui, selon les idées arabes, possède la baraka, c'est-à-dire la bénédiction de Dieu ; mais cette autorité, toute spirituelle, est tenue en échec par celle dont jouit son oncle, Si Kaddour, le chef militaire reconnu des Cheraga. Il était à Géryville en 1878 et sollicitait la succession de son père lorsque les instigations de Bou Amama le décidèrent à s'enfuir. C'est avec lui qu'ont eu lieu, en 1883, les négociations, à la suite desquelles les tentes des dissidents furent autorisées à rentrer.



Si Kaddour a lui-même fait sa soumission au mois de mars 1884 à Brézina. C'est actuellement l'aîné de la branche des Cheraga.



Les Gharaba ont eu pour chef Sidi Cheikh ben et-Taïeb, vieillard vénéré, avec lequel la France avait de bonnes relations; il est mort en 1870 et il est enterré à Figuig. Il a eu sept fils.



Son successeur a été son quatrième fils, Sidi Mamar, qui a été tué en 1874, au combat de Mefich.



L'autorité religieuse est passée aux mains de Sidi Allal, frère du précédent, cinquième fils de Sidi Cheikh, né en 1857, chef officiel actuel des Gharaba; mais son cousin, Si Sliman ben Kaddour, fils du troisième frère de Sidi Cheikh, est actuellement le chef militaire, et jouit d'un prestige et d'une autorité supérieurs à la sienne.



Bou Amama, c'est-à-dire l'homme au turban, surnom autrefois donné déjà à Sidi Cheikh lui-même, appartient à la famille des Cheraga. Il est de la postérité de Sidi Tadj, l'un des dix-huit fils de Sidi Cheikh. Il est né à Figuig vers 1840. Il n'a d'ailleurs qu'une situation personnelle peu considérée dans l'aristocratie des Oulad Sidi Cheikh. Il est venu s'établir vers 1875, avec sa famille, à Moghar Tahtani, où il fonda une zaouïa. D'une instruction médiocre, mais d'une grande ferveur religieuse, il acquit rapidement un certain prestige qu'il sut habilement augmenter, dit-on, par la pratique de jongleries et de ventriloquie . Ses émissaires, parcourant les tribus du Sud-Oranais, ont préparé le soulèvement qui éclata en 1881. Il cherchait à réunir, pour un but commun, les tribus qu'affaiblissaient les rivalités religieuses ou les haines de sof; il enseignait que l'on pouvait prendre son chapelet sans être obligé de renoncer au chapelet de Moulay Taïeb, de Tedjini, ou d'autres, et manifestait ainsi un sens politique et une capacité de raisonnement assez rare chez les indigènes. Il entraîna la défection des Trafi, des Laghouat du Ksel, d'une partie des Harar, et des Rezaïna, etc. On a estimé à 6,000 tentes, c'est-à-dire à environ 25 ou 30,000 individus, le chiffre des dissidents qui, de gré ou de force, ont suivi la fortune de Bou Amama, pendant l'insurrection.



Depuis 1864, les Oulad Sidi Cheikh jouent un rôle considérable en Algérie. La postérité de Sidi Cheikh ne vit pas, en effet, concentrée autour de ses ksour ; on la retrouve par fractions compactes dans le Tell, dans la Tunisie, aux environs des oasis de Tozer et de Nefta, dans la vallée de l'oued Guir, chez les Douy Meniâ, chez les Beni Guil, à Goléa, au Gourara, au Tidikelt où deux de leurs fractions campent aux environs d'In-salah. Toutes ces fractions entretiennent des relations constantes. Les Arabes, dans leur style imagé, comparent cette famille à « un superbe palmier dont les racines et le tronc sont fixés au désert, mais dont les rameaux magnifiques s'étendent majestueusement sur le Tell ».



Les chefs actuels des Cheraga, tous remplis d'énergie, sont-ils réellement disposés à renoncer à la lutte? Nombreux, riches, et pleins d'audace, ils constituent une puissante dynastie de princes du désert, dont l'autorité est doublée d'une influente religieuse considérable. » La tranquillité du Sahara dépend de leurs dispositions à notre égard. On se rendra compte de l'importance de ces défections en comparant les chiffres des recensements de 1881 et de 1882 dans le cercle de Géryville.



On comptait en:

1881: 26,000 chameaux, 240,000 moutons, L'impôt zekkat donnait 212,000 francs.

1882: 3,366 chameaux, 38,000 moutons, L'impôt zekkat donnait 31,000.



Les Gharaba sont beaucoup moins prospères que les Cheraga; mais si leur puissance est moins grande, leurs sentiments sont les mêmes. Pour manier les uns et les autres, tirer parti des rivalités et des ambitions des chefs, il faut une attention constante, un grand tact politique, et une connaissance approfondie du caractère des personnes. El-Abiod était un lieu de pèlerinage très fréquenté par les gens du Gourara, comme par ceux du Sahara et du Tell. C'est là que les uns et les autres venaient puiser leurs inspirations. Les redevances des nombreux adhérents de l'ordre étaient une source de richesse considérable pour la zaouïa. El-Abiod sera sans doute toujours un lieu vénéré et fréquemment visité.



Ordre des Bekkaya. - Fondé en 1553, au Maroc. Sidi Ahmed el-Bakkay est enterré à Igidi, au sud-est de l'oued Draa. La zaouïa principale est à Timbouctou, et exerce une grande influence à Insalah, dans tout le Sahara et le Soudan.



Les Mekahlia . - Il faut citer encore l'association dite des Mekahlia (de mokahla, fusil, et mekahli, fusilier). Cette association a été créée, dit-on, à Médine. Elle s'est développée en Algérie depuis 1830. C'est une sorte de société secrète, qui n'a point d'initiation religieuse spéciale et dont le but est de pratiquer le tir des armes ; elle est basée, dit-on, sur un passage des traditions de Mahomet qui dit : « étudiez le tir et enseignez-le. » Les associés se doivent aide et protection. Ils s'exercent au tir et payent une ziara aux mokaddems d'un chef inconnu et que l'on suppose être Sidi Ali ben Mohammed, résidant au Maroc, dans l'oued Sous.



Ordre de Sidi es-Senousi. -- Cette confrérie est, de toutes, la plus hostile et la plus dangereuse. Sidi es-Senousi était originaire de Mazouna, dans le Dahra. Après un voyage à La Mecque, il fonda une association religieuse qui se développa rapidement. Après avoir prêché en égypte, au Caire particulièrement, où il inquiéta les autorités égyptiennes, il passa en Tripolitaine et fonda, en 1843, une zaouïa à el-Beida, dans le djebel Akhdar; puis, en 1855, il transporta sa résidence à Djerboub, à quelque distance de l'oasis de Siouâ, ancienne oasis de Jupiter Ammon, hors de portée de l'action des autorités d'égypte et de Tripoli, auxquelles son influence causait des préoccupations justifiées.



Il prophétisait que vers la fin du XIIIème siècle de l'hégire, c'est-à-dire en 1883, apparaîtrait l'iman el-Madhi, qui mettrait fin à la domination de l'empire turc et reconstituerait un imâmat arabe. Son tombeau se trouve dans la zaouïa magnifique de Djerboub. Le chef de l'ordre est son fils Si el-Madhi ben Senousi, né vers 1843, considéré par ses adeptes comme l'iman des prophéties. Il réside à Djerboub ; 750 personnes vivent dans la zaouïa ; parmi elles se trouvent plusieurs Algériens de grandes familles, particulièrement de la province d'Oran. Les autorités turques de la Tripolitaine n'osent les gêner, parce qu'ils sont soutenus à Constantinople, par leurs khouan dont certains sont membres du Divan.



Sidi es-Senousi vivait fort retiré, absorbé dans les pratiques pieuses; mais son fils, le chef actuel, bien que ne se laissant aborder que par un petit nombre de fidèles sur lesquels il peut compter, est d'un tempérament plus guerrier. On estimait (en 1877) à près de 25,000 fantassins et de 1500 cavaliers, les hommes armés que les Senousiâ pouvaient mettre sur pied. On croit que quelques canons sont cachés dans la zaouïa.



Le chef des Senousiâ est très exactement tenu au courant des événements politiques par ses khouan, qui entretiennent avec lui des correspondances régulières. Son ordre fait cependant peu de progrès en Tunisie, où il doit lutter d'influence avec les Tedjâna d'Aïn Madhi et de Temassin, qui se montrent soucieux de ne pas laisser passer en d'autres mains l'influence dont ils jouissent et les ressources que leur procurent les contributions de leurs adeptes; mais, sur les routes du désert et du Soudan, c'est-à-dire à l'ouest et au sud de Djerboub, les Senousiâ commandent en maîtres. Le Ouadaï leur est entièrement affilié; leurs khouan sont nombreux dans le pays des Tibbou, à Rhat et à Ghadamès. Ils font des prosélytes au sud de l'Algérie et semblent tourner nos possessions africaines par le sud en atteignant le Maroc par les routes du Touat. Ils sont tout-puissants dans le pays de Barca et à Bengasi.



Le développement de cet ordre fanatique, extrêmement hostile, est fort à craindre. C'est de Djerboub que peut partir le signal d'une insurrection générale venant du sud de l'Algérie. On a des raisons de croire que c'est aux Senousiâ qu'il faut imputer la responsabilité du massacre de la mission Flatters; les Touareg paraissent avoir reçu, à cette époque, leur mot de Rhat. L'oasis de Djerboub, où se trouve la zaouïa centrale des Senousiâ, est à trois jours de marche à l'ouest de Siouâ, à trente-sept jours de Bengasi. Le port par lequel elle communique avec la Méditerranée est Tobruk. Une zaouïa fort importante est toujours dans le djebel Akhdar (pays de Barca).



L'oasis de Siouâ a eu déjà, aux époques anciennes de l'histoire, un grand rayonnement religieux, puisque Alexandre y vint en pèlerinage et y fut en quelques sorte consacré par les prêtres, qui lui donnèrent le titre de fils de Jupiter. A peu de distance au sud commence le vaste désert de Libye, de près de 400 lieues de large, sans eau, sans oasis pour jalonner les routes des caravanes, obstacle presque infranchissable qui oblige les voyageurs à remonter au nord.



Il n'y a donc que deux routes qui mettent l'égypte en relation avec l'Afrique septentrionale, celle qui longe la côte et celle qui passe par les oasis d'Audjila et de Siouâ; de sorte que tous les musulmans du nord et de l'ouest, Marocains, Sénégalais, Algériens, Tunisiens, Touareg, Noirs du Soudan, - tous les pieux personnages de l'islam, doivent venir se rencontrer entre Bengasi et l'oasis d'Audjila. Cette région était donc appelée à devenir le foyer actif de prédications fanatiques; c'est de là que partent les missionnaires qui prêchent la guerre sainte, c'est de là que le signal en sera souvent donné. Aussi il y aurait grand intérêt à détourner les pèlerins de La Mecque des routes de terre et à leur rendre plus facile encore le voyage par les routes maritimes.



L'ordre des Senoussiâ est en Algérie à l'état de société secrète ; ses membres se dissimulent et n'en sont que plus dangereux. La caractéristique principale de cet ordre est l'idée politique qui en anime les chefs, et leurs efforts pour englober dans leur association les autres confréries religieuses. Ils ont déjà réussi en partie sur des zaouïas assez nombreuses, appartenant à différents ordres. Ce sont eux surtout, dit M. Duveyrier , qui sont les agents les plus actifs du mouvement religieux que nous appelons le panislamisme, et qui en ont, pendant quelque temps, imposé les doctrines au sultan; mais ils l'accusent de tiédeur. Senousi a posé en principe que l'autorité temporelle des sultans devait être mise au service des intérêts religieux, que le clergé et la magistrature devaient non seulement être indépendants du pouvoir administratif, mais le diriger.


Sa devise est significative :
Les Turcs et les Chrétiens,
Tous de la même bande,
Je les briserai du même coup.


Consulter : Confrérie musulmane de Sidi Mohammed ben Ali es-Senoussi, par H. Duveyrier. - Société de Géographie, 1883.


GÉOGRAPHIE MILITAIRE VI ALGÉRIE et TUNISIE
Par le Colonel NIOX
2ème édition
PARIS
LIBRAIRIE MILITAIRE DE L. BAUDOIN et Cie
Imprimeurs-éditeurs
30, Rue et Passage Dauphine, 30
1890
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