Écoles par excellence du Coran, des sciences religieuses et d’initiation au
tassawùf, les zaouïas algériennes ont dû au cours de la longue histoire
de notre pays s’impliquer dans la défense et l’expansion de l’Islam,
ainsi que dans le combat pour la libération et l’indépendance de
l’Algérie. Retraçons aussi brièvement que possible l’histoire de
quelques-unes de ces zaouïas qui se sont illustrées remarquablement dans
cette triple et noble tâche.
De la fin du XIVe siècle au début du XVe
une célèbre confrérie fit son apparition en Algérie : c’est celle de la
Kadriya. C’est Sidi Mahieddine Abou Mohammed Abdelkader El Ghilani
(1079-1166) qui donna naissance à la confrérie Kadriya qui porte son
nom. Les Kadriyine se fixèrent à Mascara et à Tlemcen vers 1466 après la
reconquête de l’Espagne par les chrétiens. L’ordre des Kadriya donna
naissance à la zaouïa de Sidi Mahieddine, le père de l’Emir Abdelkader, à
celle de cheikh d’Oued El Kheir dans la wilaya de Mostaganem et à
plusieurs autres zaouïas implantées dans différents lieux de notre pays,
dont notamment celle des Aïssaoua qui fut fondée par Sidi Mohamed Ben
Aïssa né en 1523 à Meknès ainsi que celle dite Essanousiya du cheikh
Bentekouk.
Fondateur de l’ordre religieux El
Madaniya qui porte son nom, Sidi Abu Médian Choaïb (1126-1198) eut pour
disciple préféré le chérif idrissid Sidi Abd Es Salam Ben Machich né en
1228 aux abords immédiats du djebel Alem situé près de Tetouan. Sidi Abd
Es Salem Ben Machich eut pour élève un autre chérif idrissid : Al
Hassan El Ghomari surnommé Ech Chadely auquel il enseigna la doctrine
soufie de son maître Sidi Abu Médian Choaïb.
Il n’est pas inutile de rappeler que
c’est en souvenir des ribats el moravides, où l’on apprenait le Coran,
la science du hadith et les préceptes de l’Islam ainsi que le maniement
des armes qu’on a formé le nom de « mrabet » que les Français désignent
sous le nom incorrect et péjoratif de « marabout ». Les premières
zaouïas, implantées en Algérie, furent de véritables ribats, dont l’une
des principales missions était de repousser les tentatives
d’évangélisation des populations algériennes, notamment celles de
Français d’Assise en 1221, de Raymond Lulle en 1231, des capucins de
Matteo Baschi vers 1515, des récollets vers 1600.
C’est sous la férule de la zaouïa de la
tarika Kadiriya de Mascara que l’Emir Abdelkader engagea la lutte contre
l’envahisseur français. Les débuts de la colonisation française
correspondent à la période de la fondation des zaouïas d’obédience
chadeliya. Tandis que l’armée de Bugeaud achevait ses conquêtes et que
les missionnaires chrétiens tonnaient en chaire contre l’Islam, un grand
nombre de cheikhs prestigieux de zaouïas des tarika chadliya et
khalouatia levèrent l’étendard de la révolte. La zaouïa Tidjaniya et la
zaouia Rahmania appartiennent à la tarika Khalouatia.
La chasse des colonisateurs commença
avec les adeptes de la zaouïa Tidjaniya. Sidi Ahmed Ben Mohamed, le
fondateur de la zaouïa Tidjaniya, est né en 1737. Il laissa deux fils
Sidi Mhammed El Kébir né en 1795 et Sidi Mhammed Es Seghir né en 1799.
Ces deux hommes s’établirent dans le ksour de Aïn Mehdi (Laghouat) où
ils entreprirent la lutte contre les Français.
La confrérie des Rahmaniya déclencha un
grand mouvement insurrectionnel sous le commandement de Si El Hadj
Mohammed Mokrani et de son frère Boumezraq. La zaouïa Er Rahmaniya a été
fondée par Sidi Mohamed Ben Abderrahmane El Guechtoub El Djeriari
(1715-1793). Deux zaouïas d’obédience Chadeliya, la zaouïa taïbiya et la
zaouia ech chekhia, reprirent le djihad livré pendant 17 années par
l’Emir Abdelkader. En 1845, la tarika des Taîbiya opposa la résistance
la plus vive aux Français dans les régions de l’Oranie, du Titteri et du
Hodna. La confrérie des Taîbia a pour fondateur Moulay Abdallah Ech
Chérif né au cours du XVIe siècle dans la tribu des Beni Arous au djebel
Alam. Il mourut en 1678 en laissant un fils Sidi Mohammed Ben Abdallah
(1678-1708).
A la mort de ce dernier lui succéda son
fils Moulay Tehami (1708-1715). Contrairement à l’usage, Moulay Tehami
eut pour successeur non pas son fils mais son frère Moulay Taîb. Moulay
Ali que la mort de son père Moulay Taîb plaçait à la tête de la zaouïa
mère d’Ouazzan ouvrit plusieurs zaouïas en Algérie. La zaouïa qui montra
le plus de ténacité et de bravoure dans la résistance à l’occupant fut
celle d’Ech Cheikhia qui fut fondée par Sidi Abdelkader dit Sidi Cheikh
(1533-1616) dont l’ancêtre n’est autre que Sidna Aboubakr Es Sediq,
beau-père du Prophète et premier khalife orthodoxe. Homme d’une grande
dévotion Sidi Ech Cheikh opta pour la tarika Elchadiliya. A sa mort, il
laissa plusieurs enfants dont leurs descendants reprirent en 1864 une
insurrection qui gagna le tell oranais et le Constantinois.
En 1871, les Ouled Sidi Cheikh
continuèrent la résistance sous la conduite de Bou Amama. D’autres
zaouïas qu’on ne saurait citer toutes ici, faute de temps et d’espace,
méritent également notre gratitude et notre vénération pour s’être
illustrées brillamment dans la résistance à la conquête du pays et à
l’évangélisation des populations de nos villes et de nos campagnes. Au
début du XVe siècle est apparu au Maroc au pays des Ida ou Semlal de
l’Anti-Atlas occidental un saint illustre : Sidi Mohammed Ben
Abderrahman Bou Abou Bekr Ben Sliman El Jazouli. Il donna une impulsion
vigoureuse aux doctrines de Abou-b-Hassan ech-chedely et fonda l’ordre
des Jazoulia.
Plusieurs tarikate actuelles se
réclament de la tarika Chadliya Jazouliya, dont la zaouïa-mère se trouve
à Afourhal, une petite localité située à 35 km de Mogador. Sidi Jazouli
est mort dans sa retraite d’Afourhal en 1468. A la fin du XVIIIe siècle
un chérif idrissid Moulay Larbi Derkaoui crée l’ordre des Derkaoua. Son
nom complet est Abou Abdallah Mohammed Larbi Ben Mohammed Ben Hossaïn
Ben Saïd Ben Ali Ed Derkaoui. Il est né en 1760 et originaire de la
tribu des Beni Zerroual de Bou Brih (Maroc). Il fut le disciple du grand
mystique Moulay Ali Ben Abderrahman El Amrani El Fasi dit Jamal qui
avait sa zaouïa à Fès au lieu-dit Hummat Er-Remula. La doctrine de
Moulay Larbi Derkaoui procède de la tarika Chadliya jazouliya. Il est
mort en 1823 dans sa zaouïa de Bou Brih où il a été enterré. Il laissa
trois fils : Sidi Mohammed, Moulay Ali et Moulay Tayeb. C’est ce dernier
qui prit la succession de son père. Moulay Larbi Derkaoui eut de
nombreux disciples : Sidi Ahmed El Bedaoui El Fassi, Sidi Mohammed al-Bûzîdî,
Sidi Mohammed El Harraq, Sidi Abdelouhad Ed Derbarh El Fassi, Sidi El
Hadj Mohammed El Rhomari, Sidi Mohammed El Fassi, Sidi Malek Ez Zehouni
et Sidi Bouazza El Mehadji. Les sept premiers disciples de Moulay Larbi
Derkaoui sont tous marocains. Ils ont tous fondé des tarika qui portent
leur nom.
Seul Sidi Bouazza El Mehadji est
algérien. Il a fondé la tarika Derkaouia Mehajjia. Il eut pour disciple
Sidi Mohammed Ben Kaddour Al Oukili de Kerker (Maroc Oriental espagnol).
Ce prestigieux maître eut pour élève Sidi El Hadj Mohammed Ben Ahmed
Ben Abderrahman El Hebri de la famille d’Ouled Bouazza du douar Ouled
Kaïm, tribu Benikhaled des Beni Snassen. Sidi El Hadj Mohammed El Hebri
eut pour disciples : Sidi Mohammed Boudali qui a fondé en 1870 la zaouïa
de Aïoun El Berranis près de Taghmaret ; Sidi Hammou Cheikh al-Bouzidi,
maître de Sidi Ahmed Ben Alioua le fondateur de la tarika El Alaouia de
Mostaganem (1867-1934) - Cheikh Al Alawi eut pour successeur Ech Cheikh
Hadj Adda Bentounès (M-1952) auquel il maria sa nièce Lala Kheira
Benalioua (1928-1975).
Ech Cheikh Hadj El Mehdi succéda à son
père en 1952. Ancien militant du PPA Echeikh Hadj Al Mehdi participa
activement à la lutte de Libération nationale. Il avait plusieurs noms
de guerre, dont le plus connu était Si Ridwan. Exégète remarquable du
Coran, Cheikh El Hadj El Mehdi avait toutes les curiosités
intellectuelles de son temps et les qualités d’un saint homme. Son fils
Cheikh Khaled lui succéda. Cultivé, libéral et généreux, cheikh Khaled
emboîte le pas à ses prestigieux ascendants - Sidi El Hadj Mohammed Ben
Illes qui se réfugia à Damas après qu’il fit campagne contre
l’établissement de la conscription en Algérie peu avant la Première
Guerre mondiale. D’autres zaouïas, dont notamment celle de Sidi Mohammed
El Missoum se rattachent à Moulay Larbi Derkaoui. Une tarika importante
tant par la personnalité de son auteur que par l’intense activité de
ses adeptes est celle qui a été fondée par Echeikh El Hadj Mohammed
Belkaïd.
C’est la tarika Belkaïdiya El Hebriya.
Issu d’une vieille famille tlemcénienne Cheikh El Hadj Mohammed Belkaïd
était un homme d’une grande culture et d’une profonde piété. Sa maison
était un refuge pour les Moudjahiddine durant la guerre de libération. Plusieurs membres de la famille Belkaïd moururent en martyrs. Il est
mort en 1998 à l’âge de 87 ans laissant sa succession à son fils
Abdelatif. De caractère bienveillant et féru de culture et de dévotion,
Cheikh El Hadj Abdelatif est un homme très estimé. La zaouïa qu’il
dirige à Sidi Maârouf distante de 15 km d’Oran dispense un enseignement
dans les différentes branches du savoir : étude du Coran et de la
science du hadith, culture littéraire, culture scientifique... Toute
l’activité de la zaouïa gravite autour d’un centre d’intérêt : la foi et
la science.
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