Mohammed ben Abdelkarîm Khattâbî

Mohammed ben Abdelkarîm Khattâbî, plus connu sous le nom de Abd-el-krim el-Khattabi est un des disciples original du Cheikh al-Alawî® pour avoir été l’une des figures les plus éminentes de l’histoire contemporaine du monde arabo-islamique. Voici une lettre envoyée par l’insurgé du Riff au Cheikh al-Alawî® qui se trouve dans les archives de la zawiya Alawiya de Mostaganem :

Au Nom de Dieu le Clément le Miséricordieux.

Et que la Prière et le Salut soient sur le Prophète Généreux.

Respectable maître, sidi Ahmed ben Mustapha ben Aliwa, sur vous le salut d’Allah et sa clémence.

Certes, nous avons été honoré par votre lettre et vos dons spirituels nous ont rendus heureux et nous avons attribué cela à notre bonne chance, car le fait que vous ayez daigné nous écrire est la preuve que les gens rattachés à Allah dirigent leurs cœurs vers nous et c’est ce que nous recherchons, louange à Allah.

Oui, depuis longtemps nous sommes habités par le désir de vous écrire, afin de nous autoriser à pratiquer certains Dhikrs, en vue de bénéficier de la bénédiction et des grâces divines dont Allah vous a gratifié, mais nous n’avons pu vous écrire. Mais aujourd’hui, nous ne laissons cette occasion se perdre, nous attendons de votre seigneurie qu’elle nous autorise à réciter une brève litanie adaptée aux états des conditions qui n’échappent pas à la noblesse de votre savoir.

Enfin, nous nourrissons l’espoir que vous prierez avec nous et que vous ne nous oublierez pas dans vos oraisons spirituelles intimes, lorsque vous vous adressez au Roi Suprême, et enfin sur vous le salut.

Mohammed ben Abdelkarîm Khattâbî, 15 Cha’bân 1340/ avril 1922.

Biographie

Muhammad Ben Abdalkarim al-Khattabi naquit vers 1882 chez les Aït-Khattab, fraction des Beni Ouriaghel, une des tribus les plus puissantes, les plus belliqueuses du Rif central, où sa famille possédait une forte influence. Après des études traditionnelles à Ajdir, Tétouan et Fès, il s’installa en 1906 à Melilla où il avait travaillé en tant que rédacteur du journal « Telegrama del Rif ». Abdalkarim maniait le verbe et la plume avec un grand talent.

Devant l’injustice du colonialisme exercée sur le peuple marocain, il se souleva avec une armée de montagnards rifains acquis à la cause légitime. Il avait institué une république qui fut éphémère, avec un « makhzen » (gouvernement central) basé sur un mélange de traits traditionnels et modernes. C’était la « République confédérée des tribus du Rif » qui avait duré de 1921 à 1926. Son pouvoir institué et renforcé, Abdalkarim élargit son champ d’action à tout le Rif, qu’il proclama république. Ce choix politique attira la sympathie des européens.

En 1923, il demanda au Parlement français de plaider en faveur de la « Renaissance nationale ». Il signa des protocoles d’accords diplomatiques et de coopérations avec les Britanniques pour des échanges commerciaux, notamment les richesses minières de la région de Tanger. Par ailleurs, il demanda l’aide du Komintern et du Parti communiste français. Les pays du Proche Orient et africains l’avaient aidé également.

La déclaration d’une république indépendante à partir du Rif, à l’intérieur même des frontières nationales du royaume chérifien avait discrédité l’autorité du souverain. Il voyait une menace sur la zone du protectorat français, d’où d’inévitables accrochages auraient eu lieu avec les forces colonialistes françaises. C’était une période de l’histoire qui avait annoncé la libération de tous les territoires marocains Les pays sous le joug colonialiste n’avaient de yeux que pour Abdalkarim, ce veilleur de consciences des opprimés.

L’Espagne désavouée par la défaite de ses troupes à la bataille d’Anoual était sur le point d’évacuer le territoire, quand le Maréchal Lyautey l’encouragea d’y rester et de mater Abdalkarim. Ils signèrent une alliance en adoptant une stratégie commune. Les deux puissances militaires, l’Espagne et la France colonialistes avaient assemblé près de 500 000 soldats, tous corps confondus, une quarantaine de généraux, dont le général Philippe Pétain et une dizaine d’escadrille aérienne. Selon les témoignages de l’époque, l’aviation espagnole aurait utilisé en 1925 et 1926, un gaz expérimental meurtrier baptisé « Lust » par ses concepteurs allemands. Abdalkarim avait subséquemment essayé d’alerter la Croix rouge internationale sur l’utilisation de gaz toxiques contraire à la légalité internationale.

Arrêté le 27 mai 1 926, Abdalkarim fut déporté le 27 août de la même année dans l’Ile de la Réunion. Où il y passa une vingtaine d’années de solitude et de privation, loin des siens et de ses montagnes rifaines. En 1 946, il réussit à s’échapper de la prison en soudoyant ses geôliers. Il rejoint l’Egypte le 3 1 mai 1 947 et s’installa au Caire dans sa résidence de Koubbeh Garden. De là, il continua de diriger la lutte contre les armées colonialistes en Afrique du Nord. Toutes les personnalités politiques de cette époque lui rendaient visite et demandaient ses conseils. Avec Bourguiba et les leaders nationalistes marocains Abdalkhaleq Torres et Allal al-Fassi, il fonda, le 9 décembre 1947 un Comité de libération dont il était président à vie.

Le 5 janvier 1 948, Abdalkarim lança un manifeste paraphé par les représentants des partis politiques nord-africains. Le manifeste exhorta la lutte pour libérer l’Afrique du Nord du colonialisme. « Il refuse obstinément de rentrer au Maroc tant que le dernier soldat étranger n’en est pas sorti et que l’Algérie voisine n’est pas libre. » Mais Abdalkarim, vieilli, opposé à la monarchie marocaine, ne pouvait entretenir autour de lui l’union des chefs nationalistes Nord africains. Le 4 mai 1956, il affirme encore « Nous n’acceptons pas de solution de compromis en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Nous voulons l’indépendance totale. ». Il meurt le 6 février 1963 à l’âge de 81 ans. Djamel Abdalnasser, le président égyptien lui avaient organisé des obsèques nationales.

sources

- Biographie de Khattabi
- Salah Khelifa: Alawisme et Madanisme, des origines immédiates aux années 50

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