Pérégrination du Cheikh Alawi en Kabylie (1919)

Pérégrination (Siyaha) du cheikh Alawi dans la vallée de la Soummam et le sud-est de la Kabylie. Le périple historique du maître soufi cheikh Alawi en Kabylie en 1919.
 
Dans la première moitié du XXème siècle, une voie spirituelle (Tariqa) de création récente, la Tariqa Alawiyya, a fait une percée remarquable en Petite Kabylie malgré la présence d’autres voies spirituelles (Idrissiyya, Zarruqiyya, ...) de même essence (Chadilliyya), et d'une prestigieuse Confrérie de racine Kabyle (la Rahmaniyya) que les Alaouis gênent considérablement en pays Kabyle. Cette implantation fulgurante est le résultat de la vision et de l'action d'un homme, Cheikh Alawi, qualifié de "moderniste" et qui a su "conquérir les cœurs". C'est notamment grâce à l’ouvrage "Rawda Saniyya fil Ma'athir Alawiyya", du cheikh Adda Bentounes édité après son décès en 1954, que la légendaire Siyaha du Cheikh Alawi en Petite Kabylie nous est bien connu aujourd'hui.
 
La nouvelle se propagea comme traînée de poudre qu'un grand Cheikh allait venir en Kabylie, on ne savait au juste quand, son arrivée était donc attendu avec fébrilité tant par les fidèles que par les autres.
 
Dans cette impénétrable forteresse berbère, la Kabylie, cheikh Alawi dut, pour cela, voyager pendant des mois, de village en village, entouré de ses disciples, enseignant, éveillant, et éduquant dans un monde qui s’était replié sur lui-même. Aqbou fut le premier village à l’accueillir, puis ce fut Tamoqra, berceau du célèbre Sidi Yahia Al-Aïdli. Séduit par l’accueil chaleureux fraternel, filial que lui réserva la population, le maître soufi poursuivit son périple dans plusieurs localités : Beni Ourtilane, Beni Chebana, Ilmayen, Adrar n’sidi Yidir, Djâafra… Périple qui se terminera à Bordj Bou-Arreridj. Quand on sait qu’il ne parlait pas le berbère, on peut apprécier comment, très vite, il a su rallier à la fois l’élite des ulémas et le peuple, et ce dans une contrée où existaient déjà des confréries soufies avec leurs maîtres et leurs zaouïas.
 
L’un des prêches du cheikh Alawi nous a été rapporté par Sidi Ahmed Ouhammouda :
 
"-Frères, l'homme accompli est celui qui dépasse son animalité, regardez-moi ces montagnes élevées, qui d'entre nous peut se targuer de rivaliser avec elles en hauteur ? Nous avons beau regarder nos frères de haut, nos têtes ne seront jamais au niveau de ces pics, regardez bien ce qui vous entoure, ces forêts, cette myriade de villages terrés au fond des vallées ou perchés sur les flancs des montagnes, ces montagnes mêmes, tout ce que vous voyez est condamné à disparaître, la force dont le Très-Haut a gratifié certains d'entre nous, nous est certainement encore plus éphémère...".
 
Durant sa visite, un grand nombre de personnes de cette région, plus de 6000 personnes s’attachèrent à sa Tariqa, sans compter ceux qui limitèrent leur rattachement à un pacte de bénédiction sans demander plus à Dieu. Il alla également dans les Aurès. Des statistiques coloniales indiquent que, pendant l’un de ces voyages effectués dans l’Est algérien, plus de 14 000 personnes prirent l’attachement en quelques semaines. Les habitants de cette région continuaient d’entrer dans cette tariqa en masse, et le nombre de ceux qui sont ouvertement établis dans la station de la guidance (irchad) parmi eux est impossible à connaître. Il est rare qu’il n’y ait pas dans un village quelconque des membres de cette communauté Alaouie, nous voulons dire des membres qui sont des maitres-guides établis et qui ont réussi à moraliser beaucoup de gens de grande Kabylie, du Biban, du Babor, à rendre honnêtes d’anciens voleurs de bestiaux et des hommes réputés dangereux. Les régions où ils sont groupés comptent beaucoup moins de délinquants … qu’autrefois.
 
 
Derwish Alawi






Commentaires