Les plus anciennes parutions trouvées jusqu'ici qui mentionnent le Cheikh Alawi (Ahmed Benalioua) en matière de commerce (1908, 1909). Ces parutions illustrent qu’Ahmed Benalioua (Cheikh Al-Alawi), bien avant sa renommée spirituelle, était engagé dans le commerce d’épicerie à Mostaganem, notamment rue de la Victoire. L’ouverture d’une liquidation judiciaire en 1909 marque un tournant important, possiblement corrélé à son désengagement progressif des affaires matérielles au profit de la voie soufie, et historiquement par sa tentative d'exil vers l'Orient (octobre-décembre 1909). La revente finale en décembre 1909 semble clore cet épisode commercial.
Avant d’être reconnu comme Cheikh Alawi, maître soufi d’envergure internationale, Ahmed Benalioua fut brièvement commerçant à Mostaganem. Ce passage dans le monde des affaires, bien que souvent marginalisé dans les récits hagiographiques, est un moment charnière dans sa trajectoire. Il incarne à la fois l’ancrage social du futur maître spirituel et l’un des signes de rupture avec la vie profane qui précède sa mission mystique.
En février 1908, plusieurs transactions documentées dans L’Indépendant de Mostaganem attestent de son entrée dans le commerce de détail. Par un acte sous seing privé en date du 11 février 1908, Ahmed Benalioua acquiert un fonds de commerce d’épicerie situé rue de la Victoire à Mostaganem, en rachetant ce dernier à M. Benaouda Benslimane, lui-même l’ayant acquis un jour plus tôt des frères Abdelkader et Mohammed Benalioua¹.
Ce commerce portait sur la vente de produits alimentaires et d’articles indigènes, dans un quartier urbain actif. Le choix de cette activité semble cohérent avec le tissu économique local de l’époque, dominé par les petits commerces de détail, souvent familiaux, dans les centres urbains coloniaux.
Mais cette entreprise se heurte rapidement à des difficultés financières. Dès janvier 1909, soit moins d’un an après son lancement, le tribunal de commerce de Mostaganem place Ahmed Benalioua en liquidation judiciaire, par un jugement en date du 14 janvier 1909². M. Parrès est désigné comme liquidateur provisoire, et les créanciers sont appelés à présenter leurs titres de créance dans les mois qui suivent³.
Il ne s’agit pas ici d’un simple revers économique. Ce moment est souvent interprété par les hagiographes et les disciples contemporains comme un symptôme du désenchantement du futur cheikh vis-à-vis de la vie matérielle – une étape dans son dépouillement progressif du monde.
Le 20 décembre 1909, un acte notarié entérine la vente du fonds de commerce à M. Mohammed Benslimane ould Belkacem. L’acte précise que cette cession inclut l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, le matériel, les marchandises en magasin et le droit au bail⁴. Cette vente, annoncée en octobre dans la presse locale, clôt formellement l’expérience marchande de Benalioua.
La fin de cette activité commerciale coïncide avec une transformation intérieure. Dès 1910, Ahmed Benalioua commence à enseigner publiquement et fonde la Tariqa Alaouia, qui prendra son essor dans tout le Maghreb et au-delà. Si les difficultés économiques peuvent s’expliquer par des causes conjoncturelles (concurrence, instabilité des marchés coloniaux, etc.), elles prennent dans le récit spirituel une dimension initiatique.
L’échec commercial ne serait donc pas un simple accident biographique, mais une étape initiatique majeure, conforme à la dynamique du "fana’ al-dunya" (anéantissement du monde matériel) que décrivent les traditions soufies.
Notes
- L’Indépendant de Mostaganem, 16 février 1908. Avis de vente de fonds de commerce.
- L’Indépendant de Mostaganem, 17 janvier 1909. Jugement de liquidation judiciaire.
- L’Indépendant de Mostaganem, 7 mars 1909. Convocation des créanciers au tribunal.
- L’Indépendant de Mostaganem, 10 octobre 1909. Annonce de vente officielle du fonds.
Derwish Alawi
___________________
Avis de vente de fonds de commerce (16/02/1908)
Par
acte sous-seing-privé (sous signature privée) en date du dix Février
mil neuf cent huit. Messieurs Abdelkader et Mohammed Benalioua ont vendu
leur part de fonds de commerce d’épicerie situés l’un à Beymouth et
l’autre rue de la Victoire à Mostaganem, à Monsieur Beneouda Benslimane. Par
acte sous-seing-privé en date du onze février mil neuf cent huit,
Monsieur Benaouda Benslimane a vendu à Monsieur Ahmed Benalioua, son
fonds de commerce d’épicerie qu’il exploitait rue de la Victoire à
Mostaganem.
Vente de fonds de commerce d’épicerie - L'Indépendant de Mostaganem 16/02/1908
Liquidation Judiciaire - Ahmed ben Alioua (17/01/1909)
D'un jugement rendu par le Tribunal de Mostaganem, jugeant en matière commerciale, le 14 Janvier 1908. Il appert : Que le tribunal a déclaré en état de liquidation judiciaire ouverte à ce jour le nommé Ahmed ben Alioua, commerçant, demeurant à Mostaganem, a désigné comme juge-commissaire M. Jacques (?) l'un de ses membres et comme liquidateur provisoire M. Parrès, arbitre de commerce à Mostaganem. Le Greffier, Denis.
Liquidation Judiciaire - Ahmed ben Alioua (07/03/1909)
Messieurs les créanciers non vérifiés ni admis de la liquidation judiciaire du sieur Ahmed ben Alioua, ex commerçant, demeurant à Mostaganem, sont invités à remettre dans le plus bref délai à M. Parrès, liquidateur définitif, demeurant à Mostaganem; leurs titres de créances. Il sont en outre convoqués à se présenter au Tribunal de Mostaganem (Salle des Audiences),le mardi 23 Mars 1909 à 9 h du malin, pour affirmer la sincérité de leurs créances. Chaque créancier peut se faire représenter par un mandataire muni d'une procuration sur timbre et enregistrée.
Vente de fonds de commerce (10/10/1909)
Suivant acte reçu par Mr Blancheur, notaire à Mostaganem, ayant substitué Mr Thireau, notaire au même lieu, le vingt décembre mil neuf cent neuf, enregistré. Monsieur Benalioua Ahmed ould Mostefa, commerçant, demeurant à Mostaganem, a vendu à Monsieur Benslimane Mohammed ould Belkacem ould Bouziane, commerçant, demeurant au même lieu, le fonds de commerce d’épicerie comestibles et articles indigènes que Monsieur Benalioua exploite à Mostaganem, rue de la Victoire, maison Amar et Cadji, comprenant l’enseigne et le nom commercial, la clientèle et l’achalandage, le matériel servant à son exploitation, les marchandises existantes en magasin et le droit à la location des lieux où il est exploité. Les oppositions, s’il y a lieu, devront être faites à peine de forclusion dans les dix jours de la deuxième insertion et seront reçues en l’élude de Mr Thireau, notaire à Mostaganem. Cette insertion est faite en renouvellement de celle parue dans le journal « l’indépendant » à la date du vingt-six septembre dernier. Pour deuxième insertion : M. Blancheur.
Vente de fonds de commerce - L'Indépendant de Mostaganem 10/10/1909
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