Cheikh Alawi - Quelle solution pour recommander le bien et interdire le mal ?

On a été frappés par tant de fléaux d’ordre social que nous réfléchissons, comme d'autres d’ailleurs, à une solution adaptée afin d’accomplir le devoir de « recommander le bien et interdire le mal ». Mais à quoi bon lorsque nous constatons que nous sommes entourés d’individus inconscients, qui négligent tout ce qui est « bien » et subissent les conséquences du « mal » de leurs actes. Chacun s’occupe de sa petite personne et ne porte aucune importance à son entourage même à ceux qui ont des liens familiaux. Ils sont indifférents aux malheurs des autres tant que cela ne les touche pas. Ils se dissocient des affaires de leurs concitoyens comme s’ils n’ont aucun des nobles sentiments humains.
 

Il y a aussi ceux qui manquent à leur devoir en négligeant leur mission de « recommander le bien et interdire le mal », car notre situation actuelle l'exige. Si la nation avait pu consolider les fondements de « recommander le bien et interdire le mal » elle n'aurait pas manqué le bonheur des deux mondes, mais quelle solution nous faut-il ? 

Cela nous paraît impossible d’aboutir à cette noble tâche d’ordre moral, bien que rien ne soit impossible à obtenir surtout lorsqu'il s’agit du raisonnable, et principalement si c’est une des nécessités pour notre intégrité religieuse. On dit ici et là que : « ce que vous proposez est un des devoirs de l’état qui a le pouvoir sur ses administrés et les moyens de le faire, comment pouvez-vous vous en mesurer ? » Nous répondons que ce que nous voulons n’est possible qu'avec le soutien de l’état, sinon notre tâche serait impossible à accomplir. En conclusion en frappant à la bonne porte, l’impossible devient possible tant que l’état considère que « le mal » a ses répercutions au niveau social et qu'il veut préserver la dignité de ses citoyens. De ce point de vue, la finalité de notre tâche n'est plus impossible, que ce soit au niveau religieux ou législatif. 

Autrement dit, on voit que l’état approuve plusieurs statuts des différentes associations et leur attribue différents soutiens. Alors, qu'est-ce qui nous empêche de créer une association intitulée « recommander le bien et interdire le mal » ou « la récompense dans l’Islam » ou d’autres nominations similaires qui conviennent ? qui soit composée de membres fidèles à leur religion et à leur nation. La mission d’une telle association serait bénéfique socialement, car la situation actuelle l'exige comme le besoin d’évoluer (humainement). Nous ne pouvons pas nous avancer sur la réussite de cette mission par cette voie (associative) dans le court ou le long terme, mais le travail sérieux de la réforme sociale peut être concluant même peu soit-il comme dit le dicton : « Ce qui n'est pas entièrement acquis, le minimum ou plus doit être requis ». 

Quant à nos chers savants les réformateurs qui se limitent à de simples paroles, je leur dis que cela est insuffisant si on admet que la parole est de mise, mais en réalité la parole est absente, quant aux faits n’en parlons pas, et c’est ce qui nous a désespéré de pouvoir essayer de réformer la morale de cette nation, mais Le Tout-Puissant dit : « ne désespérez pas de l'Esprit de Dieu » (Youssouf : 87). 

Certes, nous ne désespérons pas, mais combien de temps devrons nous attendre alors que nous manquons de confiance en nous-même pour être à l’avant-garde de cette tâche ? car il faut dire que chacun de nous pense qu’il n’est pas qualifié à atteindre le but recherché et obtenir le résultat voulu, et si chacun pensait qu’il serait digne, il le serait forcément et cela concerne l’élite d’entre nous et c'est la finalité de notre croyance, que nous soyons vieux ou jeunes, riches ou pauvres. 

Par Dieu, c'est terrible pour une personne de se voir incompétente pour accomplir « le bien », car lorsqu’elle est prête à le faire, elle est découragée par diverses raisons, et c'est une chose qu’une personne sensée n'accepte pas pour elle-même sans parler pour les autres. Mais où est la solution si cette caractéristique (de découragement) devient une idée fixe et une croyance ferme parmi nos coreligionnaires, qu’ils soient élus ou administrés : « Le quêteur et le sollicité sont aussi faibles l’un comme l’autre » (Hajj : 73). 

Il ne fait aucun doute que nous avons atteint la limite de la faiblesse, et nous avons raté l’opportunité d'apporter « le bien » à notre peuple même d'un pouce, mais en vérité, l’homme libre n'est pas prêt à baisser les bras de ce qu’il observe de défaillance en lui-même pour conjurer le mal jusqu’à ce qu’il arrive à le repousser si ce n’est d'un minimum, « Ô croyants ! Préservez-vous et vos familles d'un (terrible) Feu » (Tahrîm : 6), et quel feu qui soit aussi terrible que le déshonneur qui s’est faufilé à travers nos foyers ? nul n’en a échappé, que ce soit les citadins ou les villageois et de classes sociales diverses, à un point que cela a failli atteindre l’élite d’entre nous aussi bien que la totalité des croyants. 

Les élus de la nation et ses députés, ainsi que nous-même, chacun ne pense qu'à ses propres intérêts et à ce qui le concerne personnellement, on travaille chacun de son coté comme si rien ne nous lie et comme si aucune responsabilité envers les autres n’est requise. C'est ainsi que nous avons été créés afin d’œuvrer et vivre en individualité ? « Que Dieu Soit béni le meilleur des créateurs » (Mou’minoun : 14). 

C’est une constatation étrange... elle rend certains heureux et d’autres tristes, et nous, nous ne sommes ni de ceux-ci ni de ceux-là, et peut-être même pour certains sont plus proche à la première catégorie qu’à la seconde ! Cependant, la tristesse est l'un des résultats d’avoir manqué quelque chose et l’impossibilité de l'obtenir. Non seulement nous sommes tristes, mais nous avons manqué de réaliser ce qui a causé la tristesse et ce qui ne la causse pas aussi. Nous n’arriverons jamais à réaliser ce qui sera notre gloire dans la vie ici-bas et du bonheur de l'au-delà tant que cette caractéristique négative (de découragement) est étroitement liée à l’élite d’entre nous et à la généralité des croyants également. La débauche et la corruption se sont banalisées, et quiconque voudrait les combattre deviendrait une cible hostile, et sans cela, nous n'aurions pas cédé et aurions persévéré devant tout ce qui est contraire à la vertu même si la disgrâce s'accrocherait à nous. Mais le constat est terrible, comme si nous y étions soumis par nature, ou comme si nous faisions cela pour que le tourment divin nous atteigne, que Dieu nous en préserve, comme ce fut le cas des nations qui nous ont précédés « Ils ne s'interdisaient pas les uns aux autres ce qu'ils faisaient de blâmable » (Maida : 79). 

L'Imam Ahmad a rapporté d’après Odaï ibn Omaïra al-Kindi (que Dieu soit satisfait de lui) a rapporté : Le Messager de Dieu (§) a dit : « Dieu Tout-Puissant ne punit pas les gens ordinaires pour les actes de l'élite jusqu'à ce que ces derniers voient le mal se propager parmi eux, et qu'ils soient capables de le combattre, mais ils ne le font guère, à ce moment-là Dieu punira l'élite et les gens ordinaires ! »



 
Source : Quelle solution pour recommander le bien et interdire le mal ? Journal al-Balagh al-Jazaïri. N° 135 du 13/09/1929. 
Pour lire le texte en arabe, cliquez sur ce lien
Traduit de l'Arabe par Derwish al-Alawi, Les Amis du Cheikh Ahmed al-Alawi.

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